Oct 082009
 

La Grande Magie, Eduardo De Filippo, Dan Jemmett, Comédie FrançaiseUn hôtel face à la mer et des villégiateurs désoeuvrés. Un mari jaloux, sa femme et son amant. Un magicien raté et volontier carambouilleur…

Un soir de spectacle dans l’hôtel, le magicien fait, à la demande de l’amant, disparaître la femme sous les yeux du mari. L’amant enlève la femme, le magicien comprend qu’il serait bien en peine de la faire réapparaître, explique au mari que sa jalousie est seule responsable de cette disparition et lui remet une petite boîte supposée contenir la disparue. Il ne suffit au mari que d’ouvrir la boîte pour retrouver son épouse, pour peu qu’il lui fasse entièrement confiance. Dans le cas contraire, il l’aurait perdue à jamais.

Plus tard, le magicien révèle son secret au mari septique et menaçant : une illusion, une expérience hypnotique, un jeu mental qu’il faut mener jusqu’à son terme, quand l’illusion prendra fin et que le mari découvrira que le temps ne s’est pas écoulé, qu’il se trouve toujours à l’hôtel, où il assiste à un spectacle de magie durant lequel sa femme n’a pas disparue.

A ce point, le décor est planté et la pièce révèle sa vraie nature, fable philosophique où l’homme dans sa caverne fait face à l’illusion de la vie, fable platonicienne qui est le fondement même du théâtre, la raison d’être de ce théâtre dont on sait qu’il est lui-même dans le théâtre : « Le théâtre est la vie… et la vie, un grand théâtre où chacun s’efforce de tenir un rôle, le sien, sous le regard de l’Autre. » (*) Et donc le sujet de La Grande Magie est la vie, le rapport que chaque homme entretient avec sa propre vie, les illusions qui le trompent et l’abusent, celles aussi en lesquelles il se réfugie, afin de n’être pas tout à fait malheureux.

Se déroule alors un grand spectacle, particulièrement soutenu par les performances de Hervé Pierre, dans le rôle du magicien Otto Marvuglia, illusionniste sans talent mais bonnimenteur redoutable, et – surtout – de l’incontournable Denis Podalydès, tout simplement époustouflant en Calogero Di Spelta, ce mari tour à tour sévère, jaloux, trompé, abandonné, désespéré, torturé, aliéné, désabusé, repenti, amoureux, révolté…

Toutefois, la part vaudeville du spectacle n’est pas une réussite, et notamment au cours de ce qui n’apparaît être qu’un interminable prologue, où l’on rit peu et s’ennuie beaucoup. Tant pis, puisqu’on finit par être emporté. Malgré le décor clinquant mais pas forcément joli, malgré la mise en scéne souvent plaisante mais parfois un peu étriquée, et malgré des comédiens enjoués mais, hormis les deux précités et en comparaison, assez en-dedans. Tant pis, puisqu’on en ressort réjoui.

Du spectacle diesel, en somme. Où la grande magie du théâtre fait en définitive son merveilleux office : des mots, du sens et la vie – ou du moins son illusion…

Edit : C’est mieux en citant l’auteur, Eduardo De Filippo, grand auteur italien du XXème siècle, disciple de Luigi Pirandello – La Grande Magie a été écrite en 1948 -, et le metteur en scène, Dan Jemmett – né à Londres en 1967 et installé en France depuis une dizaine d’années…

(*) je profite de ce clin d’oeil un peu malicieux pour signaler aux quelques lecteurs de ce blog que ça intéresse, que c’est avec une grande joie que je retravaille actuellement cette pièce, qui donc en sus d’être la meilleure chose que j’ai jamais écrite, sera bientôt une très bonne pièce de théâtre – puisqu’il faut toujours en croire sa joie.

Source : La Grande Magie