Août 082008
 

Ulysse de James Joyce, Nouvelle traductionCela fait plusieurs jours que je vois se former cette chaîne, dont je n’ai pas réussi à trouver le premier maillon. Elle me plaisait et j’attendais avec impatience d’être « tagué » (mot barbare). C’est ce cher Abadinte qui a bien voulu mettre fin à mon attente angoissée.

Il y a des règles dont la deuxième [sic] est de citer le règlement. Je m’y soumets et ensuite je m’autoriserai à tricher un peu.

Règlement :
1- citer la personne qui vous a tagué et mettre un lien vers son blog ;
2- indiquer le règlement du jeu ;
3- ouvrir un livre que l’on aime à la page 123 ;
4- recopier à partir de la cinquième phrase et les cinq phrases suivantes ;
5- indiquer le titre du livre, le nom de l’auteur, de l’éditeur, et l’année d’édition ;
6- taguer 4 personnes dont vous souhaitez connaître les lectures ;

Ayant respectueusement réalisé les trois premiers points, j’attaque à présent le quatrième qui, semble-t-il, s’est transformé au fil de la chaîne – façon téléphone arabe 2.0 – en un « recopier la cinquième ligne et les cinq lignes suivantes » beaucoup moins attrayant et que je vais donc feindre d’oublier. Je fais d’ailleurs remarqué à mes petits camarades prédécesseurs qu’une ligne (ou phrase) plus les cinq suivantes font en tout six lignes (ou phrases) et pas seulement cinq – ils sont un certain nombre à avoir ainsi compté comme des cancres, ce qui me donne quelques phrases d’avance et autorise la petite tricherie qui suit et que je ne justifie de fait pas davantage.

M. Bloom fut pris soudain d’une grande volubilité en s’adressant à ses compagnons.

– Il en circule une bien bonne en ce moment sur Ruben J. et son fils.

– L’histoire du batelier ? demanda M. Power.

– Oui. N’est-ce pas qu’elle est bien bonne ?

– De quoi s’agit-il ? demanda M. Dedalus. je ne l’ai pas entendue.

– Le fils avait une fille en vue, commença M. Bloom, et son père avait décidé de l’envoyer sur l’île de Man pour leur éviter de faire une bêtise, mais quand ils furent tous deux…

– Hein ? fit M. Dedalus, ce grand dégingandégandin ?

– Oui, dit M. Bloom. Ils se rendaient tous les deux vers le bateau et il essaya de noyer…

– De noyer Barabbas ! s’écria M. Dedalus. J’espère qu’il l’a fait, par le Christ !

M. Power émit un rire interminable sous l’écran de ses mains qui voilaient ses narines.

– Non, dit M. Bloom, le fils en personne…

Martin Cunningham lui coupa abruptement la parole :

– Reuben J. et son fils décanillaient sur le quai en direction du bateau de l’île de Man quand le jeunot s’est soudain échappé, a sauté par-dessus le parapet et s’est retrouvé dans la Liffey.

– Mon Dieu ! s’exclama M. Dedalus alarmé. Est-il mort ?

– Mort ! s’écria Martin Cunningham. Que non ! Un batelier a pris une gaffe, il l’a pêché par le fond de culottes et il fut ramené comme ça à son père sur le quai. Plus mort que vif. La moitié de la ville était là.

– Soit dit M. Bloom. Mais le plus drôle…

– Et Reuben J., dit Martin Cunningham, s’est fendu d’un florin qu’il a remis au batelier en échange de la vie de son fils.

La main de M. Power ne put retenir le souffle qu’elle tentait d’étouffer alors qu’il pouffait.

– Il le lui a remis, insista Martin Cunningham. Grand seigneur. Un florin d’argent.

– N’est-ce pas qu’elle est bien bonne ? s’empressa de dire M. Bloom.

– C’était un shilling huit de trop, jeta M. Dedalus.

Le rire contenu de M. Power fusa dans la voiture.

dans Ulysse, de James Joyce – p.123 cinquième phrase et suivantes, Nouvelle Traduction ; Editions Gallimard (2004).

 

Il ne me reste plus qu’à nommer les quatre maillons à suivre, qui auront la tâche de respecter scrupuleusement le règlement pour compenser un peu le degré de liberté qu’il m’a plus de prendre. J’appelle donc à la barre :

 

  • Rimbus, mon ami du oueb ;
  • Sylvie, qui sait pourquoi ;
  • Balmeyer, qui ne sait pas pourquoi mais moi je sais ;
  • Zoridae, et je ne sais vraiment pas pourquoi, peut-être pour ses beaux yeux et un sourire qu’on tend en retour à une inconnue croisée dans la rue et qu’on ne reverra sans doute plus…

Précision importante à l’attention des quatre nominés : en aucun cas les vacances ne pourront être prétexte à une esquive. Que vous reveniez demain (pas de chance), dans une semaine (c’est court), dans un mois ou dans un an (vous dansiez, j’en suis fort aise), aucune prescription ne sera intervenue pour vous soulager de ce rébarbatif labeur qui demeure impératif.

Eh bien, dansez maintenant !

Bonus Track :


extraits du final du monologue intérieur de Molly Bloom

 

Source : Page 123, cinquième ligne : Ulysse