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    • La Chute
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La Chute – présentation

Une mythotragédie en quatre actes et cinq personnages

Alexandra – « Le jour brille un instant, puis c’est la nuit à nouveau ». Le jour… et puis la nuit. Le néant. Petite fille, j’avais peur du noir. Plus maintenant. Plus maintenant. Il ne faut pas, ne pas avoir peur de ça. Le noir, c’est la couleur vraie du sang qui coule dans nos veines et qui n’est pas rouge. Ne pas avoir peur de ça. Le noir. Le bleu du ciel, le jaune du soleil, le vert des arbres, le rouge de notre sang et les milles couleurs du grand mensonge. La vie. C’est à toi de tenir le pinceau, Princesse. C’est ce que je lui disais. C’est toi qui tiens le pinceau, toi qui possèdes le pouvoir de peindre ta propre vie. Tu tiens le pinceau, tu éclabousses le néant de mille couleurs et… zzzzioup, la vie. Pas de gris surtout. Le gris, c’est quand on manque d’imagination, quand on n’ose pas et qu’on ne vit pas vraiment. Les couleurs ne tiennent pas, passent avec le jour qui s’efface, chaque nuit comme un grand coup de gomme grisaille. Tout recommencer. Chaque matin remaquiller le monde. Jouer avec ça, puisque tout s’en va. Jouer avec les couleurs et peindre le ciel en jaune et le soleil en vert. Pourquoi pas. Tout est permis, Princesse. Comme tu es jolie ! Ne laisse à personne le soin de guider ton pinceau. C’est ce que je lui disais. Ne les laisse pas t’enfermer. Ils voudront t’enfermer. Parce que tu leur fais peur. Parce qu’en disant que le mensonge est mensonge, tu les obliges à regarder une vérité qu’ils ne veulent pas voir. Ils refuseront de regarder dans ce miroir que tu leur tends et où leur visage est gris et leur sang est noir. Ils ne veulent pas que tu leur dises qu’ils meurent. Pourtant… Ils naissent, et puis ils meurent aussitôt. « Elles accouchent à cheval sur une tombe ». Sur une tombe… et zzzzioup ! la vie. À peine le temps de la vomir, la vie. Une bonne gerbe au-dessus d’un trou. Tout juste le temps d’atteindre le fond. On tombe amoureuse, on tombe enceinte, mais on ne cesse jamais de tomber. (pause) Donner la vie. Faire un enfant. Devenir mère. Je m’y suis laissée prendre.

La Chute – Acte III, Scène 1

Alexandra naît sur la scène, joue sa vie, trébuche, se relève, s’affirme et meurt. Quatre actes. Naître. Paraître. Se soumettre. Et puis à la fin, disparaître. Elle joue sa propre vie, se met en scène, se donne en spectacle, tord le réel afin d’en sublimer la trivialité, lui donner un souffle qu’il n’a pas, un allant, une allure…

Être – puisqu’il le faut – mais être en tragédienne plutôt que de n’être pas assez.

Un père et une mère. Un amoureux et une amoureuse. Un enfant qui meurt. Chacun contraint de choisir, de trouver une place, un espace où tenir son rôle, face à elle ou à ses côtés, acteur ou spectateur, complice ou victime, chœur suppliant ou antagoniste.

Jusqu’à ce que le réel reprenne son cours rectiligne et sa verticalité, quand les passions de personnages qui n’en sont pas l’emportent sur l’illusion théâtrale, quand survient l’amour, le crime et puis la mort, et quand vient alors le temps piaculaire.

 

nota bene : texte très largement remaniée, y compris le titre, d’une pièce qui s’était appelée jusqu’ici – c’est-à-dire mai 2011 – Chouette, la Vie !

 
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La Chute – première scène

 

 

 

 


Une chambre d’adolescente. Un lit et des peluches sur le lit, des posters sur les murs…
Un placard, des robes dans le placard, une psyché…
Sur une étagère, un crâne blanc recouvert d’un voile.

 


Voix de la sage-femme : 
« Respirez. Respirez. Respirez… Bloquez tout. Poussez ! Poussez, poussez, poussez… »
Cris de parturiente. 
Et puis encore : « Voilà, respirez à fond maintenant. Respirez… Respirez… Respirez et… bloquez tout !
Maintenant, poussez ! Poussez, poussez, poussez… 
Vvvoi-lààà. »
Pleurs d’un nouveau-né.

Alexandra entre, nue, retenue par un cordon

 


Alexandra
  Ho ! Ho ! Poussez pas. Voilà, voilà, j’y vais. J’y vais… Voilà, j’arrive… Y a pas urgence quand même. J’arrive. C’est ici ? Là, sur ces quelques planches ? Ici qu’il me faut être ? J’y suis. Être ? (se penche sur elle-même, annonce) C’est une fille. Une fille ? Être une fille, pourquoi pas, hein ? Poupées, dînettes, marelles et cordes à sauter. Pourquoi pas ? La vie en rose. Pouffer avec les copines en vidant des pots de Nutella. S’épiler le maillot en chantonnant un jour mon prince viendra. Ça donne envie, hein ? On a le choix ? On n’a pas le choix. (s’avance, est retenue par le cordon) Maman, tu peux me lâcher maintenant. Lâche-moi, tu veux. Mais lâche-moi, merde ! (l’arrache) Ça commence. Tout faire soi-même, seule. Vivre. Jouer son petit rôle. Seule. À la fin le rideau tombe et le public s’en va. Quoi d’autre ? Quoi d’autre ?! Ils ne savent pas. Ils attendent, silencieux, dans l’ombre, leurs regards braqués sur moi. Quoi d’autre ? Ils attendent. Quoi, on n’aurait pas le choix ? Il faudrait se donner en spectacle, puisqu’on vous regarde ? Non. Je ne donnerai rien. (un temps) Je ne donnerai rien. (un temps) Ils attendent, l’œil rond et dévorant. Ils attendent. Ils me prendront tout. Ils arracheront chaque morceau de mon être avec leurs dents. Mais je ne donnerai rien. Ne rien donner, non. Mais ils me prendront tout, je le sais bien. Morceau par morceau. A la fin c’est moi qu’ils prendront. A la fin, c’est moi qu’ils prendront en spectacle. Moi, en spectacle. Mais je ne donnerai rien, moi. (pause ; s’observe dans la psyché) Est-ce bien moi seulement ? Une image peut-être ? Moi projetée, moi déformée, moi caricaturée. Un reflet un peu vulgaire. A peine un souvenir. Moi ? Non, ce n’est plus moi. Je ne suis pas ce masque que je porte. Ce visage… Ce corps… Ce cul… Ce n’est pas moi. Je ne suis pas ce costume de chair qui me dissimule. (pause ; s’observe encore) Joli costume, faut avouer. Je ne suis pas mal faite. Pas mal faite du tout. Ce corps… Ce visage… C’est entendu, je suis belle ! Ils m’aimeront puisque je suis belle. Ils aimeront ce morceau de chair, si ce n’est pas moi qu’ils aiment. Se faire aimer, voilà tout ce qui compte. Attirer les regards, les capter et puis exister. Se faire aimer et puis exister. Là, dans le regard de l’autre. Exister. Être aimé. (pause ; s’observe encore) Mais pas comme ça. Trop de chair, pas assez de mystère. (enfilant une robe, courte, sexy) On jette un voile pudique sur le néant, un voile par-dessus sa nudité désespérante, et l’on a créé quoi ? Une illusion ? Une femme ? Un mensonge de plus. Une femme, c’est-à-dire le désir qu’ils en auront. Beauté dissimulée, suggérée, fantasmée : un mensonge.  Quoi d’autre ? (jouant avec un voile – en dessous, un crâne) Dissimuler. Mentir. Mentir à tous et d’abord à soi-même. Se mentir. Feindre d’ignorer la vérité nue et noire, son universelle laideur, ignorer que l’on ne fait face qu’au néant, ce dieu mort et qui nous espère. Feindre, oublier, ignorer, croire, mentir, et puis ne jamais, non jamais tomber le masque. (elle tire sur le voile) Il n’y a au-dessous qu’un squelette sans âme, un crâne blanc et qui se marre. (s’adresse au crâne) « Now get you to my lady’s chamber, and tell her, let her paint an inch thick, to this favour she must come ; make her laugh at that.» Hamlet, acte cinq, scène première. Tout a été dit. Pourquoi le dire encore ? Fais-les rire avec ça. Ressasser. Ruminer. Vivre… C’est inutile. (pause) Nous ne sommes que cela, de pauvres comédiens sur une vaste scène et qui se répètent. Farce vulgaire où acteurs et spectateurs se confondent et se reflètent. Où rien n’est vrai que les rares moments d’extase ou d’intense douleur, quand malgré tout tombent les masques, se taisent les mots et jaillissent les vérités profondes. Quand se dresse le squelette blanc qui nous fait si peur. Fais-les rire avec ça. De pauvres comédiens, tristes spectres. La tragédie. La tragédie, voilà comme il faut vivre ! (se maquille) La scène est partout, ventre gigantesque où chacun se nourrit de la tragédie de l’autre, de ses tripes. Il n’y a pas de spectateurs, seulement des charognards attablés autour d’une charogne. Ils sont là. Ils attendent. Ils n’ont que leurs yeux pour pleurer et leurs bouches pour rire, et les battements de leurs petits cœurs pour se mettre à l’unisson de mon âme et vivre par procuration la tragédie qui me consume. Qui déjà me consume. Et ils sont là, à attendre, dans l’ombre, le cul calé dans leurs fauteuils et toussotant à qui mieux mieux pour exister davantage. Ils attendent, du drame, espèrent de l’émotion et puis des larmes. Du rire, du sang, du sexe et puis ma mort. Ils attendent. Bien. Il me suffira de vivre, et puis de bien mourir. Surtout bien mourir. Oui, mourir. Alors, pour peu que je meure bien, ils applaudiront. Ils frapperont dans leurs mains au-dessus de mon cadavre encore chaud, heureux d’avoir vécu un peu de moi, d’avoir touché un peu de mon âme et entrevu l’aveuglant éclat de ma solitude et qui est aussi la leur. A la fin, repus de moi, ils applaudiront à ma mort et puis ils s’en iront. Ils s’en iront enfin. Tous. Chacun d’entre eux. Chacun reclus derrière son propre masque de vivant, arpentant ses propres planches, et seul. Ils s’en iront. Ils m’auront tout pris. Une tragédie ? Non, un divertissement.

on frappe à la porte

 

Trois coups. Voilà. Voilà. Je suis prête. Comment suis-je ? Appétissante ? À croquer ? Tant mieux. Il est temps. Voilà. Je suis prête. Qu’on fasse entrer le père.

[…]

 

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