Avr 162012
 

Présidentielle 2012 : le scénario catastropheJean-Luc Mélenchon l’a déclaré ce matin sur BFM : « Pour Sarkozy, c’est cuit ! »

C’est une conviction qui se répand comme une traînée de poudre depuis quelques jours. Une conviction libératrice dont beaucoup à gauche sont désormais tentés de s’emparer afin de se lâcher un peu à l’occasion du premier tour. Une drôle d’ambiance qui n’est pas sans rappeler celle qui planait dans les dernières jours qui avaient précédé l’élection présidentielle de 2002.

Le peuple de gauche s’était alors laissé endormir, convaincu que Lionel Jospin serait présent au second tour et qu’il ne ferait alors qu’une bouchée d’un Jacques Chirac plombé par les affaires. Le premier tour était l’occasion de se défouler, de faire passer un message, ou même de s’abstenir de se rendre aux urnes. Nombreux sous-estimèrent le poids de leur propre vote, tant et si bien qu’ils furent suffisamment nombreux pour priver Jospin d’un second tour et priver la gauche d’une victoire trop annoncée.

Cette fois, le scénario ne sera pas le même. François Hollande sera présent au second tour. Pourtant, il est aisé de dessiner un scénario certes un peu différent mais qui  conduirait au même résultat : la défaite de la gauche, la réélection d’un Nicolas Sarkozy qu’on avait voulu enterrer un peu trop rapidement.

Parce que ce sont près d’un quart des électeurs qui se décident dans les derniers jours, et jusque dans l’isoloir pour bon nombre d’entre eux, et qu’une telle ambiance où, prenant pour certaine la victoire, beaucoup se sentiraient libres de se lâcher à l’occasion du premier tour et décideraient chacun, finalement, de faire passer un message, de voter Mélenchon par exemple, afin de l’aider à se placer Le Pen parce que ce serait en effet réjouissant, ou de voter Poutou parce qu’il est tellement sympathique, cela pourrait conduire au scénario suivant :

Au soir du premier tour, Nicolas Sarkozy qui aurait réussi à mobiliser son camp – et dans un contexte de forte abstention – obtiendrait 30% des suffrages, voire les dépasserait de quelques dizièmes. Loin derrière, François Hollande serait finalement ramené à seulement 25%, tandis que Mélenchon obtiendrait 17%, devant Le Pen à 13% et Bayrou à 10%. Que se passerait-il alors ?

La droite triomphe sur tous les plateaux de télévision, rabâchant en boucle des éléments de langages assassins, expliquant que Nicolas Sarkozy a fait mentir les sondages, que la majorité silencieuse s’est levée contre le système, que Hollande non seulement s’est effondré mais qu’il se retrouve otage d’un Mélenchon avec son grand couteau entre les dents, etc… Discours que les médias reprendront en boucle à leur tour. L’histoire du second tour ne serait alors plus du tout la même, plus du tout celle qui nous est annoncée et promise depuis des semaines.

Une dynamique aura été enclenchée et elle sera favorable à la droite, favorable à un Nicolas Sarkozy qui apparaîtra comme plus irrésistible, plus invincible que jamais. Il ne suffirait alors de pas grand chose pour parachever la catastrophe. Disons un François Bayrou qui comprendrait enfin que son destin ne se réalisera pas et choisirait de rallier la victoire, de rallier Sarkozy en échange d’un référendum sur la moralisation de la vie publique avant les législatives et d’un poste de ministre de l’économie et des finances – par exemple. Disons aussi, pour bien ficeler le tout, un évènement extérieur qui viendrait à point souligner combien Nicolas Sarkozy est un chef d’Etat indispensable à la France.

Il n’en faudrait pas beaucoup plus pour que le résultat de l’élection bascule et que Nicolas Sarkozy se retrouve réélu avec 50,2% des suffrages – de très peu, certes, mais suffisamment pour que nous en prenions pour cinq ans de plus, cinq ans qui alors nous feraient même regretter les cinq que nous venons de subir, tant nous aurions alors droit à un Sarkozy libéré et triomphant, plus arrogant que jamais et qui ne s’embarrasserait plus de rien.

Ce scénario-là n’est sans doute pas le plus probable, loin de là, mais il est plausible. Songez seulement que Nicolas Sarkozy à un peu plus de 30% et François Hollande à un peu moins de 25%, c’est par rapport aux niveaux actuels de sondages +2,5 points pour le premier et -2,5 points pour le second – soit précisément le poids de la marge d’erreur…  

La bonne nouvelle c’est que c’est nous, la gauche, qui avons en main la capacité de déclencher ce processus, que ce scénario ne saurait s’enclencher sans que nous ne commettions l’erreur suicidaire de ne pas l’envisager, de nous sentir libre de ne pas voter dès le premier tour pour la victoire.

Nicolas Sarkozy est cuit. Oui, si nous le voulons. Si nous le mettons nous-même sur le grill, dès le premier tour.