Nov 062015
 

 

Macbeth the notes - David Ayala - Dan JemmetEmpruntons à Dan Jemmet lui-même le synopsis de son spectacle :

Macbeth (The Notes) est une sorte de performance théâtrale qui parle du processus de fabrication de la mise en scène d’une pièce de théâtre. Sur une scène vide un metteur en scène donne ses notes aux acteurs, aux techniciens et à l’équipe artistique juste après une des avant-premières publiques de sa création de Macbeth de William Shakespeare. Le spectacle n’est pas encore abouti et il s’agit pour le metteur en scène de donner tous les bons conseils et autres astuces de jeu à ses acteurs pour être fin prêts pour la première.

Tour à tour inspiré et exaspéré, et souvent perdu lui-même, le metteur en scène commente ses notes. Tout au long de cette séance de travail, il va défendre avec vigueur les principes avant-gardistes de sa méthode (encore peu connue) dite du théâtre de la distorsion. Pour cela, il loue le génie de son créateur vidéo allemand Rainer puis chérit obséquieusement ou fustige violemment l’acteur principal Jean-Marc, un acteur de téléfilm et autres talk-shows célèbres.

Macbeth (The Notes) est non seulement une sorte de voyage chaotique dans le cerveau de l’artiste créateur, mais aussi un saisissant point de vue sur la dévotion obsessionnelle que peuvent engendrer les grandes pièces de Shakespeare et sur les mille et une manières pour parvenir à les mettre en scène.

Un voyage chaotique, donc. Impossible de le contredire sur ce point. Un voyage qui était vendu pour durer 1h30. Non seulement on ne fut rendu qu’avec une bonne demi-heure de retard, mais force était alors de se rendre à l’évidence que déjà la durée annoncée était sans doute trop de la moitié pour parcourir ce qu’il s’agissait de parcourir.

Mais voilà, ce soir-là le public était on ne peut plus complaisant et les rires fusaient, bien sonores, au moindre clin d’oeil grossier qui lui était adressé par un comédien, David Ayala, qui ne se retiendrait donc pas d’en faire des tonnes. C’est ce qui arrive quand les gens de théâtre parlent aux gens de théâtre, feignant de se moquer d’eux-mêmes. Facilité de l’entre-soi. Jouer devant un public largement conquis à l’avance, et qui vous en donnera tous les gages dès la première réplique, est sans doute le pire qui puisse arriver à un spectacle, et à ses comédiens. Ne jamais flatter un clown, car toujours et pour le pire il vous le rendra. Ne jamais flatter un clown.

Et pourtant, il y avait de l’idée. Montrer les coulisses de la création, ce qu’il se passe avant le spectacle, durant sa genèse. Et en particulier quand on s’attaque à Shakespeare. A Macbeth. Quelle est la responsabilité du metteur en scène, sa place face à ce monument ? Comment pourrait-il être à la hauteur ? S’en remettre à l’inspiration ou plutôt intellectualiser le processus de création, quel est le bon équilibre ? Il n’y a évidemment pas de réponse, mais les questions sont intéressantes en ce qu’elles forment ce marécage dans lequel patauge et se débat tout artiste, parvenant ou non, de manière plus ou moins maîtrisée et consciente, à s’en extirper. Et le ressort comique est là évident. Encore fallait-il le manier avec doigté.

Mais le doigté dans la mise en scène, je ne crois pas que cela soit la qualité première de Dan Jemmet.

Pis, je suis désormais assez convaincu que Shakespeare lui pose un problème. Il ne l’aime pas. Ou plutôt, il est fâché de devoir l’aimer – tel un fils qui en veut à un père dont la stature est un peu trop imposante. Il semble y avoir chez Dan Jemmet vis à vis de Shakespeare une sorte d’attraction-répulsion, et on voudrait lui dire de lâcher prise, de ne pas persister plus que de raison dans ce qui ressemble à un amour contrarié. Quoi, on ne pourrait être metteur en scène anglais et préférer Pirandello à Shakespeare ? Pourquoi vouloir à toute force régler ses comptes avec ce dernier qui ne demande rien ? Ils sont vains, voyez-vous, ces quelques coups de pied nu au bas du socle de la statue du grand tragédien. Et il est plus vain encore de chercher à ne retenir à toute force chez lui que la part de bouffonnerie.

On pourrait croire que je m’éloigne du sujet, je crois pourtant que c’est le coeur du problème, l’essentiel de ce qui explique que ce qui aurait pu être un bon spectacle laisse finalement en bouche un parfum mitigé. Il ne fallait pas que ce soit Macbeth. De même qu’il y a deux ans, à la Comédie Française, il ne fallait pas que ce soit Hamlet. Chaque fois, on sent trop le règlement de compte, les petits coups de pied rageurs dans le socle de la statue se voient de trop, alors même que le metteur en scène aurait bien d’autres choses de lui-même à donner, pour peu qu’il veuille bien choisir des auteurs avec lesquels il aurait une relation légèrement moins oedipienne.

Ce n’est pas un conseil, juste un regret. Ce qui est une forme de compliment. Si je me permettais un conseil ce serait de s’en tenir à l’heure et demie de spectacle, si ce n’est même un peu moins. Le clown a du talent, il ne s’agit que de lui tenir un peu la bride. Le voyage n’a nul besoin d’être à ce point chaotique, et à force d’inconfort d’en devenir interminable.