Sep 212011
 

Ségolène Royal Game OverJe pensais ne plus y revenir. Et puis voilà, ce matin, il y a d’abord eu les déclarations de Ségolène Royal  contre une « Martine Aubry qui a menti aux Français » à propos de ce pauvre pacte passé avec DSK.

Dans un premier temps, je me suis souvenu que Ségolène Royal s’était ralliée à ce pacte, qui plus qu’un pacte était un accord politique de non-agression qui me semblait avoir un sens dès lors qu’il visait à éviter des divisions superflues en ne multipliant pas le nombre de candidatures similaires. Ségolène Royal d’ailleurs, à la veille de l’affaire du Sofitel, s’apprêtait à annoncer son ralliement à la candidature de DSK – dont il faut se souvenir qu’elle avait déclaré qu’elle le choisirait bien comme premier ministre. Peu importe, l’affaire éclata et l’accord – ou le pacte – devint caduque.

Dans un second temps, et surtout, je me suis rappelé que Ségolène Royal avait durant toute la campagne de 2007 défendu devant les Français les propositions d’augmentation à 1 500 euros du SMIC et la généralisation des 35h, avant deux mois plus tard de déclarer qu’elle ne jugeait pas crédibles de tels projets. Et de me demander alors qui des deux a le plus gravement menti aux Français.

Et puis j’ai alors découvert dans ma boite à courriels la dernière newsletter de Ségolène Royal qui souhaite me rappeler que je ne dois pas me « laisser manipuler par des sondages sur des panels de 200 ou 400 personnes qui n’ont donc aucune signification»… pour mieux au paragraphe suivant m’inviter à admirer combien les résultats des votes sur Internet lui sont favorables, « des sondages internet qui […] ont un nombre de votants si important qu’ils excluent tout risque de manipulation ».

Et là de me demander si Ségolène Royal ignore effectivement tout de ce dont elle parle ou bien si elle cherche seulement à jeter un écran de fumée, à me manipuler et me mentir. Parce que tout de même, si les sondages sont toujours à prendre pour uniquement ce qu’ils sont – c’est-à-dire bien peu de chose, ou bien moins que ce qu’on voudrait nous donner à croire -, ils sont tout de même le produit d’une science qui a beaucoup à voir avec les probabilités et les statistiques, c’est-à-dire avec les mathématiques – science pure s’il en est.

Ainsi, Ségolène Royal peut-elle ignorer que cette science nous dit qu’il n’y a que deux manières de sonder une population qui donnent des résultats fiables, c’est-à-dire interprétables. Soit on interroge un échantillon aléatoire très important de la population de manière à tomber sous le coup de la loi des grands nombres, soit on interroge un échantillon de la population plus petit mais représentatif de la population, c’est-à-dire qui reconstitue en miniature les caractéristiques de la population globale – sexes, âges, lieux de résidence, catégories socio-professionnelles, etc…

Un vote sur internet ne rentre de toute évidence dans aucune de ces deux catégories et n’a donc rien d’un sondage, c’est-à-dire qu’il n’a absolument aucune signification. D’ailleurs, Ségolène Royal omet – et l’omission est un mensonge – d’évoquer les votes similaires (ici par exemple) qui donnent des résultats en totale contradiction avec ceux qu’elles nous invitent à consulter parce qu’ils lui sont favorables.

Pas de manipulation possible sur des votes internet ?
C’est surtout que leurs résultats n’ont absolument aucun sens – non seulement l’échantillon est encore trop petit, mais surtout il n’y a rien d’aléatoire. Au mieux, si même l’on voulait supposer qu’aucune consigne de mobilisation n’a été donnée aux partisans de l’une ou de l’autre des réponses proposées, l’on peut dire que les partisans de l’une ont été les plus acharnés pour aller cliquer à cet endroit.

Quant aux sondages, les vrais, ceux réalisés par des instituts de sondages, le fait est qu’ils donnent tous des résultats cohérents et depuis suffisamment longtemps pour qu’on leur accorde un peu de crédit, c’est-à-dire pas d’avantage que ce qui se trouve à l’intérieur de la marge d’erreur, c’est-à-dire une mesure imprécise de l’état de l’opinion à ce jour et qui peut encore évoluer.

Rappelons à ce stade que la marge d’erreur est le fruit d’un calcul scientifique qui tient compte de la taille de l’échantillon et de la taille des sous-échantillons. Dit autrement, une fois la marge d’erreur connue, il est particulièrement stupide d’arguer de la taille de l’échantillon pour remettre en cause les résultats du sondage. Rappelons également qu’une marge d’erreur de 5% (par exemple) signifie que les résultats du sondage sont à 95% certains à + ou – 5%.

Le fait est donc qu’à ce jour, pour ce qui concerne les sondages sur cette primaire, parmi les électeurs qui aujourd’hui – après le premier débat – se déclarent certains d’aller voter, les résultats suivants (télécharger l’étude BVA – pdf et notamment le tableau de marges d’erreurs en page 3) sont certains à 95% :

François Hollande : entre 38 et 48 % ;

Martine Aubry : entre 24 et 32% ;

Ségolène Royal : entre 9 et 15% ;

Arnaud Montebourg : entre 6 et 12% ;

Manuel Valls : entre 5 et 9% ;

Jean-Michel Baylet : entre 0 et 3%.

Ségolène Royal aura beau essayer de tordre la réalité dans tous les sens, hurler au complot et à la manipulation, il semble assez crédible qu’elle soit à ce jour très mal barrée dans cette primaire. Si je peux me permettre un conseil, sa marge de manoeuvre, pour malgré tout espérer encore, ne réside pas dans la marge d’erreur des sondages et la probabilité d’un complot ourdi contre elle, mais dans l’éventualité qu’elle parvienne à retourner une opinion qui lui est aujourd’hui, et sans contestation possible, très défavorable. Je ne crois cependant pas que ce soit en agressant ses adversaires qu’elle y parviendra.

Cela dit, je suis assez certain, et depuis longtemps, qu’elle ne saurait y parvenir. La roue a tourné et depuis longtemps, le divorce entre elle et les Français qui a eu lieu il y a déjà plusieurs années est aujourd’hui consommé. Il est même en vérité plus que probable que cela remonte au printemps 2007, quand elle s’était donc permise de renier une partie non négligeable du projet qu’elle avait défendu devant les Français au cours de la campagne, à peine quelques mois plus tôt.