Fév 252010
 

Die Ratten à la CollineDes rats occupés à survivre dans l’espace étriqué d’une galerie souterraine, leur terrier, ce boyau sombre et oppressant qui est tout leur univers.

Voilà le triste sort auquel se trouvent réduits les protagonistes – gens du peuple, gens de peu – de cette tragicomédie berlinoise de Gerhart Hauptmann : Die Ratten.

Une femme a perdu son enfant. Une autre est enceinte et n’aura pas les moyens de subvenir aux besoins de son bébé. Deux désespoirs se rencontrent, s’affrontent, et un marché se trouve bientôt conclu. De l’argent change de main et un enfant change de mère. Jusqu’à ce que la mère dépossédée revienne faire valoir ses droits sur l’enfant. Le noeud tragique est alors serré jusqu’à l’inéluctable. Destins pathétiques qui s’entrecroisent, souffrances, meurtres, prix du sang versé. Dans l’obscurité désespérante du terrier, les rats s’entredéchirent sauvagement, survivent un peu et meurent sans avoir vu le jour.

La parti pris de mise en scène est radical : la scène est surélevée, son plafond abaissé, de sorte que les comédiens se retrouvent à évoluer dans un espace vide où il leur est impossible de se tenir debout. Dos courbés pour la soumission, démarches chaotiques pour le dérisoire, ils n’ont pas d’autre choix que de devenir ces rats coincés dans un boyau, où les spectacteurs les observent, les étudient comme au travers d’une coupe transversale, et assistent à leur petit théâtre social.

Cette radicalité, oppressante même pour le spectateur, est une réussite. Et les comédiens, allemands, jouent justes, étonnamment justes tant l’expressionnisme pathétique n’est jamais facile, c’est-à-dire particulièrement casse-gueule. Ils parviennent à en faire trop sans que cela soit trop. A la fin, on est conquis et touché.

C’était la semaine dernière au théâtre de La Colline.

Source : Die Ratten