Fév 192013
 

CAFAinsi, cette fameuse « gauche de la gauche », d’ordinaire tant fière d’être plus à gauche, sinon mieux à gauche que la majorité des gens de gauche – ces méchants électeurs socialistes sans lesquels la gauche ne pèserait rien -, cette gauche-là tout à coup, Parti Communiste en tête – mais Mélenchon ne tardera pas à dire une connerie -, se retrouve à s’opposer avec vigueur à la fiscalisation des allocations familiales, rejoignant en cela les pires réactionnaires – citons pour l’exemple Guillaume Tabard ou l’association Familles de France. 

Pour les uns comme pour les autres, l’argument est le même : le caractère universel, fondement même de la politique familiale, serait remis en cause. On croit rêver !

Depuis quand doter de quelques 400 euros par mois, soit un tiers de SMIC, soit 5 000 euros par an, un foyer fiscal avec trois enfants soumis à l’ISF participe de l’universalité de la politique de la famille ? En quoi l’universalité implique-t-elle d’accorder une aide d’un même montant à tous les foyers fiscaux, quelques soient leurs revenus ?

Ce gauchiste irrécupérable de des pas perdus – par exemple, mais il n’est pas le seul à utiliser cette artifice – parle de taxation des allocations familiales plutôt que de fiscalisation, histoire de faire oublier qu’on parle bien d’intégrer les allocations familiales à l’assiette de l’impôt sur le revenu, et ce au motif qu’il s’agit bel et bien d’un revenu. C’est qu’il y a un périlleux grand écart à faire pour qui se prétend de gauche à se retrouver à contester le bien fondé de l’impôt sur les revenus et sa vocation redistributive.

Il est pourtant assez aisé de comprendre que lorsqu’on touche plusieurs centaines d’euros par mois pendant près de deux décennies, il s’agit bel et bien d’un revenu. Comme il est tout aussi aisé de comprendre que ce montant n’a pas du tout la même signification pour un couple de smicards – pour lequel il est vital – que pour un couple de cadres supérieurs – pour lequel il est de l’argent de poche. 

Moi qui suis à la fois père de trois enfants et déjà plutôt bien favorisé pécuniairement parlant, je peux vous affirmer que je suis toujours autant surpris, chaque début de mois, de voir plus de 400 euros venir s’ajouter à mes autres revenus. J’en suis content, c’est évident, mais je sais aussi que je n’en ai pas franchement besoin pour élever mes enfants, que ceux-ci, même hors allocations familiales, sont déjà « bien nés », c’est-à-dire dans une famille où l’on part avec un bon gros avantage dans la course à l’égalité des chances.

Et chaque année, au moment de remplir ma déclaration de revenus, je n’en reviens pas de n’avoir pas à déclarer ces quelques milliers d’euros qui ont alimenté mon compte et contribué à élever un peu plus encore mon niveau de vie. Emerveillement d’autant plus grand que ce n’est pas non plus comme si le système du quotient familial ne prenait pas déjà grandement en compte mes trois enfants pour réduire fortement la douloureuse.

Qui plus est, je peux vous garantir qu’à mon niveau de revenu – et il n’est pas non plus démentiel, l’était moins encore lorsque j’ai eu mes enfants – la perspective de percevoir des allocations familiales ne compte pour absolument rien dans la décision d’avoir ou pas des enfants – et c’est déjà une chance immense que de pouvoir prendre une telle décision sans autre considération qu’un désir partagé. Pis, avant de toucher ce revenu supplémentaire, je n’imaginais pas son importance. Pis encore, j’ignorais totalement qu’il n’entrerait pas dans mon revenu imposable. C’est dire si la natalité française ne se trouverait en rien affectée par la fiscalisation des allocations familiales.

En revanche, ce serait une importante mesure de justice sociale, favorisant la redistribution des richesses. Il ne suffirait que de bien ajuster le tir, c’est-à-dire, pour éviter que les familles modestes et des classes moyennes ne se retrouvent pénalisées par une telle mesure, d’augmenter le montant brut des allocations familiales de manière à ce qu’après impôt, relativement à leurs situations actuelles, les premières se retrouvent dans une situation meilleure et les secondes dans une situation au moins équivalente.

Oui, une mesure de gauche. Sans le moindre doute.

Et je n’ai pas abordé ici l’éventualité d’assortir les allocations familiales de conditions de ressources. Qui est un autre moyen de parvenir au même résultat, à savoir de moduler les sommes versées en fonction des revenus – mais avec des effets de seuil qui n’existent pas dans l’impôt. Le fait est que donner 100 à celui qui a 500 et donner 100 à celui qui a 5000 ne peut en aucun cas se targuer d’une quelconque universalité. Cela relève purement et simplement d’une injustice.