Mai 232008
 

Je crois aux forces de l’esprit, Tonton ne nous a pas quittés !

François Mitterrand 2008 - il revient...Je ne le nierai pas, j’étais réticent (euphémisme). Toute la mise en scène, ou qui paraissait en être une, qui depuis la rentrée 2007 a précédé la sortie du livre, me faisait craindre le mauvais remake commercial d’un premier opus particulièrement réussi. Au point que j’avais résolu de ne pas tomber dans le panneau en achetant l’opus 2008…

C’est alors que les forces de l’esprit se sont manifestés à moi, par l’intermédiaire de leur messager le plus zélé, Guy Birenbaum qui se proposa de m’adresser gracieusement l’ouvrage. La proposition était honnête, j’acquiesçai. Le livre me parvint, je le lu. Et l’esprit était encore là, je dois bien y consentir…

Faisons de suite une digression qui a son importance : rien n’importe moins que l’identité du porteur de plume. Cela pourrait être Christophe Willem ou Laure Manaudou, Jacques Chirac ou Guy Birenbaum, Nicolas Sarkozy ou moi même, que cela ne changerait pas une ligne à ce qui est écrit. Ce qui compte est en ce qui a produit cette étrange alchimie, l’an passé, où l’espace de quelques semaines le lien que l’on croyait rompu par la force des choses, entre François Mitterrand et le peuple de gauche, se renoua par la force de son esprit qui en effet ne nous avait pas quittés. Quelques aigres jaloux hurlèrent, comme à leur habitude, à l’usurpation et à l’escroquerie. Ils n’entendent pas, ces esprits petits et mesquins, que pour qu’il y ait escroc il faut aussi qu’il y ait des escroqués. Il se dit que quelque 100 000 visiteurs en moyenne fréquentaient quotidiennement le blog de François Mitterrand. Néanmoins, l’évidence est que pas un de ceux-là – si l’on excepte Catherine Nay qui, on me l’a dit, en frémit encore un an plus tard – a pu croire, même un instant, que Tonton était réellement, charnellement revenu d’entre les morts pour s’en aller chatouiller les grands pieds du petit Nicolas. Ce qui comptait est qu’il s’agissait bien de sa plume et de son esprit, le porteur de plume n’en était que l’instrument. Cela reste vrai – n’en déplaise aux journalistes de 20 minutes qui, aboyant bien fort comme il est d’usage dans les rédactions, sont parvenus à se couvrir de ridicule en lançant une chasse à l’homme qui n’a pas lieu d’être, puisque c’est l’esprit qui importe : évidemment, ils rentrèrent bredouilles.

Or donc, il apparaît à la lecture de ce François Mitterrand 2008 – il revient… (et le titre en est certes assez mauvais) que tous les éléments qui avaient permis que se produise l’alchimie sont à nouveau réunis. Le style est élégant et le verbe est assassin. On retrouve à chaque ligne la grande et belle érudition d’un fin connaisseur de l’histoire politique, jusque dans certains de ses détails délicieux, mise au service d’une méchanceté lucide et toute en finesse, jamais gratuite car toujours esthétique. Quel contraste avec la vulgarité barbare de son « lointain successeur« , ainsi qu’il se refuse à le nommer ! Sarkozy est en réalité nommé une fois, une seule et unique fois au long de ces 250 pages savoureuses : dans la note du 10 septembre, jour où d’aucuns décidèrent de célébrer une journée sans Sarkozy, François Mitterrand écrit : « Je ne peux m’associer à cette initiative, car je ne veux point causer du tort à la santé de mon lointain successeur que je soupçonne d’hypocondrie. S’il ne se voit pas à la télévision durant toute une journée, il est capable de croire qu’il est devenu aveugle. 

Dans le même ordre d’idée, et puisque j’en étais à évoquer le tranchant acéré de ses mots, si au fil des jours et des pages bien des personnalités sont évoqués, d’un trait d’un seul ou plus longuement, une seule d’entre elles pourrait se targuer – mais elle ne le fera pas – de trouver pleinement grâce auprès de l’esprit qui fait d’elle une évocation d’une pudeur toute mitterrandienne en ce qu’elle est une invitation à la lecture.

Pour les autres, à commencer par son lointain successeur, que Tonton se délecte à comparer à un Concino Concini réincarné (« Tout y est : la petite noblesse d’origine étrangère, l’argent, la clientèle, l’encombrante épouse, l’irrésistible ascension, le pouvoir par l’intimidation et la corruption des moeurs…« ), mais aussi Guaino et Fillon, Hortefeux et Dati, mais encore Royal et Delanoe, Hollande et Montebourg, sans oublier Bayrou (qualifié de « Georges Marchais du centrisme« ) ou Dray (bien que ce dernier soit relativement épargné, notons-le), et d’autres encore…, pour ce qui concerne tous ceux-là, beaucoup est dit de ce qui doit être dit ou redit – l’essentiel du festin étant bien entendu en ce que cela soit dit avec cet humour tranquille et acéré qui permet de prendre de la hauteur et découvrir d’autres perspectives, habilement tracées à travers les champs de l’Histoire.

On ne s’étonnera pas, en outre, qu’en dépit de son indéniable qualité, le livre reçoive si peu d’échos à travers la presse. Celle-ci n’est pas épargnée (litote) et nombre de journalistes sont nommément et tout simplement assassinés – et, non, pas uniquement Jean-Michel Apathie

Vous l’aurez donc compris, et s’il demeure vrai en général que « tout n’est pas pour autant, ou pour aussi peu, à acheter« , ainsi que nous invitait à en prendre la mesure un esprit vraisemblablement apocryphe mais qui, bien qu’avec un talent indéniablement moindre, eut aussi probablement un rôle à jouer en cette affaire de forces et d’esprit, je vous invite en ce cas particulier à faire l’acquisition de ce livre qui, d’un point de vue aussi bien littéraire que politique, relève d’un exercice de style remarquablement réussi. En ces temps troublés pour les âmes encore terrestres, dans cette France du « sarkozysme présidentiel », c’est une lecture qui fait ici et maintenant beaucoup de bien. Accessoirement, et en vue d’un congrès à venir, elle pourrait être d’un grand profit pour nombre de responsables socialistes…

« Je ne vous quitterai pas« , avait-il été écrit. La promesse engageait l’esprit autant que son (talentueux) porte plume. Elle est aujourd’hui tenue.

Source : «François Mitterrand 2008 – il revient…»