Mai 252013
 

Themis-JusticeLe camarade Gauche de Frontbas est en pleine forme ces derniers temps. Dès qu’une bêtise lui passe par la tête, il en fait un billet à charge contre le gouvernement. Sans réfléchir.

Dans l’avant-dernier, il expliquait que les socialistes étaient les alliés objectifs de l’extrême-droite. Nicolas s’est chargé de lui démontrer l’imbécilité d’un tel propos. Dans le dernier, il pose la question suivante : les syndicalistes, et plus largement les militants qui défendent des causes justes doivent-ils être traités comme de vulgaires délinquants ?

La question est bien évidemment de pure forme pour lui, il ne s’agit que de répéter le slogan imbécile selon lequel Hollande poursuivrait la politique de Sarkozy, selon lequel le PS c’est la droite, selon lequel la vraie gauche c’est celle qui pèse 12% dans les urnes – mais c’est seulement parce que le peuple est mal-comprenant.

C’est pourtant une bonne question. A ceci près que j’ignore ce qu’est un vulgaire délinquant. Mais ne jouons pas sur les mots et reformulons la question : tous les citoyens, y compris les syndicalistes, et plus largement les militants qui défendent des causes justes, doivent-ils être égaux devant la loi ? 

Avant de répondre, levons une dernière imprécision dans la formulation. « Les militants qui défendent des causes justes » : Faut-il entendre par là que les militants défendent par principe des causes justes, c’est-à-dire des causes qui leur semblent justes, qui sont leurs causes, qui sont la cause de leur militantisme, de leur engagement ? Ou bien que seuls parmi les militants ceux qui défendent des causes justes doivent être distingués des vulgaires délinquants ? Mais en ce cas, qui décident de ce qui est et ce qui n’est pas une cause juste ?

On comprend bien que cette seconde interprétation ne saurait tenir la route et qu’en réalité la question que pose notre petit mélenchoniste est en réalité et plus simplement : Tous les citoyens, y compris les syndicalistes, et plus largement les militants, doivent-ils être égaux devant la loi ? 

Dit autrement, la justice doit-elle traiter différemment un homme ou une femme qui a enfreint la loi au prétexte que l’infraction était motivée par son engagement militant ?

La réponse est oui. Pour la simple et bonne raison que, par principe, on ne juge jamais un acte mais un individu – et plus précisément un individu et les circonstances dans lesquelles il a commis l’acte pour lequel il est jugé.

Ce que cela ne signifie pas, néanmoins, que le militant se verrait de facto soustrait à la justice, qu’il n’aurait pas à répondre des actes qu’il aurait commis, qu’il serait en quelque sorte déclaré irresponsable parce que militant. Au contraire, un militant devrait s’enorgueillir d’avoir à répondre de ses actes et d’en assumer la responsabilité – et donc d’en assumer les éventuelles conséquences judiciaires.

Je crois beaucoup dans le concept de désobéissance civile. Parce que je crois beaucoup dans le principe de la responsabilité individuelle. Je crois que tout citoyen, militant ou pas, a chaque jour à faire face à sa liberté de désobéir. Le citoyen n’est pas un mouton qui aurait à obéir aveuglément aux lois. Exercer son libre-arbitre c’est précisément s’autoriser l’éventualité de la désobéissance. Exercer son libre-arbitre c’est décider de ses actes en conscience.

En conscience, cela signifie en accord avec sa conscience, mais aussi en connaissance des conséquences de ses actes, pour soi-même et pour les autres, donc en particulier en ayant conscience que l’on enfreint la loi et que l’on aura donc à en répondre. Disons-le plus brièvement, désobéir c’est assumer.

Sortir de cette logique ne serait pas sans conséquences, et elle sauraient éventuellement être fâcheuses. Il ne suffit – puisque c’est l’actualité du week-end (pour la dernière fois) – que d’imaginer les quelques allumés qui demain voudront en découdre avec les CRS s’empressant de demander à ne pas être traités comme de vulgaires délinquants au prétexte qu’ils militent pour une cause, nécessairement juste à leurs yeux.

Mais allons plus dans le détail de ce que notre petit apôtre du Grand Yaka cherchait à dénoncer. Des militants se trouvent au prise avec la justice parce que suite à quelques tags qui leur avaient valu une interpellation,  ils ont refusé de se soumettre à des prélèvements de leur ADN.

Le fait est que la loi n’autorise pas à taguer le domaine public – et c’est heureux. Ces militants ont choisi, entre autres moyens de lutte, d’en passer par quelques tags. Ce n’est pas bien grave, ça n’en est pas moins interdit par la loi. Ils ne risquent néanmoins pas grand chose, d’ailleurs je crois que les charges ont finalement été levées. Mais ne l’auraient-elles pas été, ils auraient été bien moins sévèrement condamnés que, pour les mêmes actes délictueux, de vulgaires délinquants – décidément, j’ai du mal avec cette expression – parce que leurs motivations n’étaient pas les mêmes – pour les uns une volonté de dégrader, pour les autres un moyen d’expression : la justice sait faire la différence, elle n’est pas aveugle.

Mais il existe aussi des artistes de rue pour qui le tag est la forme de leur expression artistique, pas tout à fait de vulgaires délinquants non plus…

Le fait est surtout que ces militants ont eu raison de désobéir, cent fois raison de refuser de se soumettre aux prélèvements d’ADN qu’on voulait leur faire subir – en application de la loi -, mille fois raison de s’opposer à cette loi abusive, atteignant aux libertés publiques. Oui, ils ont eu raison, mais en attendant c’est la loi et décider d’y désobéir expose à des poursuites judiciaires et ils le savaient.

On ne peut d’un côté réclamer que ceux-là n’assument pas les conséquences judiciaires de leur désobéissance et de l’autre s’insurger parce que tel ou tel militant de la droite extrême aura pour sa part décidé de s’opposer au mariage d’un couple homosexuel – au nom de sa liberté de conscience, par exemple – et réclamera d’échapper à la justice pour les mêmes raisons.

En revanche, il n’est pas interdit de militer pour un changement de la loi, pour réclamer par exemple une modification des critères d’inscription au fichier national des empreintes génétiques. Voilà une prise de position qui serait un poil plus constructive que la sempiternelle et vaine petite rengaine sur la trahison socialiste et la continuation de la politique sarkozyste. Parce qu’il est impossible de sortir du fait que la République exige que la loi s’applique, tant qu’elle n’a pas été modifiée.