Sep 222008
 

Congrès de ReimsAinsi, à quelques jours du dépôt des motions, une première clarification a eu lieu au sein du Parti Socialiste. Inutile de gloser à l’infini sur les tractations de couloirs qui ont permis cette clarification, il s’agit de politique et donc de l’art de passer des alliances et de faire des compromis. Il ne sert à rien en la matière de jouer les vierges effarouchées : en politique, on n’a jamais raison tout(e) seul(e).

Constatons donc seulement que quatre axes principaux se sont dégagés parmi lesquels les militants auront à faire un premier tri. Notons également que du poids respectifs qu’auront donné les militants à ces quatre forces dépendra en grande partie la deuxième phase de clarification qui déterminera, à l’issue du vote sur les motions, un pôle majoritaire et un voir deux pôle(s) minoritaire(s), ainsi que le nom du prochain premier secrétaire.

Passons en revue les quatre forces principales en présence :

1. L’aile ségo-libérale
Ségolène Royal a finalement noué une alliance avec les animateurs de « La ligne claire », les barons de province du socialisme, comme le maire de Lyon Gérard Collomb et le patron des Bouches-du-Rhône Jean-Noël Guérini, mais aussi le député de l’Essonne Manuel Valls, le très « libéral compatible » et qui plaide pour le renoncement du Parti Socialiste à sa référence au socialisme. Nous trouvons là tous ceux qui au PS penche vers une redéfinition de la stratégie d’alliance du Parti Socialiste en la déportant vers le Modem. De Royal à Valls et de Valls à Bayrou, il y a là en effet une certaine cohérence politique social-libéral ;

2. Le centre delano-démocrate
Le maire de Paris, Bertrand Delanoë, s’est allié à l’actuel premier secrétaire, François Hollande, dont le poids reste fort dans les fédérations socialistes, et vient d’enregistrer un soutien de poids en la personne de Jean-Marc Ayrault, le patron des députés socialistes à l’Assemblée nationale et qui fut très proche de Ségolène Royal durant la campagne des présidentielles. Ce dernier souhaite d’ailleurs que Delanoë « tende la main à Ségolène Royal et à ses amis ». Ils sont la première partie du pôle social-démocrate.

3. Le centre social-aubryiste
La maire de Lille, Martine Aubry, est quant à elle à la tête d’une coalition qui réunit des strauss-kahniens (comme Jean-Christophe Cambadélis), Arnaud Montebourg, Laurent Fabius et ses amis, ainsi que de nombreux cadres du Nord-Pas-de-Calais. Eux aussi sont des sociaux-démocrates avec une coloration sociale légèrement plus marquée.

4. L’aile hamo-réformiste
Benoit Hamon est parvenu à réunir la gauche du Parti Socialiste : Henri Emmanuelli, les anciens ministres Marie-Noëlle Lienemann et Paul Quilès, et enfin Gérard Filoche. Si la social-démocratie n’est pas une appellation en laquelle ils se reconnaissent, on note dans leurs différentes contributions l’émergence d’un socialisme moderne, adepte de la réforme, à la fois ambitieux et ancré dans les réalités du XXIème siècle, très européen.

Manque Moscovici qui après avoir longtemps tenu la corde aura finalement fait les frais de ce petit jeu des alliances. Il se déterminera sans doute bientôt, sans que cela puisse sensiblement changer la donne. Nous possédons donc à cette heure de toutes les cartes qui nous permettent de nous lancer dans un petit jeu de prospective politique :

Première hypothèse : La motion delano-démocrate arrive en tête – Le maire de Paris est en position de maintenir sa candidature à la tête du PS et l’hypothèse d’un rapprochement avec la branche ségo-libérale devient envisageable. A moins que Bertrand Delanoë ne préfère faire l’union des sociaux-démocrates en privilégiant une alliance avec Martine Aubry. S’il ne faisait pas ce choix, cette dernière pourrait alors décider soit de rejoindre l’axe qui se serait constitué à la droite du PS, soit de s’allier avec Benoit Hamon et constituer un pôle minoritaire qui plus conséquent aurait d’autant plus les moyens de peser. En tout état de cause, Delanoë deviendrait premier secrétaire du PS.

Deuxième hypothèse : La motion ségo-libérale arrive en tête – En ce cas, il est fort probable que ni Delanoë ni Aubry ne consente à faire l’appoint et qu’ils décident en conséquence de se rapprocher, faisant candidat au poste de premier secrétaire celui des deux qui serait devant l’autre. Le reste dépendrait alors très fortement du poids du pôle hamo-réformiste tel qu’il serait ressorti du vote des militants, lequel pôle – quoi qu’en espère depuis longtemps les ségolénistes – ne devrait pas consentir à s’allier par-dessus les centres avec l’aile ségo-libérale. Ainsi, si Benoit Hamon réussit son pari de fédérer les forces de gauche de ce parti et à peser suffisamment lourd, il serait en position d’entrer dans la constitution d’une majorité qui, penchant clairement à gauche (c’est-à-dire en particulier assez loin du Modem) n’aurait d’autre choix que de s’atteler à l’élaboration de ce projet ambitieux, innovant et cohérent dont a fini par désespérer la gauche.

Cette deuxième hypothèse est selon moi la plus probable, qui donnerait quelque 25 à 30% aux motions delano-démocrate et ségo-libérale, 20 à 25% à la motion social-aubryiste et 15 à 20% à l’aile gauche du PS. Quelques points en plus ou en moins ici ou là conduiraient soit à une majorité étriquée qui verrait le Parti Socialiste continuer dans l’immobilisme où chacun des présidentiables s’efforceraient de miner l’avènement de tous les autres, soit à une majorité conséquente et contrainte cette fois de produire ce projet moderne et de gauche qu’on attend depuis trop longtemps et qui consacrerait l’émergence d’un véritable Nouveau Parti Socialiste.

On l’aura compris – et même si j’attends encore de me plonger dans la lecture des motions – je penche pour ma part pour apporter mon soutien à la motion portée par Benoit Hamon et ses amis, avec l’espoir que ceux-ci pèsent suffisamment pour entrer dans une synthèse majoritaire qui orienterait vers l’action et l’audace l’ensemble du Parti Socialiste.

A moins que…

L’hypothèse Vincent Peillon – Je l’ai dit depuis longtemps, un congrès de reconstruction aurait été un congrès qui pour en finir avec les vieilles querelles stériles aurait mis sur la touche les vieux querelleurs, c’est-à-dire cette génération de responsables issue du mitterandisme et qui s’entre-déchirent depuis une à deux décennies, les Delanoë, Royal, Hollande et Aubry rejoignant sur les lignes arrières les DSK, Fabius et Jospin. On aurait eu alors un congrès qui aurait fait la part belle à un débat de fond et qui se serait articulé autour de nouvelles personnalités et en particulier celles de Vincent Peillon et Benoit Hamon. Le moins qu’on puisse dire est qu’on refusa de s’engager dans une telle direction de rupture.

Néanmoins, paradoxalement, en se neutralisant les uns les autres, les barons du mitterandisme pourraient n’avoir en définitive d’autre porte de sortie que de se mettre d’accord autour d’un autre que l’un d’entre eux. Or il apparaît de plus en plus clairement et à de plus en plus de socialistes que Vincent Peillon puisse être celui-là.

La solution Peillon aurait un double avantage, dont le deuxième est un handicap : non seulement le PS sortirait par le haut de son congrès et dans une certaine unité, un parti socialiste suffisamment solide pour se mettre enfin sérieusement à son travail d’opposition au sarkozysme et de proposition d’une alternative innovante à gauche. Mais, en sus, il ne faudrait alors pas six mois à Vincent Peillon, premier secrétaire du parti socialiste, pour acquérir auprès des français aussi bien notoriété que popularité. Ce qui de facto en ferait rapidement le meilleur des présidentiables – fait qui constitue en réalité le frein majeur à la concrétisation d’une telle hypothèse, tant les vieux présidentiables auront à coeur d’étouffer dans l’oeuf une menace qui pèserait trop lourdement sur leurs ambitions personnelles.

Aussi, cette hypothèse Peillon, ne pourra surgir que d’une pression exercée très fortement depuis les militants, qui siffleraient la fin de la récréation des egos.

Nota Bene : Aux nombreux ségolénistes qui continuent d’espérer en une possible alliance avec Benoit Hamon qui ferait l’appoint nécessaire à Ségolène Royal, je voudrais suggérer de visionner très attentivement la déclaration limpide de ce dernier et qu’il fit à l’issue de l’université d’été de la Rochelle. Ils comprendront alors combien une telle alliance relève du fantasme, combien les bras dans lesquelles s’est désormais précipitée Ségolène Royal ne sauraient pouvoir ni même vouloir remplir les cinq conditions posées par Benoit Hamon et ses amis et qui concernent en effet le fond des débats :

1- sur le rôle de l’investissement publique dans la régulation du marché ;

2- sur les restrictions au libre-échangisme ;

3- sur la question de l’augmentation des salaires ;

4- sur la refondation du pacte européen ;

5- sur le rassemblement de la gauche : soccialistes-écologistes-communistes et hors alliance nationale avec le Modem.

Crédit illustration : SaT – Reproduction interdite sans autorisation de l’auteur

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