Juin 092012
 

Mademoiselle Julie de August Strindberg par Frédéric Fisbach à l'OdéonRecette pour un massacre

1 cuillère à soupe de scénographie aberrante
La grande idée fut notamment de matérialiser le quatrième mur en disposant sur toute la longueur de la scène, et toute la hauteur aussi, une baie vitrée. De sorte que les comédiens se trouvent parfaitement isolés des spectateurs, qui les regardent évoluer comme dans un bocal. 

Afin qu’on puisse tout de même entendre parler les poissons, ceux-ci sont donc équipés de micros portatifs et leurs voix nous sont retransmises via des hauts-parleurs disposés de part et d’autres de la scène, accroissant encore la distance qui nous séparent d’eux.

Au résultat, on obtient le contraire même du théâtre, du spectacle mort. Ce dispositif ne perdure que le temps d’un acte, mais c’est déjà trop. Déjà, nous n’y sommes plus.

Ensuite, les baies vitrées sont ouvertes et tout le reste de la pièce, où nous sommes supposés assister au spectacle d’une intimité, se déroule dans un espace immense et blanc, où les personnages – deux, puis trois – semblent comme perdus.

1 louche rase de décor moche
Au premier acte, des voilages sont tendus sur un bon tiers de l’avant scène. Si bien qu’une bonne partie de ce qui se passe en arrière-plan est dérobée aux regards de tous les spectateurs qui ont eu la malchance de prendre place dans la partie droite de la salle.

Pour le reste, des néons blancs disposés en étoile sur un plafond blanc pour éclairer une scène blanche et aux murs blancs. Tout est blanc, depuis les voilages et les montants de la baies vitrées, jusqu’aux placards de la cuisine et aux chaises, en passant par la forêt qui est matérialisée par quelques troncs de bouleaux, blancs. Ambiance moderne et esthétisante, froide et aseptisée, sans intérêt. Et moche.

1 pincée de mise en scène inexistante
Des fondus au noir pour marquer le temps qui passe. Quelques masques et un homme à tête de lapin. Et puis quoi d’autre ? Le néant, rien qui vienne en appui du texte de Strinberg, en faire résonner les mots en nous, aujourd’hui. Lorsqu’une mise en scène consiste à ce point en une mise à distance, c’est à côté de l’émotion que l’on passe et dans l’ennui qu’on s’enfonce.

1 mesure de direction d’acteurs inexplicable
La distribution était alléchante. Juliette Binoche, Nicolas Bouchaud et Bénédicte Cerutti sont assez loin d’être les premiers venus. Mais il s’agissait peut-être de les faire jouer ensemble, plutôt que les uns à côté des autres. Faire passer de l’émotion de l’un à l’autre.

Et puis fallait-il encore s’assurer de la profondeur de notre ennui en étirant ainsi à l’extrême les dialogues et les silences ? On en vient d’ailleurs à se demander si les comédiens ne s’ennuient pas autant que nous. On pourrait les comprendre.

Quant à habiller Juliette Binoche avec cette abominable robe pailletée d’or, je connais un milliers de manière qui permettait de souligner à l’extrême la féminité de la comédienne. Cette robe lourde et vulgaire n’en faisait pas partie. Juliette Binoche n’est là-dedans ni féminine ni sexy, elle y est tragiquement engoncée.

mélanger le tout
Un four !