Mai 232010
 

le torero espagnol Julio Aparicio encorné

Le tragique peut-il être esthétique ? La laideur du drame peut-elle cohabiter avec la beauté d’un instant ?

Un seul instantané – oui, c’est le mot ! – peut-il figurer toute la parabole qui de la vie conduit à l’art, où elle se trouve sublimée ?

Depuis que je suis tombé sur cette photo chez Rimbus – tombé littéralement en arrêt – je m’interroge.

Comment est-il humainement possible que j’aime cette photo ?

Si je devais nommer cette image, cet instant figé où tout s’est produit déjà, et rien encore pourtant, parce que la compréhension de que cela signifie n’a pas eu le temps de cheminer jusqu’à la conscience de l’homme encorné, ni à celle du taureau qui en est probablement dépourvu – de conscience, pas de cornes -, non plus qu’à celles des spectateurs hurlants d’admiration et d’effroi, ni même à celle du photographe dont le doigt vient de se crisper sur le déclencheur, cette oeuvre aurait pour titre : « Juste avant que le sang ne coule ».

Et la corne lui sortant par la bouche, le malheureux torero rengorge un cri rendu impossible. Juste avant que le sang ne coule et la vie ne s’échappe. Avant la douleur, aussi.

Source : Juste avant que le sang ne coule