Sep 162013
 

horror-likeIls sont donc désormais 1,5 millions à avoir liké pour manifester leur soutien du bijoutier de Nice, un type qui a pété un câble après s’être fait détroussé et qui a mis une balle dans le dos de son voleur, le tuant sur le coup.

1,5 millions. Qu’importe qu’un bon nombre d’entre eux ait ou non été falsifié, des likes achetés en Inde ou en Chine. 1,5 millions : on est encore loin du compte, s’il s’agit de recenser tous les gros cons de France.

Pour mémoire, on rappellera les scores de l’extrême-droite au 1er tour des élections présidentielles depuis 20 ans : 6 millions d’électeurs en 1995 ; 5,8 millions en  2002 ;  4,6 millions en 2007 ; 6,4 millions en 2012. On notera en passant que le nombre de gros cons reste finalement assez stable, n’en déplaise à Marine Le Pen les médias qui depuis 20 ans nous font le coup de l’irrésistible ascension du Front National. Et encore, je n’ai pas souhaité inclure ici quelques-uns des électeurs sarkozystes de 2007 et de 2012 – sans doute mon côté Haroun el Poussah.

J’entends déjà quelques-uns de mes bons camarades qui me diront que c’est mal, qu’il ne faut pas stigmatiser les électeurs du Front National, que tous ces pauvres gens ne sont pas nécessairement des gros cons, qu’il faut faire l’effort de les comprendre, le chômage, l’insécurité, la désespérance… Et cest un fait que le vote Front National et la délinquance sont deux gangrènes qui s’alimentent au même terreau de la souffrance sociale. On peut trouver des explications à l’un et à l’autre. Pourtant, pas plus l’un que l’autre ne sont tolérables, ni ne doivent être tolérés. Dans les deux cas, la solution repose sur le triptyque éducation, prévention, répression. Une sorte de trithérapie sociale…

Education. Un minimum devrait suffire pour comprendre que dans une société civilisée ont ne fait pas soi-même la police, on ne se fait pas soi-même justice et que rien jamais ne justifie qu’on réclame l’impunité pour celui qui tire une balle dans le dos d’un homme. Comprendre que lorsque cela arrive, lorsque quelqu’un sous le coup de la colère, de l’exaspération, de la haine et/ou de la bêtise en arrive à une telle extrémité tragique, il est impératif qu’il ait à répondre de son acte devant la justice. Comprendre que sa mise à la disposition de la justice ne correspond pas à prendre le parti du voleur, mais à faire simplement appliquer la loi républicaine.

On remarquera que depuis de longues semaines, chaque règlement de compte à Marseille est minutieusement comptabilisé et mis en avant afin de révéler une ville qui serait à feu et à sang, livrée à des gangs sans foi ni loi. Comment ne pas voir que ce qui s’est passé à Nice relève exactement de la même logique, celle du règlement de compte : tu m’as volé, je te bute ? Comment dénoncer les uns et soutenir l’autre ? La loi est la même pour tous, tout commence là. Chaque fois qu’elle est enfreinte, la justice doit être saisie et devra, replaçant les faits dans leur contexte, se prononcer.

Prévention. Tout est là – et là, tout est politique. La diminution durable des chiffres de la délinquance comme des scores du Front National passe par une décrue significative de la souffrance et de l’exaspération sociale. Ce sont des meilleures conditions de vie, de la dignité pour tous, donc du pouvoir d’achat et de la sécurité, la fin du chômage de masse, la réduction des inégalités, une véritable justice sociale et fiscale… Je ne vais pas m’étendre sur cet aspect de la question, ce n’est pas le sujet de ce billet. Si l’on veut faire très court et très lapidaire, disons seulement que la seule solution passe par une politique de gauche ambitieuse – et beaucoup de patience, malgré l’urgence.

Répression. Nous ne devons avoir aucune complaisance ni pour les délinquants ni pour les électeurs du Front National. Disons-le autrement, et de manière légèrement provocatrice : le vote Front National est une délinquance passive. Elle ne tombe pas sous le coup de la loi, à terme elle n’en est pas moins dangereuse. Il faut la combattre de la manière la plus ferme qui soit, sans la moindre faiblesse. Si l’on peut comprendre les origines du vote Front National, il ne faut en aucun cas banaliser ce vote, encore moins le tolérer : un électeur du Front National est un gros con parce qu’il se comporte comme tel.

Osons une analogie médicale. Si la délinquance était un infarctus du myocarde, le vote Front National serait alors un sida. Les deux sont des maladies mortelles. La société française est devenue séropositive au FN au début des années 90, la France peut vivre avec, très inconfortablement mais elle peut vivre avec. L’extrême-droite est un sida social et le tragique serait que nous en arrivions à déclarer la maladie.

L’honneur de la gauche est de ne jamais oublier ce qui se joue à l’extrême-droite : la récupération malsaine d’une indéniable souffrance sociale, les solutions simplistes qui n’en sont pas, le repli sur soi, l’intolérance, la haine de l’autre, la désignation de boucs-émissaires, la stigmatisation de l’étranger, la négation des valeurs républicaines… L’honneur de la gauche est d’avoir prouvé son attachement républicain au lendemain d’un certain 21 avril 2002. Mais c’est aussi l’honneur d’un bonne partie de la droite que de refuser tout aussi clairement d’aller se compromettre avec l’extrême-droite. Et donc le déshonneur de quelques-uns de céder à la tentation d’entrouvrir cette porte derrière laquelle se dissimule l’immonde.