Nov 202012
 

François Hollande, à propos de la loi instaurant le mariage pour tous, a déclaré :   « Les maires sont des représentants de l’Etat. Ils auront, si la loi est votée, à la faire appliquer. Mais des possibilités de délégations existent, elles peuvent être élargies. Et il y a toujours la liberté de conscience. Ma conception de la République vaut pour tous les domaines, et d’une certaine façon c’est la laïcité, c’est l’égalité, c’est-à-dire la loi s’applique pour tous dans le respect néanmoins de la liberté de conscience. »

Et ce fut aussitôt un concert de hurlements scandalisés. Une fois de plus. Sans le moindre effort de rationalisation, de réflexion. Quoi, les maires pourraient décider de faire jouer leur liberté de conscience pour se placer au-dessus de la loi ! Honte ! Trahison !!

Les mêmes qui quelques heures avant revendiquaient, au nom de leur conscience, de pouvoir s’opposer à une loi qui déclare d’utilité publique une plateforme aéroportuaire de dimension internationale à Notre-Dame des Landes. Et des élus de la République étaient parmi eux.

Les mêmes qui quelques années plus tôt revendiquaient, au nom de leur conscience, de pouvoir détruire des champs OGM autorisés par la loi. Et des élus de la République étaient parmi eux.

Les mêmes qui quelques décennies plus tôt furent objecteurs de conscience. Et je ne vais pas remonter jusque dans les années 40, on me compterait rapidement un point Godwin…

Les mêmes donc ! Et ils oublient sans doute que chaque fois, il leur fallut en payer le prix. Parce que la liberté de conscience ne place personne au-dessus de la loi, la loi continue de s’appliquer et la justice de passer. On se souviendra par exemple que José Bové eut à purger une peine de prison.

La liberté de conscience, c’est ce qui dans un état de droit préserve notre libre-arbitre. En son nom il devient possible de désobéir – et d’en subir les conséquences, de les assumer. La liberté de conscience, c’est ce qui fait de nous des citoyens pensants et responsables, libres malgré le droit et son carcan de lois. Parce qu’on a toujours la liberté de les accepter ou non, en conscience.

Ma liberté de conscience, j’y tiens. Et quand viendra le jour où, parce que l’UMP de Copé – par exemple – sera revenu au pouvoir et aura fait voté l’interdiction de soigner les étrangers en situation irrégulière, ou de rendre pénalement répréhensible le fait de leur porter assistance, de leur offrir un toit, ou l’interdiction de scolariser leurs enfants, je veux pouvoir moi, en conscience, m’arroger la liberté de désobéir, et je veux espérer que des élus de la République se dresseront également et désobéiront, au nom de leur conscience d’hommes de gauche.

J’y tiens tellement, à ma liberté de conscience, que j’exige qu’elle soit accordée à mes ennemis politiques et je la défendrai en leur nom. Comme je réclamerai, avec autant de force, qu’ils assument toutes les conséquences de leurs choix devant les tribunaux compétents.

Réclamer d’un côté l’égalité pour tous dans le cadre du mariage, et de l’autre revendiquer une inégalité dans l’exercice de la liberté de conscience, est non seulement parfaitement incohérent, mais c’est dangereux. Parce que cela saurait tôt ou tard nous revenir en boomerang.

Enfin, tout de même et pas tout à fait accessoirement,Nicolas Sarkozy a passé cinq longues années à faire de la politique en clivant et en stigmatisant, en mettant des coups de boule à tous ces adversaires, je ne suis pas certain qu’il soit judicieux de réclamer que François Hollande fasse à son tour de même. Il a choisi d’avancer dans l’apaisement. Cela demande du temps et parfois de petites concessions. C’est frustrant, certes, mais l’essentiel est d’être en mesure de continuer à avancer.

En l’occurrence, la loi instaurant le mariage pour tous sera votée. Dans les six mois qui suivront, certains maires de droite feront jouer leur liberté de conscience. Les mariages seront alors célébrés par un de leurs adjoints. Un an plus tard, on n’en parlera plus. Le mariage pour tous sera devenu une réalité et l’égalité des droits aura progressé. Le prix de l’apaisement ne me semble guère élevé.

Mais vous, êtes-vous prêt à renoncer à votre liberté de conscience afin de la dénier à vos adversaires politiques ? Ignorez-vous donc qu’elle est garantie par la loi de 1905, cette précieuse liberté de conscience ?