Sep 082011
 

Ségolène Royal Game Over

Elle ne peut pas s’en empêcher !

Elle l’avait promis juré, durant la campagne des primaires on ne lui ferait dire aucun mal des autres candidats, « parce que je pense qu’il faut garder le débat à un certain niveau » (ici, par exemple). Elle n’a pas menti, personne ne le lui a fait dire, elle s’en est chargée toute seule, comme une grande, plaçant d’elle même le débat à son propre niveau…

« Le point faible de François Hollande, c’est l’inaction. Est-ce que les Français peuvent citer une seule chose qu’il aurait réalisée en trente ans de vie politique ? Une seule ? »

« Sa seule expérience électorale, c’est une législative perdue en 2002. Passer de rien à une campagne présidentielle, ce n’est pas facile. »

« François Hollande avait promis un livre sur son projet, il publie une compilation de discours, et Martine Aubry se contente d’écrire une lettre aux Français. »

Ségolène Royal commencerait-elle enfin à comprendre que la fin de partie approche, qu’elle ne rééditera pas son exploit de 2006, que les Français se souviennent encore douloureusement de la catastrophe qui s’en était suivi en 2007 ? Il était temps, Madame Royal. Et il serait peut-être même temps de s’y résigner tout à fait, ou du moins d’éviter de jouer une sorte de va-tout façon défaite à la Pyrrhus – mais Pyrrhus lui avait-il au moins emporté la victoire. Madame Royal, ne pourriez-vous avoir au moins l’élégance d’aller à la défaite avec dignité, sans taper sur vos adversaires qui, faut-il vous le rappeler, sont aussi supposés être vos camarades, être dans le même camp que vous, celui de la gauche, celui où devra se construire la défaite à venir de Nicolas Sarkozy ?

Il semble que ce soit trop lui demander. Garder ses nerfs, sauvegarder l’essentiel, jouer collectif, il semble que cela soit trop lui demander. Et la voici aujourd’hui, non contente de contredire ses propres engagements pour une campagne digne, qui en fait appel à la Haute Autorité des Primaires citoyennes (HAP) au prétexte que « les primaires citoyennes ne peuvent être une zone de non-droit sondagière, et ne peuvent se dérouler sous la pression d’enquêtes d’opinion discutables. C’est pourquoi nous souhaitons que votre Haute Autorité se saisisse de ce sujet, édicte des règles aux instituts, obtiennent la publication d’un avertissement ainsi que d’une période d’interdiction de publication. »

Du grand n’importe quoi !

La Haute Autorité des Primaires est un organe mis en place par le Parti Socialiste qui n’a aucune légitimité d’action officielle hors du champ du Parti Socialiste et des primaires. Madame Royal imagine-t-elle sérieusement que la HAP aurait les moyens d’édicter quelque règle que ce soit aux instituts de sondages ? Leur imposer une période d’interdiction de publication ? Mais c’est parfaitement grotesque ! L’on pourrait même aller jusqu’à gloser de la bêtise de Ségolène – et lui rendre ce service qui lui permettrait une fois de plus de se poser en victime – si au contraire on ne la savait tout à fait intelligente et calculatrice.

Car la manoeuvre est limpide, où il ne s’agit ni plus ni moins que de distiller un doute sur la régularité du processus des primaires, laisser penser que la blanche et preuse Ségolène serait la victime d’un complot fomenté au sein de l’appareil socialiste visant à fausser le résultat du vote, en sa défaveur, forcément en sa défaveur, elle qui fut la candidate des sondages en 2006 et en bénéficia plus que de raison – la suite en fit la tragique démonstration.

L’idée est de brouiller les esprits, semer la confusion entre les sondages portant spécifiquement sur les intentions de vote lors des prochaines primaires – et dont tout le monde à gauche reconnait la fragilité – et les sondages portant sur les présidentielles à venir qui, s’ils ne reflètent que l’état de l’opinion du jour, tendent jour après jour à accréditer l’idée que Ségolène Royal n’est pas en position de battre Nicolas Sarkozy, est même à peine en position de franchir le premier tour.

C’est cela qui pose problème à Madame Royal, que transparaisse de plus en plus – à travers les sondages mais pas seulement – la réalité du profond et tenace désamour – mais y a-t-il eu jamais amour – entre elle et les Français, entre elle et une gauche qui ne lui pardonne pas ni son échec en 2007, ni son comportement politique depuis – inutile d’y revenir.

La réalité de l’opinion aujourd’hui, n’en déplaise à Ségolène, est que si entre 25 et 30% des Français serait disposé à voter pour Martine Aubry ou François Hollande lors du premier tour de la présidentielle, ils ne seraient qu’entre 15 et 20% si elle était la candidate désignée à l’issue de ces primaires. C’est dire si elle est peu en position de battre Sarkozy, c’est dire si le risque serait grand de voir Marine le Pen lui passer devant, c’est dire si les électeurs de gauche sont incités à l’éliminer définitivement de la course aux présidentielles à l’occasion du vote des primaires. C’est dire si de fait Ségolène Royal n’est déjà plus dans la course – et cela ne date pas d’hier pour qui est un peu lucide.

Voilà donc le véritable problème que posent les sondages à Madame Royal : ils mettent en lumière une réalité politique qui lui est particulièrement défavorable. Voilà pourquoi, plutôt qu’en prendre acte avec une élégance et un sens du combat collectif qu’on ne lui a en effet jamais connu, nous la voyons devenir de plus en plus fébrile et de plus en plus mauvaise, plus hargneuse que mordante. Ce n’est que l’énergie du désespoir et l’on pourrait l’observer faire naufrage avec une certaine tendresse, si n’était que chacun de ses coups de boutoir n’était également un coup d’aiguisoir passé sur le tranchant des armes d’une droite qui n’en demande pas tant.