Imad Ibn Ziaten, 30 ans. Ils ont visé l’arabe, ils l’ont assassiné.
Abel Chennouf, 25 ans. Ils ont visé l’arabe, ils l’ont assassiné.
Mohamed Legouad, 24 ans. Ils ont visé l’arabe, ils l’ont assassiné.
Jonathan Sandler, 30 ans. Ils ont visé le juif, ils l’ont assassiné.
Gabriel Sandler, 4 ans. Ils ont visé le juif, ils l’ont assassiné.
Arieh Sandler, 5 ans. Ils ont visé le juif, ils l’ont assassiné.
Myriam Monsonego, 7 ans. Ils ont visé le juif, ils l’ont assassiné.
Loïc Liber, 26 ans. Ils ont visé le noir et l’ont laissé pour mort.
Tous Français pourtant – et d’ailleurs qu’importe !
Tous victimes, détestées et assassinées pour leurs religions, leurs origines, leurs faciès, la couleur de leurs peaux… Une haine d’autant plus démente qu’elle est tout sauf aveugle. Une haine d’autant plus abjecte qu’elle n’était pas le fruit pourri et abjecte de ce qu’ils avaient fait, mais de ce qu’ils étaient, sont et seront – c’est-à-dire par-delà même leurs individualités, par-delà ceux qu’ils étaient et seraient devenus.
Une haine et une démence qui ont ceci de particulier qu’elles ne viennent jamais de nulle part. Elles sont ce qui est toujours au bout du chemin de la stigmatisation.Elles sont ce qui finit toujours pas s’enflammer, même si l’on ne sait jamais ni où ni comment, quand d’aucuns s’imaginent pouvoir jouer avec le feu de la stigmatisation.
Il ne s’agit pas ici de faire des raccourcis. Il ne s’agit pas à ce stade de chercher des responsables des tueries racistes et antisémites de Toulouse et Montauban ailleurs que dans l’esprit lâche et malade de celui qui a effectivement assassiné. Il s’agit au contraire de ne pas omettre aujourd’hui, justement aujourd’hui, de rappeler que l’irresponsabilité politique a toujours des conséquences.
Demain, le dément aura recommencé, ou pas. Il sera arrêté, ou plus probablement sera à son tour tué au cours de son arrestation. Nous serons alors tous légitimement tentés de nous laisser aller au soulagement, nous laisser prendre par l’illusion de la fin d’une menace, qu’il serait enfin possible de clore l’évènement, faire comme s’il était sorti du néant et y était retourné. Ce serait commettre une grave erreur. Ce n’est pas le néant qui a engendré cette folie, mais la société française telle qu’elle se construit aujourd’hui.
Or justement, après-demain nous aurons à choisir dans quelle société nous souhaitons vivre. Une société qui feint de parvenir à trouver un équilibre dans la tension perpétuelle, dans laquelle l’autre est par définition responsable de nos maux, dans laquelle la violence des mots feint d’être la réponse à la violence sociale, dans laquelle est systématiquement privilégiée la réaction à l’action, les effets d’annonce à la cohérence, dans laquelle le politique préfère jouer avec les peurs et les émotions du peuple que rechercher sa cohésion. Ou bien une société qui recherche l’apaisement et le vivre ensemble, le respect pour tous et la dignité de chacun.
Je crois – par exemple – qu’il y a de la dignité et de la responsabilité quand un homme politique propose de supprimer le mot race de la Constitution parce qu’au XXIème siècle une société apaisée est une société qui a compris qu’il n’est entre les hommes pas d’autre race que la race humaine, une société qui est parvenu à entendre dans cette vérité scientifique qu’elle saurait y trouver son propre salut.
Il ne suffit pas de dire, et chaque fois répéter que Plus jamais ça, il nous faut accepter d’apprendre et de comprendre. Au bout du chemin de la stigmatisation et de l’outrance nichent la haine et la folie meurtière.