Mar 122014
 

Bien entendu (si je puis dire) Christiane Taubira a été un peu légère en répondant qu’elle ignorait tout des écoutes dont Nicolas Sarkozy faisait l’objet dans le cadre d’une enquête judiciaire, alors qu’elle le savait au minimum depuis le 26 février dernier, soit il y a une dizaine de jours. On peut même considérer qu’elle a menti. Ce serait une faute politique. Mais ce n’est pas un délit.

Et je vais vous épargner ici la liste des mensonges de Nicolas Sarkozy ou de Jean-François Copé, pour ne citer que ces deux-là. Je crois que, sauf à se dissimuler derrière son petit doigt, nous savons tous ce qu’il en est de leurs mensonges. Ce n’est pas non plus pour ces mensonges – et pour cause, mentir n’est pas délictuel, encore moins criminel – que la justice s’intéresse à l’un comme à l’autre.

Je vais seulement noter que la mise sur écoute de Nicolas Sarkozy est parfaitement légale. Il ne s’agit pas ici d’écoutes politiques sauvages. Contrairement, par exemple, à cette affaire des fadettes, dans laquelle Bernard Squarcini, l’ancien directeur central du renseignement intérieur (DCRI), parmi les très proches de Nicolas Sarkozy, avait été mis en examen dans une affaire d’espionnage téléphonique d’un journaliste enquêtant sur l’affaire Bettencourt et dans laquelle Nicolas Sarkozy était cité – mais aussi quelques autres… Par exemple. Dans le cas présent, il ne s’agit pas d’espionnage, encore moins d’illégalité, la mise sur écoute de Nicolas Sarkozy s’est faite à l’initiative de l’autorité judiciaire, dans le respect du droit français et dans le cadre d’une enquête judiciaire. Enquête judiciaire où il est question, entre autres petites choses, de trafic d’influence de la part d’un ancien président de la République. Rien que ça.

Mieux. Si Christiane Taubira a menti en disant qu’elle n’était pas informé de ces écoutes, le moins qu’on puisse tout de même remarquer à ce stade est que, contrairement à la manière dont se comportait la droite au pouvoir, le gouvernement n’est pas intervenu dans la procédure judiciaire en cours, respectant de fait l’indépendance de la justice et le principe de la séparation des pouvoirs. L’UMP s’efforce de laisser penser le contraire, argumentant que puisque le gouvernement était informé (parce que la procédure veut qu’il le soit), il pouvait intervenir. Argument spécieux et qui ne vaut rien d’autre qu’un aveu et Jean-Marc Ayrault a raison de souligner que « il faut que la droite française s’habitue à ce que la justice fonctionne en toute indépendance. Les mœurs du passé, c’est fini ».

En de telles circonstances, la seule argumentation digne que devrait se permettre une droite digne serait dans un « laissons faire la justice française en laquelle nous avons toute confiance », montrant ainsi le plus grand respect pour son indépendance. Or voilà, c’est tout ce dont il ne veulent pas dans cette affaire, ils ne veulent surtout pas laisser les juges faire leur travail. Peut-être ont-ils comme nous bien noté que pour semer la justice, Nicolas Sarkozy a adopté une stratégie célèbre dans le milieu du grand banditisme : il a fait l’acquisition sous une identité volée d’un téléphone portable afin de pouvoir l’utiliser en mode « talkie-walkie ». En toute innocence, bien entendu. Et l’usurpation d’identité, ça aussi c’est délictuel – un an d’emprisonnement et 15 000 € d’amende…

Ainsi, afin de faire oublier que la totalité du cercle dirigeant qui entourait Nicolas Sarkozy quand il était président de la République fait l’objet de procédures judiciaires, y compris donc Nicolas Sarkozy lui-même – à ce sujet, si vous avez un accès à Mediapart, lisez ce Sarkozy, un homme en bande organisée, c’est édifiant -, l’UMP a adopté la stratégie de l’enfumage. Ils n’ont rien inventé, du temps du RPR Charles Pasqua conseillait déjà : « Quand on est emmerdé par une affaire, il faut susciter une affaire dans l’affaire, et si nécessaire une autre affaire dans l’affaire de l’affaire, jusqu’à ce que personne n’y comprenne plus rien. »

UMP enfumage Sarkozy casseroles

Avant d’en finir avec ce billet qui aurait dû se résumer à cette seule petite image, je voudrais tout de même rappeler que l’UMP, et Sarkozy le premier, a toujours prôné que ce n’était pas un problème de mettre des caméras de surveillance à tous les coins de rue, ou de généraliser les fichiers d’ADN, ou de restreindre les droits de la défense, pas un problème pour les libertés individuelles, argumentant sur le thème du ceux qui n’ont rien à se reprocher n’ont rien à craindre et qu’il fallait être intraitable avec les délinquants. Et les voilà soudain à s’offusquer que la Justice se soit permis dans le cadre d’une enquête de mettre  Nicolas Sarkozy sur écoute. La délinquance en cols blanc ça ne compte pas ?  Nicolas Sarkozy ne serait pas un justiciable comme les autres ? Serait-on passé de la tolérance zéro à la tolérance pour un seul ?

 

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