Avr 112013
 

melenchonetethicDenis est un blogueur sympathique. D’ailleurs il est un des principaux membres de ce petit groupuscule gauchiste qui aspire à devenir la Stasi des blogs, six petits soldats sur-motivés qui ont rédigé une charte des blogs dont le succès atteint aujourd’hui des sommets vertigineux, un succès amplement mérité : ils étaient six pour la rédiger, ils sont cinq à l’avoir signée – la très aimable Euterpe ayant semble-t-il considéré en chemin que l’exigence de courtoisie était tout bien réfléchi au-delà de ses capacités.

Denis tient un blog tout aussi sympathique. Il s’appelle Voie Militante et c’est un blog engagé pour de vrai à la vraie gauche, celle du Grand Yaka – ainsi que l’indispensable El Fredo a choisi de surnommer notre Jean-Luc Mélenchon national, et populiste plébéiste. Très impliqué dans cette grande mission de la vraie gauche consistant à débusquer la fausse gauche, Denis a publié hier un billet intitulé sobrement Les assujettis à l’ISF en sur-représentation dans le gouvernement Ayrault dans lequel il dénombre plus ou moins soigneusement quatre ministres assujettis à l’ISF, parmi lesquels François Hollande qui n’est pas ministre, Jean-Marc Ayrault qui est le premier d’entre eux et Jerome Cahuzac qui ne l’est plus. Le plus délicieux étant sa conclusion, je vous la livre in extenso :

Comment voulez-vous, dans ces conditions, que ces grands bourgeois au cœur tendre – du côté de leur porte-monnaie –  puissent conduire une politique de gauche, sachant qu’ils sont au gouvernement pour y défendre avant tout leurs propres intérêts ?

J’ai voulu laisser un commentaire à ce billet d’une honnêteté intellectuelle bouleversante. J’aurais pu me contenter d’exposer sobrement que, somme toute, un ministre assujetti à l’ISF parmi une trentaine ce n’est finalement pas excessif – et même ils auraient été une demi-douzaine, il n’y aurait pas non plus de quoi crier au scandale. Exposer en passant qu’être de gauche c’est précisément avoir choisi de placer l’intérêt de tous, et en particulier des moins favorisés, au-dessus de son intérêt personnel. Mais j’ai préféré, comme souvent, faire un raccourci en forme de taquinerie, manière de souligner avec subtilité et gros sabots la contradiction inhérente au propos de mon petit camarade de la vraie gauche. Voici ce que j’avais écrit :

Rappelons ici que le patrimoine déclaré en 2012 par Jean-Luc Mélenchon, candidat à l’élection présidentielle, s’élevait à 760 000 euros et donc serait imposable à l’ISF…. si Sarkozy ne lui avait la fleur d’en relever le plafond et donc d’en exonérer le bourgeois Mélenchon.

Je m’empresse de préciser que je n’avais là rien inventé. Le fait est que comme tout candidat à l’élection présidentielle, Jean-Luc Mélenchon avait l’an passé déclaré son patrimoine au Conseil Constitutionnel. Ayant à cette occasion et comme d’autres joué le jeu de la transparence, nous connaissons ce qu’était alors ce patrimoine, soit 760 000 euros. Nous connaissons même son revenu de député européen, soit 6 200 euros net mensuel. Or le fait est aussi que Nicolas Sarkozy avait en 2011 relevé le seuil d’entrée dans l’ISF de 790 000 euros à 1 300 000 euros, exonérant par cette réforme un grand nombre de foyers fortunés.

Pas Jean-Luc Mélenchon, me direz-vous. Certes, et d’autant moins que le jeu des décotes lui permettrait sans doute de rester en-deça de la barre fatidique, fut-elle même abaissée à son niveau antérieur. Mais le point n’est pas là. Le point important est que Jean-Luc Mélenchon dispose d’un patrimoine suffisamment conséquent – et même d’un salaire suffisamment élevé (avec ses 6 200 euros nets par mois, Jean-Luc Mélenchon appartient en effet au 3% des Français les mieux dotés) – pour que Denis le range dans la petite case des grands bourgeois incapables, de par le poids de leur porte-monnaie, de mener une politique de gauche. Ce que j’avais donc trouvé savoureux.

On comprend alors aisément que le camarade Denis, légèrement gêné aux entournures, ait fait le choix de modérer mon commentaire, m’obligeant donc à en faire un billet de blog. Dans lequel il me faut en outre mentionner – sournoisement, bien entendu – qu’une telle censure des commentaires ne semble pas entrer parfaitement dans le cadre d’une charte prétendant au respect et la courtoisie entre blogueurs. On ne sera néanmoins pas surpris que le grand Yaka ait pu engendrer sa ribambelle de petits Yakas.