Fév 072013
 

Salvador AllendeC’était le 11 septembre 1973, c’était il y a cinquante ans.

Un coup d’état militaire s’apprêtait à balayer la toute jeune démocratie chilienne. Salvador Allende, élu président de la République trois ans plus tôt, s’adressait à plusieurs reprises à son peuple via les ondes de la radio et depuis la Moneda, le palais présidentiel, encerclée par des putschistes auxquels le président savait qu’il ne survivrait pas.

Quelques instants avant de mourir, Salvador Allende délivrait ainsi à son peuple des paroles essentielles, des paroles historiques que le peuple tunisien saura sans doute entendre aujourd’hui, un demi-siècle plus tard, et peut-être y puiser un peu de réconfort, un peu d’espoir, et l’indomptable certitude que l’Histoire non seulement leur donnera raison, mais leur apportera la victoire.

Amis de Tunisie, entendez la parole du président Allende qui, comme un pont jeté d’un siècle à l’autre, d’un continent à l’autre, à travers l’Histoire, vous est comme adressée et que depuis mon impuissance devant ce qui se produit là-bas, je reproduis ici comme l’expression de ma solidarité :

 

Si on m’assassine, le peuple suivra sa route, suivra son chemin même si les choses seront plus difficiles et plus violentes. Et ce sera une leçon objective très claire pour la majorité de ces gens que rien n’arrête. J’avais tenu compte de cette éventualité, je ne leur offre pas la facilité. Le progrès social ne va pas disparaître parce que disparaît un de leur dirigeants. Il pourra demeurer, se prolonger. Mais on ne peux le renfermer ni le mettre à genoux.

[…]

Au nom des intérêts les plus sacrés du peuple, au nom de la patrie, je vous appelle tous par vous dire d’avoir confiance. L’histoire ne se détient pas par la répression et le crime. Cette étape sera dépassée. C’est un moment dur, difficile. Il se peut qu’ils nous écrasent. Mais le lever du jour appartient au peuple et sera celui des travailleurs. L’humanité avance pour la conquête d’une vie meilleure.

Je paierai de ma vie la défense de principes qui sont chers à cette patrie. La honte tombera sur ceux qui ont renié leurs convictions, failli à leur propre parole et rompu la doctrine des forces armées. 

Le peuple doit rester vigilant et en alerte. Il ne doit pas se laisser provoquer ni se laisser massacrer mais défendre ses acquis. Il doit défendre le droit de construire avec ses propres efforts une vie digne et meilleure. 

Une parole pour ceux qui se sont  » autoproclamés  » démocrates et se disent représentants du peuple : ils ont incité ce soulèvement et ont entraîné le Chili dans un gouffre, d’une manière frauduleuse et insensée.

Au nom des intérêts les plus sacrés du peuple, au nom de la patrie, je lance cet appel pour vous dire de garder en vous l’espoir. L’histoire ne s’arrête ni avec la répression, ni avec le crime. Cette étape sera franchie. Ce que nous vivons est un passage dur et difficile. Il se pourrait qu’ils nous écrasent mais l’avenir appartiendra au peuple et aux travailleurs. L’humanité avance pour la conquête d’une vie meilleure.

[…]

Je m’adresse à la jeunesse, à ceux qui ont chanté et ont transmis leur gaieté et leur combativité. Je m’adresse au Chilien, à l’ouvrier, au paysan, à l’intellectuel, à tous ceux qui seront persécutés parce que dans notre pays le fascisme était présent depuis un certain temps déjà par les attentats terroristes, faisant sauter les ponts, coupant les voies ferrées, détruisant les oléoducs et gazoducs, complices du silence de ceux qui avaient l’obligation d’intervenir… L’Histoire les jugera !

Il est certain qu’ils feront taire Radio Magallanes et le métal de ma voix calme ne vous rejoindra plus. Cela n’a pas d’importance, vous continuerez à m’entendre. Je serai toujours auprès de vous et vous aurez pour le moins, le souvenir d’un homme digne qui fut loyal envers la patrie. 

Le peuple doit se défendre et non se sacrifier. Le peuple ne doit pas se laisser cribler de balles, mais ne doit pas non plus se laisser humilier. 

Travailleurs de ma patrie ! J’ai confiance au Chili et à son destin. D’autres hommes dépasseront les temps obscurs et amers durant lesquels la trahison prétendra s’imposer. Allez de l’avant tout en sachant que bientôt s’ouvriront de grandes avenues sur lesquelles passeront des homme libres de construire une société meilleure.

Vive le Chili ! Vive le peuple ! Vivent les travailleurs ! 
Ce sont mes dernières paroles.
J’ai la certitude que le sacrifice ne sera pas inutile.
Et que pour le moins il aura pour sanction morale : 
La punition de la félonie, de la lâcheté et de la trahison.

 

L’intégralité du discours de Salvador Allende est à lire ici.