Déc 022011
 

Cela fait un bout de temps maintenant que, périodiquement, on nous annonce la mort des blogs. Le blog n’aurait finalement été qu’un phénomène transitoire, comblant opportunément un vide le temps que le monde s’adapte à la révolution 2.0. Et les blogueurs n’auraient finalement été que des petits amateurs opportunistes bientôt surclassés par les professionnels, les vrais, ceux qui savent ce que public veut. Le public, c’est-à-dire les clients.

Je viens de lire le dernier billet de Marco, sur Alter Oueb. Il a assisté à la détresse d’une de ses vielles amies, détresse sociale d’une femme de 55 ans, détresse d’une déclassée – le terme lui-même est terrifiant -, contemplation d’une vie broyée parmi tant d’autres. Il raconte. Il témoigne. Et puis, il va plus loin, rebondissant sur le discours de Sarkozy à Toulon, hier soir, mettant en perspective les mots irréels de l’un, l’homme politique qui fuit ses responsabilités pourtant écrasantes, et la vie vraie de l’autre. Mise en abime saisissante.

Un tout petit président de la RépubliqueIllustration empruntée chez Le Grumeau

Hier soir, Nicolas Sarkozy a parlé un peu moins d’une heure. Mais il n’a pas parlé aux Français, en responsable politique. Il est – rappelons-le puisque lui visiblement l’a oublié – président de la République depuis bientôt cinq ans, mais il a été aussi Ministre du Budget entre 1993 et 1995, Ministre de l’Intérieur et numéro deux du gouvernement en 2002 et 2003, Ministre de l’Économie, des Finances et de l’Industrie en 2004, puis de nouveau Ministre de l’Intérieur  en 2005 et 2006. Président de la République en fin de mandat, lui qui demandait du temps en 2007, qui demandait à être juger sur ses résultats, il n’a pas daigné parler aux Français, n’a pas eu la décence de parler à l’ami de Marco, par exemple, pour faire face à ses résultats et assumer sa responsabilité.

Non, devant une salle pleine à craquer de militants de l’UMP, convoyés sur place par cars entiers, il s’est adressé aux électeurs de son camp, oubliant des promesses maintes fois répétées et jamais réalisées pour les répéter encore, et imputant contre toute vraisemblance la situation désastreuse de la France, et donc des Français, l’imputant – je vous le donne en mille – aux 35h !!! C’est-à-dire à une mesure votée en 1998 et mise en place à partir de l’année 2000 – il y a douze ans ! – et que depuis dix ans qu’elle est au pouvoir, la droite n’a pourtant jamais jugé bon d’abroger.

Aujourd’hui, l’ensemble des économistes s’accorde pour dire que la loi sur les 35h a été créatrice de plusieurs centaines de milliers d’emplois et a largement contribué à l’amélioration de la productivité du travail en France. Mieux, la durée réelle du travail en France est supérieure à ce qu’elle est en Allemagne, par exemple. Mais peu importe, il suffit de supposer que Nicolas Sarkozy a raison, que la loi sur les 35h serait effectivement ce qu’elle n’est pas, à savoir la source de tous les maux que connait aujourd’hui l’économie française, ainsi qu’il le disait déjà il y a dix ans, ainsi qu’il l’a répété jusqu’à plus soif il y a cinq ans, durant la campagne électorale de 2007, et depuis encore, en chaque occasion, oui il suffit de supposer cela pour comprendre l’écrasante responsabilité d’une droite qui aurait pu abroger cette loi depuis dix ans déjà et qui ne l’a pas fait, l’écrasante responsabilité d’un Nicolas Sarkozy qui a eu encore cinq ans pour y mettre un terme et qui ne l’a pas fait.

Nicolas Sarkozy ne paie jamais les Français que de mots, de discours et de promesses. Et pendant qu’il parle et s’étourdit de sa propre importance, de plus en plus de Français dégringolent de l’échelle sociale, en sont réduit à verser des larmes de désespoir et de honte en allant chercher quelques denrées alimentaires aux Restos du Cœur – c’est ce qui arrive à l’amie de Marco. Mais jamais Nicolas Sarkozy ne saurait prendre la part qui lui revient dans cette honte. Puisqu’il n’y serait évidemment pour rien, puisque par principe cet homme est irresponsable.

Nicolas Sarkozy prend soin de débuter chacun de ses argumentaires par : « Il faut dire la vérité aux Français », puis il poursuit en proférant les mensonges les plus éhontés. Alors je crois qu’il est plus que temps de dire la vérité à Nicolas Sarkozy, lui dire qu’il n’est qu’un petit bonhomme aussi arrogant qu’il est incompétent et qui restera comme une tâche honteuse dans l’Histoire de la République française, parce que nul autre que lui n’aura eu davantage de mépris pour un peuple qui avais commis l’erreur monumentale de lui accorder sa confiance.

Parce que la politique ça n’est pas seulement l’affrontement de plusieurs discours que nous rapporte avec la plus parfaite objectivité des journalistes consciencieux. La politique c’est surtout de la subjectivité, c’est les effets qu’elle produit sur cette amie que nous avons, cette personne que nous avons croisé dans la rue, cette femme qui pleure ou cet ouvrier qui meurt, autant de vies vécues et parfois de souffrances sociales, de souffrances qui sont les fruits pourris de la politique, c’est-à-dire des décisions prises par les responsables politiques par-delà les mots qu’ils prononcent et qui ne sont d’aucune utilité.

La politique a besoin de témoins. C’est ce que sont les blogueurs. Ils sont le peuple qui raconte, les témoins de notre temps. Ils ne sont pas les seuls, mais ils sont les seuls à échapper au filtre journalistique. Car les journalistes rapportent, ils ne racontent pas. Voilà pourquoi journalistes et blogueurs ne sauraient être en concurrence, comme ne sauraient être en concurrence auprès d’un enfant parents et professeurs. Voilà pourquoi les blogs sont loin, forcément loin d’être moribonds. Ils sont la vie qui fait écho.

Et parfois, tant la vie palpite dans les blogs, on s’en va tuer le blogueur pour mieux faire taire le témoin.