Avr 182012
 

Ce matin sur France-Info, à propos des récents ralliements enregistrés par François Hollande, notamment ceux de Martin Hirsch et Fadela Amara, François Bayrou a ironisé sur le thème du retour à la bergerie.

Nous, dans les Pyrénées, les bergers connaissent très bien ça pour les troupeaux, lorsque la saison change on appelle ça la transhumance. El là c’est exactement la même chose, ceux qui avaient fait le chemin pour aller de la gauche vers la droite font maintenant le chemin pour aller de la droite à la gauche. Ça n’est pas avec des caractères comme ceux-là qu’on peut changer la situation du pays. Vous voyez qu’on ne peut pas bâtir l’avenir d’un pays avec des gens qui sont un moment ici et un moment là. Ce dont on a besoin pour bâtir l’avenir du pays c’est de loyauté, d’engagement, de gens qui ont des idées arrêtées, fortes, enracinées, et qui disent que c’est avec ces idées-là que nous allons changer les choses.

On rappellera donc ici que François Bayrou a été ministre de l’Education Nationale sous trois gouvernements différents de droite – en 1993 dans le gouvernement d’Edouard Balladur (RPR), qu’il soutiendra lors de l’élection présidentielle de 1995 (il fait d’ailleurs partie de son comité politique de campagne avec Nicolas Sarkozy et François Leotard), puis en 1995 dans les deux gouvernements d’Alain Juppé (RPR encore).

François Bayrou se situait alors à droite, sans aucune ambiguïté, ralliant chacun des gouvernements de droite.

En 2002, il est candidat UDF à l’élection présidentielle, où il obtient moins de 7% des suffrages. Pour un temps encore homme de droite, il invite Jacques Chirac a constituer une majorité dans laquelle il pourrait obtenir un nouveau poste ministériel. Mais Chirac opte pour une autre stratégie et fonde l’UMP avec l’objectif de réunir et d’absorber les droites RPR et UDF. C’est alors seulement que François Bayrou devient « centriste indépendant », étiquette avec laquelle il se présente une deuxième fois à l’élection présidentielle.

« Troisième homme » de cette présidentielle de 2007, il déclare entre les deux tours qu’il ne votera pas pour Nicolas Sarkozy, sans pour autant dire ce qu’il fera. En décembre 2010, il avouera avoir voté blanc…

François Bayrou fut donc ici et puis là, faisant opportunément le chemin pour aller de la droite vers le centre.
Le chemin n’est pas long, cela n’a pas dû trop l’épuiser. 

Aujourd’hui, à la veille du premier tour de la présidentielle de 2012, l’on apprend de la bouche de Marielle de Sarnez, sa directrice de campagne, qu’au second tour il votera cette fois pour Nicolas Sarkozy. Lequel d’ailleurs laisse largement entendre qu’il pourrait en faire son premier ministre et qu’il pourrait même l’annoncer entre les deux tours.

Interrogé sur RMC sur la possibilité qu’il fasse connaître son choix d’un Premier ministre entre les deux tours, Nicolas Sarkozy a répondu : « J’attends de voir le premier tour et je vous réponds que ce n’est pas impossible que je le fasse ». Ce qui en langage Sarkozy signifie : « Oui, je le ferai. Ce sera mon ultime carte, mon dernier coup. » Puis, à la question de savoir si François Bayrou pourrait être ce choix :

Il faut voir ce qu’ont dit les Français [au premier tour] parce que le choix du Premier ministre ne peut pas être totalement et indifférent de ce qu’ont dit les Français, qu’est-ce qu’ils ont voulu dire, vers où va le sentiment majoritaire, qu’est-ce qu’ils attendent ? Le président de la République doit en tenir compte. Je ne dirai pas avant le premier tour, en aucun cas, quel sera mon choix. […] Mais j’ai déjà une idée assez précise.

Bref, François Bayrou s’apprête donc à faire le chemin pour aller du centre vers la droite. Tout aussi opportunément.
Toujours le même saut de puce, mais dans l’autre sens et qui ne l’épuisera pas.

Au moins fait-il preuve aujourd’hui d’une certaine clarté dont il avait été incapable en 2007. François Bayrou ralliera Sarkozy entre les deux tours, voilà qui est dit. Ses électeurs potentiels du premier tour seront sans aucun doute très heureux d’en avoir été informés au préalable. Du moins ceux pour qui voter Sarkozy, même indirectement, n’est pas une option. Ceux qui savent que Nicolas Sarkozy aura lui parcouru en cinq ans un chemin tout aussi court, depuis le Fouquets jusqu’au Crillon.

« Ça n’est pas avec des caractères comme ceux-là qu’on peut changer la situation du pays », disait ce matin François Bayrou…