Mar 262008
 

Le bon grain et la mauvaise graine

Il faut réduire la dette ! L’intention est louable, et l’objectif même impératif. Il n’est cependant pas interdit de remettre en cause la logique purement budgétaire d’un gouvernement qui a donc résolu de faire des économies sur le dos, entre autres, de l’Education Nationale, en supprimant dès cette année de 11 200 postes de professeurs – mais ce n’est qu’un début, le pire restant à venir avec un objectif affiché de 80 000 postes supprimés en 4 ans !

Pour Messieurs Sarkozy et Fillon, les choses sont simples : puisqu’il faut faire des économies, supprimons un maximum de postes d’enseignants dans les collèges et lycées de France, fut-ce au prix d’une dégradation sans précédent des conditions de travail des enseignants comme des élèves, donc de la qualité des enseignements dispensés, et donc des chances de réussite scolaire pour tous les enfants – et en particulier, c’est une évidence, pour les plus fragiles d’entre eux, ceux qui connaissent déjà les plus grandes difficultés. Une logique purement budgétaire au prix d’une insulte à l’avenir du pays, à son économie mais aussi, plus directement, à son intelligence. L’avenir de nos enfants, leurs chances de réussite scolaire, ne sont plus désormais considérés comme un investissement productif de richesses, mais bien comme une variable d’ajustement budgétaire parmi d’autres.

Nous sommes dans la situation aberrante où un agriculteur, contraint de faire des économies, prendrait la décision suicidaire de réduire les semences, se condamnant inévitablement à des récoltes moindres, ce qui aurait pour effet certain d’accroître d’autant ses difficultés financières. Semer, l’agriculteur le sait bien, c’est investir, c’est-à-dire préparer aujourd’hui les richesses de demain. Nos enfants sont les richesses de demain. Les cultiver, c’est-à-dire en l’occurrence les préparer à demain, telle est la mission essentielle de l’école. Il est atterrant de constater à quel point nos gouvernants actuels semblent avoir perdu confiance en nos propres enfants au point de les sacrifier sur l’autel idéologique de l’orthodoxie budgétaire.

Non, pas tous les enfants. Ces responsables politiques, actuellement au pouvoir, ont très clairement choisi de séparer le bon grain… de la mauvaise graine. Le bon grain, ce sont ces enfants qui ont reçu en héritage la chance de pouvoir mener à bien une scolarité quelques soient les conditions d’enseignement qu’ils ont à affronter à l’école, y compris dans des classes surchargées, y compris face à tel ou tel enseignant dont les conditions de travail et le niveau de reconnaissance sociale ne lui permettent plus d’assurer correctement sa mission. D’ailleurs celui-là, cet enfant privilégié, suivra généralement une scolarité dans des établissements successifs situés bien à l’abri des problèmes supplémentaires que posent à un enseignant, et finalement à une classe toute entière, la présence nombreuse d’élèves en très grandes difficultés scolaires et/ou sociales (les deux étant généralement étroitement liés). La mauvaise graine, ce sont tous les autres pour qui la notion d’égalité des chances devient chaque jour davantage, et plus particulièrement chaque fois qu’on décide d’investir moins dans l’école de la République, chaque fois qu’on cesse un peu plus de croire en eux, une notion bien vaine face à des choix politiques qui ne peuvent être vécue autrement que comme un abandon, une exclusion supplémentaire.

Ce gouvernement, fidèle à une idéologie libérale archaïque, a fait le choix économiquement aberrant d’investir moins pour économiser plus, quand au contraire – parce que l’économie a des invariants simples – il est impératif, y compris face à cet objectif majeur de réduction de la dette, d’investir plus aujourd’hui pour gagner plus demain.

On parle de : Education nationale : investir moins pour économiser plus