Déc 122012
 

journalismeDeux articles sont parus hier en fin de soirée sur le site de Mediapart.

Le premier article est intitulé : Affaire Cahuzac: le gestionnaire de fortune qui sait tout. On y apprend que Jérôme Cahuzac détient une « importante fortune personnelle ». De quelle importance exactement ? Mediapart n’en dit absolument rien. On nous dit qu’il y a fortune et qu’elle est importante, voilà tout. 

On y apprend aussi que Jérôme Cahuzac a recours à un homme de confiance pour gérer sa fortune, qui donc est « importante »… Mieux, « Mediapart est en mesure de révéler [son] identité ». Ils sont forts quand même. Il s’appelle Hervé Dreyfus. On est content de le savoir.

Quoi d’autre ? Bah, on nous donne le CV de Hervé Dreyfus. Il a par exemple travaillé au début des années 90 au Crédit Commercial de France. Et figurez-vous que – tenez-vous bien – Antoine Cahuzac, frère cadet de Jérôme, a lui aussi travaillé au Crédit Commercial de France, deux ans, entre 1989 et 1991. Ça vous en bouche un coin, je suis sûr. Bon, en fait c’était  juste pour dire que c’est de cette manière que Jérôme Cahuzac et Hervé Dreyfus se sont rencontrés. Du coup, si on nous le demande, on saura répondre.

A cet endroit de l’article, il y a un encart avec la signature de Hervé Dreyfus. On ne sait pas trop pourquoi. Peut-être pour le cas où l’un des lecteurs Mediapart voudrait s’exercer à l’imiter. Allez savoir.

S’ensuit une autre révélation d’importance. Jérôme Cahuzac et Hervé Dreyfus habitent dans la même rue. Et alors ? Bah ils habitent la même rue. Voilà.

Puis vient le tour du CV de Jérôme Cahuzac. Sous le sous-titre « Une fortune mystérieuse », on apprend d’abord que la part non mystérieuse de cette fortune – mais on ne nous dit toujours pas de quel montant il s’agit, pas même un ordre de grandeur – provient d’une part de la clinique Cahuzac que Jérôme a ouvert avec sa femme en 1991, et d’autre part d’un cabinet de consultant ouvert en 1993.

On notera que Mediapart ne dit pas que Jérôme Cahuzac a créé deux sociétés, mais « deux machines à cash ». Curieux choix de langage, d’autant plus que cet exposé n’aboutit qu’à nous apprendre – mais ça on le savait déjà – que Jérôme Cahuzac a acheté en 1994 un appartement pour près d’un million d’euros et le détail du plan de financement a été publié sur le blog de l’intéressé (en gros un emprunt, la revente de l’appartement précédent et 150 000 euros d’épargne). Machines à cash, ils disaient ?

Et on arrive à la conclusion de l’article, déjà,  où Mediapart rappelle les épisodes précédents, sans apporter la moindre preuves supplémentaires pour étayer ce qui aujourd’hui demeure donc de simples affirmations, sans fondements avérés. Ha mais, me direz-vous, et la part mystérieuse de la fortune ? On nous avait bien alléché avec une « fortune mystérieuse », non ? Bah en fait non, l’article n’évoque rien d’autre que la part non mystérieuse, « officielle », de cette si opportunément dénommée « importante fortune personnelle ».

Un article de trois pages et nous avons appris en somme que Jérôme Cahuzac a un gestionnaire de fortune qui s’appelle Hervé Dreyfus que lui a présenté son petit frère, qui habite désormais dans la même rue que lui et qui sait tout. Sans doute. Mais tout quoi ? Force est de constater surtout que Mediapart pour sa part ne sait rien. Et que nous non plus, par conséquent.

Pas grave, reste le second article. Celui-ci est titré : Cahuzac, pourquoi une enquête est improbable. Une seule page, cette fois, dans laquelle on nous explique que si même il y avait eu un compte en Suisse non déclaré, ainsi que l’affirme avec constance Mediapart sans néanmoins avoir jamais étayé son affirmation par la moindre preuve tangible, cette non déclaration serait aujourd’hui couverte par le délai légal de prescription. Ha zut !

Mediapart a l’air de regretter que nous soyons dans un Etat de droit, a même l’air d’ignorer que si même on modifiait la loi – ce que l’on peut en effet considérer comme souhaitable – aucune nouvelle loi ne saurait être rétroactive. Rappelons donc à Mediapart que la prescription – c’est-à-dire le droit à l’oubli – et la non rétroactivité des lois sont deux piliers fondamentaux du droit français et que c’est tant mieux.

Bref, deux articles de Mediapart qui ressemblent fort à du vent qu’on tente de souffler dans le vide d’une enquête ratée. Cela va bientôt ressembler à de l’acharnement. Or si l’acharnement est sans doute une qualité nécessaire à un bon journalisme, comme à un bon chien de garde, encore faut-il ne pas se contenter de japper autour de sa proie. A force, ça frise le pathétique.