dedalus

Juin 092008
 

La bonne blague de Luc Mandret

 

bayrou le libertaireCela n’étonnera qu’assez peu de monde qu’un ségoliste convaincu, pour lequel j’ai néanmoins moins un grand respect, se soit débrouillé pour faire inscrire un p’tit gars du Modem au journal Cozop des left-blogs. Cela n’étonnera pas grand monde non plus qu’un p’tit gars du Modem, le même, joue sur son blog à compléter des chaînes (il s’agit de faire un billet sur son blog où l’on donne son top five ou top ten de ses animaux préférés, de ses gagnants de la starac’, de ses crèmes de beauté… et puis d’inviter cinq ou dix autres blogueurs à en faire autant – trop fun quoi j’te jure !). D’ailleurs, d’autres partagent ce goût pour ce petit jeu et même lui qui pourtant se prend très au sérieux sur la blogosphère, à ce qu’on me dit… Plus surprenant est toutefois de retrouver ainsi le dit billet centristo-mièvre sur le journal des left-blogs sur Cozop, mais bon, pas encore de quoi fouetter un chat après tout. Non, pour moi ce qui constitue la véritable surprise, qui en réalité me troue le cul, littéralement, et fournit l’argument à ce billet, est ailleurs. Je vous explique.

Luc Mandret, « blogueur centriste » (et déjà que je ne sais pas trop ce qu’est un blogueur…), a donc joué à une « chaîne sur blogs » – grand bien lui fasse, bref. Il s’agissait cette fois d’écrire ses cinq contradictions (wouhuuuh comme c’est amusant !) et voilà qu’en numéro 2, ce cher Luc, auquel je n’avais jusque là pas soupçonné tant d’humour et de causticité, écrit : « Je me positionne globalement à gauche et je suis militant au MoDem. De gauche sur les questions sociétales, du centre sur les questions économiques. Libertaire et soft-libéral.« . Je résume : Luc Mandret nous explique que, libertaire, il s’est engagé au Modem, aux côtés de François Bayrou qui lui est sans nul doute libéral et soft-libertaire (très très soft)…

Bon…
Moi, ça me fait hurler de rire…
Pas vous ?…
Bon…

Mais peut-être ne savez-vous pas que [mode Wikipedia] Le mot libertaire a été créé par Joseph Déjacque, militant et écrivain anarchiste, par opposition à « libéral ». Le néologisme construit sur un modèle alors répandu chez les socialistes utopiques par l’usage du terme prolétaire (égalitaire, fraternitaire), apparaît dans une lettre ouverte à P. J. Proudhon, De l’Être-Humain mâle et femelle – Lettre à P. J. Proudhon, publiée à la Nouvelle-Orléans en mai 1857. Joseph Déjacque s’oppose à la misogynie de Proudhon et l’accuse d’être « anarchiste juste-milieu, libéral et non LIBERTAIRE… ». Contre son conservatisme en matière de mœurs, Déjacque revendique la parité des sexes et la liberté du désir dans une société affranchie de l’exploitation et de l’autorité.[fin mode Wikipedia]

Bon, là déjà c’est très drôle. Ça devient tout simplement hilarant un tout petit peu plus loin : [mode Wikipedia]En dépit de l’origine du terme, le philosophe et sociologue marxiste Michel Clouscard a introduit l’expression synthétique « libéral-libertaire » dans son livre Néo-fascisme et idéologie du désir (1972) pour dénoncer la permissivisme moral des étudiants gauchistes de mai 1968 qu’il considère comme une attitude contre-révolutionnaire, expression depuis revendiquée par certains, à l’instar du député européen Daniel Cohn-Bendit.[fin mode Wikipedia]

Accessoirement, il faudrait peut-être expliquer à Luc, et plus largement à ses petits camarades centristes, qu’il n’y a pas en politique les « questions sociétales » d’un côté et les « questions économiques » de l’autre, mais bien des questions politiques globales auxquelles il s’agit d’apporter des réponses politiques et conçues comme un tout cohérent. Lui expliquer par exemple qu’être favorable au mariage des homosexuels ne fait en aucun cas de lui ou de qui que ce soit d’autre un homme de gauche – pas plus que distribuer un peu de menue monnaie à ses pauvres à la sortie de la messe ne règle jamais la question des solidarités. Être un bon petit gars, à l’esprit ouvert, gentil et tolérant, c’est certes très bien… mais ça n’a rien de politique.

Libertaire et au Modem ! Mpfffff… et Ouarf Ouarf Ouarf !!!… Tout de même, s’ils sont tous aussi drôles, qu’est-ce qu’on doit se marrer dans les réunions du Modem. Je serais presque tenté… si je n’avais passé un aussi bon moment ce midi-même avec certaine amie socialiste et de gauche (ce qui est quasiment devenu une contradiction par les temps qui court – et ça m’en fait donc une… pour le cas improbable où l’on m’invite à entrer dans la chaîne).

Source : La bonne blague de Luc Mandret

 
Juin 092008
 

la cuiller DatiSur son blog, dans son dernier billet, intitulé La voix de son maître et paru il y a quelques jours, François Mitterrand (version 2008) énonce la chose suivante : « Il est navrant d’entendre tant de mauvaises langues s’en prendre à Madame Dati. Elle est la seule à faire précisément ce pourquoi elle a été déposée à son poste. Elle s’applique à briller. Aussi les socialistes ont-ils chaque fois grand tort de darder là leurs regards couroucés. Rachida Dati, c’est Nicolas Sarkozy qui pêche à la cuiller.« 

Comme vous je pense, cela m’a paru assez énigmatique, voire même plutôt alambiqué, pour ne pas dire sans grand intérêt. Je suis donc passé à autre chose, après avoir noté une fois de plus que si l’auteur du blog mitterrandien version 2008 possède un style probablement moins flamboyant que son prédécesseur d’une année, lequel a donc commis dernièrement un livre réjouissant… pour aussitôt s’en aller se perdre dans une ennuyeuse et stérile querelle avec Jean-Michel Aphatie qui non content de feindre l’amnésie quant à ce qui se passa il y a longtemps dans les toilettes du Conseil Régional de Haute-Normandie en vient aujourd’hui à considérer que sa fonction de journaliste servile l’autorise à décréter que la place de tel livre serait au fond d’une poubelle… bref, si le style de l’un est régulièrement en deçà du style de l’autre, au moins a-t-il le mérite de nous entretenir de l’essentiel, c’est-à-dire de politique – ce que cet autre, avec donc ce style mitterrandien et flamboyant, était parvenu à faire dans son livre et qui en rend la lecture si réjouissante, donc, … et au point que la réaction « aphatique » en devient risible, en sus de la dimension minablement fascisante du geste, risible de prétendre qu’il ne mériterait, le livre, rien d’autre que d’être mis au rebut – faute, on l’imagine, d’avoir le temps de dresser un autodafé.

Mais ni Mitterrand ni ses esprits plus ou moins bien inspirés, et encore moins le tout petit Aphatie qui aurait voulu être un grand journaliste mais qui vient une nouvelle fois de faillir à en être digne, ne sont les sujets de ce billet. Il s’agit de cet article du Monde qui, sous la plume de Patrick Roger, vient soudain de jeter une lumière nouvelle sur les propos de Tonton v.08 à propos de Rachida Dati qui ainsi brillerait comme une cuiller au bout de la ligne d’un pêcheur nommé Sarkozy…

La colère préméditée de Rachida Dati, tel est le titre de l’article. Lisons et autorisons-nous à souligner quelques passages :

La scène s’est déroulée mardi 3 juin à l’Assemblée nationale, lors de la séance des questions au gouvernement, et a été depuis lors abondamment commentée. Interrogée par Martine Martinel (PS, Haute-Garonne) sur la décision d’annulation d’un mariage prononcée par le tribunal de Lille parce que l’épouse avait menti sur sa virginité et sur les revirements du parquet à propos de cette affaire, Rachida Dati, la garde des sceaux, a provoqué un déchaînement de réactions. Sa colère à elle n’avait rien d’improvisée.

Car, pour répondre, la ministre de la justice se saisit alors du micro, une fiche rédigée à la main, qu’elle lit. « Madame la députée, dans cette affaire du jugement du tribunal de Lille, je n’ai pas entendu un mot de votre groupe, je n’ai pas entendu un mot pour cette jeune femme qui attendait la décision de justice. » « C’est faux« , proteste Jean-Marc Ayrault, le président du groupe socialiste. « Vous brandissez des mots, vous brandissez des concepts déconnectés de la réalité. Oui, je le redis, cette décision de justice a protégé cette jeune femme, et c’est ce qui vous dérange. Nous sommes tous d’accord sur le fait qu’il n’est pas question d’admettre…, poursuit-elle sous les huées, il n’est pas question d’admettre qu’une procédure en nullité soit fondée sur le seul motif de la non-virginité. Il ne doit pas y avoir d’ambiguïté sur l’interprétation de la loi. C’est pour cela que j’ai demandé au procureur général de faire appel du jugement du tribunal de Lille.« 

Un temps de silence. Mme Dati écarte alors son regard de sa fiche et interpelle les bancs de l’opposition. « Mais je voudrais vous ajouter, mesdames et messieurs les députés du groupe socialiste : où étiez-vous lorsque vous avez créé la politique des « grands frères » ? Quand vous avez abandonné un nombre de jeunes filles, dans ces quartiers difficiles, entre les mains des « grands frères » ? La politique des « grands frères », c’est vous, martèle-t-elle, l’index pointé en direction du PS. C’est vous qui avez abandonné ces jeunes filles. Votre politique d’intégration a été un échec. C’est votre échec que nous payons aujourd’hui.« 

Les protestations vont croissant. Quelques « Démission ! » fusent. La ministre jette un bref coup d’oeil sur sa fiche, sous le regard interloqué du premier ministre, François Fillon, tandis que le secrétaire d’Etat chargé des relations avec le Parlement, Roger Karoutchi, opine du chef. « Vous avez créé les « grands frères », reprend-elle, pour s’occuper de ces jeunes filles qui ne demandaient rien. A défaut de votre soutien, elles ont trouvé la justice. La justice les a aidées, elle leur a permis d’être libres, d’être indépendantes. Parce que les « grands frères » ont conduit à une politique de repli communautaire, à une politique identitaire que vous avez soutenue. (Nouveau regard sur sa fiche.) Vous pouvez m’attaquer, comme vous le faisiez encore, monsieur Ayrault, mais j’ai échappé à l’échec de votre politique et c’est ce qui vous dérange ! Alors, de grâce, n’empêchez pas ces jeunes filles d’être libres. A défaut de votre soutien, elles ont besoin du soutien de la justice, elles ont besoin du soutien du gouvernement et elles ont mon soutien personnel.« 

Même si elle a paru parler « avec ses tripes« , comme l’a relevé son collègue UMP Laurent Wauquiez, la réponse, en réalité, avait été rédigée de bout en bout. « Tout ce qu’elle fait est absolument « under control »« , confie un membre de son entourage. Cependant, à l’issue de deux semaines de débat sur la révision constitutionnelle durant lesquelles Mme Dati a été malmenée, y compris dans son propre camp, l’expression de l’exaspération était, elle, réelle.

S’inspirant de la méthode chère à Nicolas Sarkozy, plutôt que de rester sur la défensive, elle a choisi de passer à l’attaque, comme il le lui avait conseillé. Au lieu de répondre à la question qui lui était posée, portant sur le changement de pied du parquet dans cette affaire, quand elle-même avait estimé initialement que l’annulation du mariage était « un moyen de protéger la personne« , elle a ainsi pris à partie la gauche sur sa politique d’intégration.

La période récente n’en a pas moins mis en lumière les fragilités de Mme Dati. Pas plus à la fin qu’à l’ouverture du débat sur le projet de révision des institutions, elle n’a été invitée à prendre la parole pour défendre le texte dont elle avait la responsabilité. A plusieurs reprises, la ministre a semblé excédée. On l’a ainsi entendue, après s’être fait rabrouer par le président de l’Assemblée nationale au cours d’une séance de nuit, s’emporter au téléphone dans les couloirs du Palais-Bourbon.

Sa contre-attaque témoigne de sa volonté de ne pas se laisser mettre sur la touche. Dès le lendemain, le chef de l’Etat lui a apporté un soutien appuyé : « Tu m’as fait plaisir« , lui a-t-il lancé en conseil des ministres.

Et en effet, lorsque l’on regarde la video de cet accès de colère de Mme Dati…

… on comprend que Madame Dati était là sans doute aucun en service commandé, feignant la colère quant elle aboyait en réalité pour le compte de son maître. A la suite de cet éclat, elle brilla de mille feux médiatiques… et, oui, c’était Nicolas Sarkozy qui pêchait à la cuiller. Les journalistes mordirent goulûment à l’hameçon et ce n’est pas Jean-Michel Apathie qui cette fois non plus le fit avec le moins de complaisance.

Source : Rachida Dati : la voie de son maître

Mai 292008
 

(et pas que le moral…)

On le sait, Nicolas Sarkozy n’est pas excessivement populaire et les français n’ont plus en lui qu’une confiance limitée. En moyenne, sur les huit études réalises par six instituts de sondages différents, ce ne sont en réalité guère plus qu’un français sur trois qui ont une bonne opinion de leur petit président :

évolution popularité Sarkozy
cliquer sur le graphique pour l’afficher en grand

La dernière enquête mensuelle de conjoncture réalisée par l’INSEE auprès des ménages enfonce le clou en mettant en évidence un état du moral des français proche de la dépression, et qui n’a cessé de se détériorer depuis l’accession du petit père des people à la Présidence de la République (et pas qu’un peu !) :

moral des ménages français
cliquer sur le graphique pour l’afficher en grand

Plus intéressant encore, cet indice du moral des ménages est composé à partir de cinq enquêtes différentes, détaillées dans les graphiques ci-dessous et sans commentaires tant l’allure des courbes parle d’elle-même…

1- L’appréciation par les français de l’évolution sur les douze derniers mois de leur situation financière personnelle :


cliquer sur le graphique pour l’afficher en grand

2- L’appréciation par les français des perspectives d’évolution de leur situation financière personnelle au cours des douze prochains mois :


cliquer sur le graphique pour l’afficher en grand

3- L’appréciation par les français de l’évolution sur les douze derniers mois de la situation financière de l’ensemble des français :


cliquer sur le graphique pour l’afficher en grand

4- L’appréciation par les français des perspectives d’évolution du niveau de vie de l’ensemble des français au cours des douze prochains mois :


cliquer sur le graphique pour l’afficher en grand

5- L’appréciation par les français de la situation économique vis à vis de l’opportunité d’envisager de faire des achats importants :


cliquer sur le graphique pour l’afficher en grand

Mais L’INSEE ne s’arrête en vérité pas à ces cinq questions qui font déjà bien mal à notre cher petit président et cinq questions complémentaires sont abordées…

1′- L’appréciation par les français de leur situation financière individuelle actuelle :


cliquer sur le graphique pour l’afficher en grand

2′- L’appréciation par les français de l’évolution des prix au cours des douze derniers mois (à mettre en vis à vis avec « le président du pouvoir d’achat »…) :


cliquer sur le graphique pour l’afficher en grand

3′- L’appréciation par les français des perspectives d’évolution du nombre de chômeurs :


cliquer sur le graphique pour l’afficher en grand

4′- L’appréciation par les français de leur capacité à mettre de l’argent de côté au cours des douze prochains mois :


cliquer sur le graphique pour l’afficher en grand

5′- L’appréciation par les français de la situation économique vis à vis de l’opportunité d’épargner :


cliquer sur le graphique pour l’afficher en grand

En résumé, tous les voyants de la confiance des ménages, sans exception aucune, sont aux rouges.

On se souviendra utilement à ce stade que 15 milliards ont été distribué aux ménages les plus aisés au prétexte de créer un « choc de confiance« .

Source : Sarkozy casse le moral des français

Mai 282008
 

Taxer les stock-options

stock-optionsSelon le magazine L’Expansion à paraître ce mercredi, les revenus des patrons du CAC 40 ont bondi de 58% au cours de l’année 2007. Les profits tirés par la levée de leurs stock-options sont les principaux responsables de cette augmentation, représentant un gain moyen de 4 millions d’euros, exonérés de cotisations sociales, pour chacun de ces quarante hauts dirigeants déjà bien nanti en salaire. Les plus-values totales réalisées sur les stock-options encaissées en 2007 ont augmenté de 351% par rapport à 2006, atteignant la somme totale de 66 millions d’euros. Elles sont la principale raison de l’explosion des revenus des grands patrons. La plupart de ces quarante dirigeants ont en effet liquidé une partie de leurs stocks avant la chute des marchés, en août 2007 et ont donc au total touché ensemble 161 millions d’euros au cours de la seule année 2007 – le mieux servi étant Pierre Verluca, patron de Vallourec, leader mondial des tubes en acier, avec plus de 18 millions d’euros de revenu, dont 17 millions par la seule levée de ses stock-options.

Face de ses chiffres aussi astronomiques qu’indécents, il est particulièrement intéressant de rappeler la recommandation de la Cour des comptes, dont le Premier président n’est pas un gauchiste pur jus puisqu’il s’agit de Philippe Séguin. Cette autorité indépendante a en effet calculé que l’ensemble des mécanismes d’intéressement exonérés de cotisations sociales ont représenté une perte de recettes pour le régime général de la « Sécu » comprise entre 6 et 8,3 milliards d’euros en 2005, pour un déficit qui s’élevait cette année-là à 11,6 milliards d’euros. En particulier, les 8,5 milliards d’euros de stock-options distribués en 2005, qui, selon les propos même de M. Séguin, constituent « bien un revenu lié au travail, donc normalement taxable », ont ainsi entraîné cette année-là une perte de recettes « aux alentours de 3 milliards d’euros ». La Cour des comptes, toujours par la voix de son Premier président, explique en outre que « les 100 premiers bénéficiaires [de stock-options] devraient toucher chacun une plus-value de plus de 500.000 euros et les 50 premiers de plus de 10 millions d’euros. Rien que pour chacun de ces cinquante-là, les cotisations manquantes s’élèvent à plus de 3 millions d’euros par bénéficiaire. » Et il ne s’agit là que des chiffres de 2005…

Rappelons maintenant que Nicolas Sarkozy a instauré une franchise sur les soins qui s’applique à hauteur de 50 centimes d’euros par boîte de médicaments, de 50 centimes d’euros pour les soins infirmiers et les actes de kinésithérapie, de 2 euros pour les transports sanitaires et plafonnée par décret à un total de 50 euros annuels – plafond qui pourra ensuite être relevé, par simple décret également. Le petit président avait fait ses calculs, 50 euros annuels cela représente 4 euros par mois : « Qui va oser me dire qu’on ne peut pas mettre 4 euros par mois ?« , claironne-t-il… puisque le produit des franchises, il l’a décidé, sera affecté à la recherche contre le cancer et à la prise en charge des soins palliatifs et de la maladie d’Alzeihmer.

Certes, les bénéficiaires de la CMU sont exonérés de franchises. Mais voilà, la CMU est soumise à un plafond de revenu de 606 euros mensuels… quand le seuil de pauvreté en France est à 817 euros et que l’allocation adulte handicapé est tout juste supérieure au plafond de la CMU. Ainsi, ce sont bien les pauvres – pour qui 4 euros par mois représente un manque perceptible, n’en déplaise au petit père des people – et les malades eux-mêmes – dont notamment les personnes atteintes du cancer ou de la maladie d’Alzeihmer, et/ou en soins palliatifs – qui contribueront désormais le plus sensiblement au financement du trou de la Sécurité Sociale… plutôt donc que les détenteurs de stock-otions et autres possesseurs de capitaux, dont on peut sans mal parier que, bénéficiaires d’une qualité de vie supérieure, ils jouissent déjà d’une santé incomparablement meilleure.

Résumons-nous : en instaurant les franchises sur les soins, on récupère 850 millions d’euros en taxant les malades et en pénalisant davantage les plus pauvres (car en effet, 4 euros par mois ce n’est pas grand chose… pour les plus riches), tandis qu’en choisissant de ne plus exonérer les revenus des stock-options de contributions sociales, et en les faisant contribuer à hauteur de ce que contribuent les revenus salariés, ce sont près de 4 milliards qui viendraient chaque année renflouer les caisses de la sécurité sociale. Entre ceux dont les revenus mensuels se mesurent en centaines de milliers d’euros et ceux pour qui chaque euro dépensé est un euro qui manque, entre ceux pour qui la maladie n’est pas en sus un problème financier et ceux pour qui se soigner est un luxe auquel il faut souvent renoncer, entre la fidélité aux puissants et la justice sociale, entre clientélisme et répartition des richesses, entre droite et gauche, Nicolas Sarkozy a choisi… et arbitré en faveur de son camp, celui auquel il a toujours appartenu. Ça n’étonnera personne, je pense.

Source : Revenus des grands patrons et Sécurité Sociale

Mai 232008
 

Je crois aux forces de l’esprit, Tonton ne nous a pas quittés !

François Mitterrand 2008 - il revient...Je ne le nierai pas, j’étais réticent (euphémisme). Toute la mise en scène, ou qui paraissait en être une, qui depuis la rentrée 2007 a précédé la sortie du livre, me faisait craindre le mauvais remake commercial d’un premier opus particulièrement réussi. Au point que j’avais résolu de ne pas tomber dans le panneau en achetant l’opus 2008…

C’est alors que les forces de l’esprit se sont manifestés à moi, par l’intermédiaire de leur messager le plus zélé, Guy Birenbaum qui se proposa de m’adresser gracieusement l’ouvrage. La proposition était honnête, j’acquiesçai. Le livre me parvint, je le lu. Et l’esprit était encore là, je dois bien y consentir…

Faisons de suite une digression qui a son importance : rien n’importe moins que l’identité du porteur de plume. Cela pourrait être Christophe Willem ou Laure Manaudou, Jacques Chirac ou Guy Birenbaum, Nicolas Sarkozy ou moi même, que cela ne changerait pas une ligne à ce qui est écrit. Ce qui compte est en ce qui a produit cette étrange alchimie, l’an passé, où l’espace de quelques semaines le lien que l’on croyait rompu par la force des choses, entre François Mitterrand et le peuple de gauche, se renoua par la force de son esprit qui en effet ne nous avait pas quittés. Quelques aigres jaloux hurlèrent, comme à leur habitude, à l’usurpation et à l’escroquerie. Ils n’entendent pas, ces esprits petits et mesquins, que pour qu’il y ait escroc il faut aussi qu’il y ait des escroqués. Il se dit que quelque 100 000 visiteurs en moyenne fréquentaient quotidiennement le blog de François Mitterrand. Néanmoins, l’évidence est que pas un de ceux-là – si l’on excepte Catherine Nay qui, on me l’a dit, en frémit encore un an plus tard – a pu croire, même un instant, que Tonton était réellement, charnellement revenu d’entre les morts pour s’en aller chatouiller les grands pieds du petit Nicolas. Ce qui comptait est qu’il s’agissait bien de sa plume et de son esprit, le porteur de plume n’en était que l’instrument. Cela reste vrai – n’en déplaise aux journalistes de 20 minutes qui, aboyant bien fort comme il est d’usage dans les rédactions, sont parvenus à se couvrir de ridicule en lançant une chasse à l’homme qui n’a pas lieu d’être, puisque c’est l’esprit qui importe : évidemment, ils rentrèrent bredouilles.

Or donc, il apparaît à la lecture de ce François Mitterrand 2008 – il revient… (et le titre en est certes assez mauvais) que tous les éléments qui avaient permis que se produise l’alchimie sont à nouveau réunis. Le style est élégant et le verbe est assassin. On retrouve à chaque ligne la grande et belle érudition d’un fin connaisseur de l’histoire politique, jusque dans certains de ses détails délicieux, mise au service d’une méchanceté lucide et toute en finesse, jamais gratuite car toujours esthétique. Quel contraste avec la vulgarité barbare de son « lointain successeur« , ainsi qu’il se refuse à le nommer ! Sarkozy est en réalité nommé une fois, une seule et unique fois au long de ces 250 pages savoureuses : dans la note du 10 septembre, jour où d’aucuns décidèrent de célébrer une journée sans Sarkozy, François Mitterrand écrit : « Je ne peux m’associer à cette initiative, car je ne veux point causer du tort à la santé de mon lointain successeur que je soupçonne d’hypocondrie. S’il ne se voit pas à la télévision durant toute une journée, il est capable de croire qu’il est devenu aveugle. 

Dans le même ordre d’idée, et puisque j’en étais à évoquer le tranchant acéré de ses mots, si au fil des jours et des pages bien des personnalités sont évoqués, d’un trait d’un seul ou plus longuement, une seule d’entre elles pourrait se targuer – mais elle ne le fera pas – de trouver pleinement grâce auprès de l’esprit qui fait d’elle une évocation d’une pudeur toute mitterrandienne en ce qu’elle est une invitation à la lecture.

Pour les autres, à commencer par son lointain successeur, que Tonton se délecte à comparer à un Concino Concini réincarné (« Tout y est : la petite noblesse d’origine étrangère, l’argent, la clientèle, l’encombrante épouse, l’irrésistible ascension, le pouvoir par l’intimidation et la corruption des moeurs…« ), mais aussi Guaino et Fillon, Hortefeux et Dati, mais encore Royal et Delanoe, Hollande et Montebourg, sans oublier Bayrou (qualifié de « Georges Marchais du centrisme« ) ou Dray (bien que ce dernier soit relativement épargné, notons-le), et d’autres encore…, pour ce qui concerne tous ceux-là, beaucoup est dit de ce qui doit être dit ou redit – l’essentiel du festin étant bien entendu en ce que cela soit dit avec cet humour tranquille et acéré qui permet de prendre de la hauteur et découvrir d’autres perspectives, habilement tracées à travers les champs de l’Histoire.

On ne s’étonnera pas, en outre, qu’en dépit de son indéniable qualité, le livre reçoive si peu d’échos à travers la presse. Celle-ci n’est pas épargnée (litote) et nombre de journalistes sont nommément et tout simplement assassinés – et, non, pas uniquement Jean-Michel Apathie

Vous l’aurez donc compris, et s’il demeure vrai en général que « tout n’est pas pour autant, ou pour aussi peu, à acheter« , ainsi que nous invitait à en prendre la mesure un esprit vraisemblablement apocryphe mais qui, bien qu’avec un talent indéniablement moindre, eut aussi probablement un rôle à jouer en cette affaire de forces et d’esprit, je vous invite en ce cas particulier à faire l’acquisition de ce livre qui, d’un point de vue aussi bien littéraire que politique, relève d’un exercice de style remarquablement réussi. En ces temps troublés pour les âmes encore terrestres, dans cette France du « sarkozysme présidentiel », c’est une lecture qui fait ici et maintenant beaucoup de bien. Accessoirement, et en vue d’un congrès à venir, elle pourrait être d’un grand profit pour nombre de responsables socialistes…

« Je ne vous quitterai pas« , avait-il été écrit. La promesse engageait l’esprit autant que son (talentueux) porte plume. Elle est aujourd’hui tenue.

Source : «François Mitterrand 2008 – il revient…»

Mai 192008
 

«Il affirme pourtant sans arrêt qu’il est responsable mais il n’a pas compris ce que cela signifie : être politiquement responsable, c’est pouvoir être révoqué à tout instant quand on ne fait pas ce que le peuple veut.»

Marie-Anne Cohendet, professeur de droit constitutionnel à l’université Paris I

Marie-Anne Cohendet, professeur de droit constitutionnel à l’université Paris I
dans le Contre Journal

Force est de constater que dans l’actuel processus de révision constitutionnelle, les dés ont été pipés, dès le début, par les exigences du Président de la République. En effet, le comité Balladur, en dépit des nombreuses réflexions qu’il a conduites, s’est tout de suite incliné devant la volonté de M. Sarkozy de confier la direction de la politique nationale dans tous les domaines non plus au Premier ministre, mais au Président de la République (par une modification des articles 5, 20 et 21). Heureusement, M. Sarkozy comme M. Fillon ont eu la sagesse de reculer sur ce point. Mais on voit revenir aujourd’hui des dispositions qui modifient l’article 21, et étendent les pouvoirs présidentiels de manière très dangereuse. Dès lors, l’ensemble du projet reste déséquilibré en faveur du Président.

Il faut bien rappeler que le Président, dans la Constitution telle qu’elle a été conçue par le Général de Gaulle, est un surveillant et non un directeur en chef. Tant que ce dernier ne pourra pas être renversé en cours de mandat, il est inadmissible qu’il dirige seul quoi que ce soit. Sa vraie fonction est de vérifier que les pouvoirs publics fonctionnent normalement, conformément à la volonté du peuple et à la Constitution. Il ne doit pas diriger le gouvernement mais veiller à ce qu’il applique bien la politique voulue par le Parlement et par le peuple. C’est seulement lorsqu’il se produit un dérèglement qu’il peut intervenir, par ses pouvoirs propres (dispensés de contreseing). Ainsi, avec la dissolution et le référendum, il peut faire appel aux citoyens. Les gouvernants sont ainsi obligés de respecter la volonté du peuple souverain. La philosophie de Nicolas Sarkozy est tout autre. Il cherche à augmenter ses pouvoirs, en restant toujours irresponsable, c’est-à-dire incontrôlable. Il affirme pourtant sans arrêt qu’il est responsable mais il n’a pas compris ce que cela signifie : être politiquement responsable, c’est pouvoir être révoqué à tout instant quand on ne fait pas ce que le peuple veut.

Sarkozy rêve des pleins pouvoirs

Presque toutes les modifications qui concernent la défense sont inadmissibles. C’est le retour du vieux mythe du domaine réservé : le Président pourrait diriger seul, ou au moins avoir une prééminence, en matière de défense et de diplomatie. C’est une pure fable du point de vue juridique. Il s’agit seulement d’une pratique, créée par le Général de Gaulle parce qu’elle lui convenait bien.

L’article 8 du projet vise à modifier l’article 21 de la Constitution : on supprimerait la phrase « le Premier ministre est responsable de la défense nationale », que l’on remplacerait par quelques mots plus loin : le Premier ministre « met en oeuvre les décisions prises au titre de l’article 15 en matière de défense nationale ». Ce dernier article dispose que le Président de la République « est le chef des armées ». Un non-juriste – et la majorité des Français – en déduira qu’il n’y a là rien d’anormal, le Président dirigeant déjà la défense. Ce n’est pourtant absolument pas le cas en droit.

Tout d’abord, l’article 15, qui existait déjà presque mot pour mot sous la IVème République, a été créé pour assurer la soumission du pouvoir militaire au pouvoir politique, et non pour affirmer que la prééminence du Président en la matière. Ensuite, concernant la défense, tous les pouvoirs du Président sont aujourd’hui soumis à contreseing. Il ne peut donc faire le moindre acte sans la signature du Premier ministre, qui endosse la responsabilité. Si la décision pose problème politiquement, le Parlement peut renverser le gouvernement et la politique de défense changera totalement.

En pratique, de Gaulle a choisi de diriger lui-même le domaine de la défense, ses successeurs ont fait de même. Ils ont pourtant régulièrement affirmé que ce domaine réservé n’existait pas, jusqu’à M. Sarkozy, qui a dit, pendant la campagne qu’il n’y aurait pas de distinction entre les différents domaines. Cette pratique a été tolérée parce qu’un verrou de sécurité demeure : si jamais le Président impose un peu trop sa volonté, les parlementaires peuvent l’arrêter en renversant le gouvernement. Le Président ne pouvant rien faire sans le Premier ministre, il est coincé. Le chef du Gouvernement peut, au besoin, lui rappeler que c’est lui qui est « responsable de la défense nationale » (art. 21). En période de cohabitation, ce domaine prétendu réservé devient en fait partagé. Il y a une discussion entre le Président et le Premier Ministre, avec une sorte de co-décision.

Cette réforme en matière de défense est tout d’abord profondément incohérente en droit. Ce pouvoir reste en effet soumis à contreseing, il n’y a heureusement pas de révision sur ce point. Juridiquement, ce ne sera donc pas le Président qui dirigera seul la politique de défense, contrairement à ce que laisse entendre le futur article 21. Cela s’oppose d’ailleurs à de nombreux articles, disposant que le Président est un arbitre et un garant (art.5) et qu’il ne peut donc agir en principe qu’avec le contreseing du Premier Ministre (art. 19). En effet, c’est le Gouvernement (art. 20) et non pas le Président, qui « détermine et conduit la politique de la nation », et qui « dispose de la force armée », ce qui est parfaitement normal puisque lui seul est contrôlable en cours de mandat. Cette incohérence s’étend à tous les actes d’application. Le Code Militaire attribue ainsi tous les pouvoirs au Premier Ministre. Seule exception notable, le décret relatif au pouvoir nucléaire datant de 1964, dont la constitutionnalité est pour le moins très douteuse, et qui ne saurait justifier la prééminence du Président. Cette modification de l’article 21 rendrait donc la Constitution gravement incohérente. Mais, plus encore, elle poserait de vrais problèmes sur le plan démocratique.

Plus concrètement, le projet de révision constitutionnelle est très inquiétant, car en matière de défense, les parlementaires se retrouveront dépourvus de tout contrôle. Par exemple, si le Président prend une décision que les parlementaires jugent inacceptable, ils auront beau renverser les gouvernements, le Président pourra leur répondre que le Premier ministre est seulement un exécutant dans ce domaine du fait des nouveaux termes de l’article 21. Le Premier Ministre pourrait refuser de signer les actes présidentiels, mais il risque de se sentir obligé de se soumettre, en raison de ce nouvel article. Ni le peuple ni les parlementaires ne pourront arrêter le Président, sauf à provoquer une crise grave. Les risques d’abus de pouvoirs et de crise institutionnelle (pas seulement en période de cohabitation) sont donc considérablement accrus. C’est très grave au niveau des principes démocratiques, un homme peut décider seul, de faire pratiquement n’importe quoi, pendant cinq ans, dans des domaines absolument cruciaux pour la survie de la nation, sans que personne ne puisse s’y opposer.

D’autant que la responsabilité présidentielle a été réduite par la récente révision de la Constitution. Il ne peut être destitué « qu’en cas de manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l’exercice de son mandat » (art. 68 C.). La nouvelle rédaction de l’article 21 sera tellement incohérente qu’il sera difficile de convaincre les parlementaires (ou le peuple) que le Président abuse manifestement de ses pouvoirs en imposant sa politique de défense au Premier ministre et donc au Parlement.Il n’y a pas une démocratie digne de ce nom dans laquelle un chef de l’Etat possède de tels pouvoirs, en matière de défense, sans aucun contrôle et/ou sans limitation par un Parlement vraiment indépendant (Etats-Unis). C’est extrêmement dangereux.

Trois grands arguments sont régulièrement avancés pour justifier cette augmentation des pouvoirs présidentiels. Le premier est que l’on se contenterait de rendre la Constitution conforme à une pratique constante. Nous venons de voir que c’est faux. D’abord parce que cette pratique n’est pas constante mais variable, en fonction des cohabitations notamment. Ensuite et surtout puisque cette révision supprimerait le garde-fou fondamental qui existe aujourd’hui, à savoir le fait que le pouvoir de décision appartient en droit à un organe qui peut être contrôlé et révoqué à tout instant : le Premier ministre. Le deuxième argument est celui de l’élection du Président directement par le peuple. Il serait donc normal qu’il dirige la défense. Dans tous les autres pays de l’U.E., même lorsque le Président est élu directement par le peuple, il n’a jamais le pouvoir de diriger seul la politique, y compris en matière de défense. Certains ont évoqué le Président finlandais : c’est faux, depuis la réforme de 2000, tous ses actes importants sont soumis à contreseing, y compris en matière de défense. Cet argument ne tient donc pas. Un troisième argument, double, est invoqué : le quinquennat et l’inversion du calendrier électoral. Ces éléments démontreraient la prééminence du Président et justifieraient donc l’augmentation de ses pouvoirs en matière de défense. L’argument du quinquennat ne tient pas. Si on avait voulu réviser la Constitution pour que le Président dirige tout, il aurait fallu soumettre cette proposition au peuple. Ce n’était absolument pas la question posée lors du référendum. Par exemple, j’ai personnellement voté pour le quinquennat, afin d’avoir la possibilité de sanctionner le Président tout les 5 ans, plutôt que tout les 7 ans. Je n’ai jamais eu l’intention que le Président ait plus de pouvoirs. Quant à l’inversion du calendrier, elle pose réellement problème puisqu’elle augmente la soumission des parlementaires envers le Président. Mais c’est une escroquerie intellectuelle de prétendre que cette inversion imposerait, en droit, la prééminence du Président. Il s’agit d’une soumission politique de fait et non pas d’une soumission en droit.

Ainsi, sous couvert d’une simple ratification de la pratique existante, on a un véritable bouleversement de tout l’équilibre des institutions, qui est extrêmement dangereux. On voit d’ailleurs, depuis de nombreuses années, les Présidents de la République avoir une fâcheuse propension à étendre très largement leurs pouvoirs. A l’origine, le domaine réservé sous De Gaulle concernait la défense et la diplomatie. Ensuite, chaque Président a ajouté ce qu’il souhaitait : Valéry Giscard d’Estaing la défense des libertés, Mitterrand la cohésion sociale, Jacques Chirac l’Union Européenne. On assistera au même processus avec la défense. Par un communiqué du 3 janvier 2008, l’Elysée a annoncé la création d’un nouveau Conseil de la Défense et de sécurité nationale. Et cela pour concentrer sous la direction du Président les pouvoirs en matière de défense, de diplomatie, de police et de renseignement. Le Président veut donc étendre son pouvoir à tous ces secteurs absolument cruciaux, bien au-delà de la défense au sens classique. Avant même la réforme, il y a déjà une extension de la notion de défense.

Une autre disposition, en matière de défense, s’avère être un cadeau empoisonné. Elle concerne les interventions des forces armées à l’étranger: le gouvernement aura l’obligation d’en informer le Parlement. Bien que cette obligation soit une évidence – peut-être pas pour tous – c’est une avancée de l’écrire dans la Constitution, puisqu’elle ne pourra plus être contestée. Cependant, il est aussi prévu que le Parlement ne pourra pas voter à l’issue de cette information, ce qui est très choquant. Mais surtout, les parlementaires devront attendre 6 mois pour que le Gouvernement ait l’obligation de leur demander l’autorisation de prolonger cette intervention (art. 13 du projet). En attendant ces 6 mois, le Gouvernement (dirigé en fait par le Président en matière de défense) pourra donc faire ce qu’il veut. C’est complètement inadmissible. Il est indispensable que le Parlement puisse, dès le départ, non seulement être informé, mais aussi débattre et refuser ou autoriser l’action des forces françaises. En effet, l’article 35 de la Constitution (que l’on prétend ainsi réviser) prévoit aujourd’hui que seul le Parlement peut autoriser la déclaration de guerre. De nos jours, dans tous les pays on a une fâcheuse tendance à faire la guerre sans la déclarer. Donc il faut adapter la Constitution à cette évolution des formes de guerre : le Parlement doit rester seul compétent pour autoriser tout engagement des forces françaises à l’étranger. Le projet est vicieux puisqu’il a l’air d’apporter un progrès, qui est réel au regard de la pratique ; mais pas au regard du droit, alors qu’il conduit en même temps à limiter les pouvoirs du Parlement. Si les parlementaires souhaitent, au bout de 15 jours, ou 2 mois, exprimer leur refus d’une politique scandaleuse, le Président pourra tout d’abord répondre que le Premier ministre n’est qu’un exécutant en matière de défense (art. 21 nouveau)- renverser le gouvernement n’y changera rien – et ensuite rétorquer au Parlement qu’il ne peut intervenir qu’au bout de 6 mois. C’est donc inacceptable.

Finalement, Nicolas Sarkozy sera peut-être le grand destructeur du présidentialisme. Il cherche sans cesse des limites, qu’il ne trouve pas. Jamais la concentration des pouvoirs dans les mains du Président n’a atteint un tel degré : les parlementaires, de droite comme de gauche, sont écoeurés. Tout se passe à l’Elysée, même les réunions de l’UMP. Nous n’avions jamais atteint un tel sommet de mépris envers les parlementaires. Si Nicolas Sarkozy continue d’abuser de ses pouvoirs, plus personne ne le supportera. Il va tellement nous montrer les dangers et les écueils de la prééminence présidentielle que toute la classe politique française risque de se retourner contre lui. Ce sont peut-être ses abus de pouvoir qui vont permettre d’assainir notre régime. Il aura rendu un grand service à la Vème République.

Cependant, il est consternant de voir bien souvent s’imposer à gauche une mentalité de résignation et de soumission à la pratique présidentialiste. Elle trouve largement sa source dans la pratique mitterrandienne. Certains pensent que Mitterrand a eu le grand génie d’exercer le pouvoir de manière monarchique, ils se trompent. Au contraire, il a fait de nombreux dégâts au plan constitutionnel. Il avait plutôt raison lorsqu’il dénonçait le coup d’Etat permanent. Il montrait alors les risques du domaine reservé et d’un Président qui décide sans être responsable. Mais les grands admirateurs de Mitterrand n’arrivent pas à reconnaître qu’il a commis des erreurs. Or on peut avoir une vraie démocratie française sans monarchie.

La France est comme les autres pays, ce n’est pas parce que notre histoire est pleine de « Napoléons » que l’on doit se soumettre à la dictature d’un homme à la tête de l’Etat, ou même à une monarchie républicaine de plus en plus absolue. L’histoire a montré où cela pouvait conduire. Dans tous les autres pays de l’U.E., même lorsque le Président est élu par le peuple, c’est le gouvernement qui dirige, parce qu’il est responsable devant le Parlement. Revenons à cette idée du Président « arbitre », qui était celle de De Gaulle à l’origine. Une république efficace et démocratique suppose aussi une pratique plus collégiale du pouvoir. La concentration du pouvoir de décision par un seul homme, c’est dangereux. Nous avons une occasion unique depuis 50 ans de faire une révision de la Constitution qui renforce les droits du Parlement, le Président étant mal placé pour augmenter ses pouvoirs par un référendum. Sachons donc faire le tri dans ce projet de réforme. »

Réalisé par KARL LASKE et CAMILLE STROMBONI, pour le Contre Journal, où je vous engage à vous en aller lire aussi les commentaires : édifiant !

Révision constitutionnelle: «Le Président cherche à augmenter ses pouvoirs en restant incontrôlable»

Mai 182008
 

Un mois après le lancement de l’initiative de Ségolène Royal,
les chiffres de la participation

Le jour même où Ségolène Royal annonce vouloir prendre la tête du parti, une première synthèse de la consultation participative – mais presque – pour un Congrès Utile et Serein est livré à la sagacité des militants.

Or, depuis le lancement de cette initiative, il y a un mois, on glose beaucoup sur le caractère participatif de la méthode Royale. Le principe est contesté par les uns et considéré comme l’achèvement ultime de la démocratie par les autres, mais de quoi parle-t-on au juste ? Ou, autrement dit, qui participe ? « L’ensemble des militants et des sympathisants, nous avait-on dit. Bien bien…. Combien d’adhérents au Parti Socialiste ? Toujours difficile à dire, mais on s’accorde aujourd’hui pour en dénombrer quelques 200 000. Bien… et combien de sympathisants socialistes ? Impossible à dire, évidemment. Alors, combien de militants à Désirs d’Avenir ? Beaucoup, entend-on dire souvent…

Allez, je ne vous fais pas languir plus longtemps : à ce jour, la consultation participative pour un congrès utile et serein compte 1604 messages qui ont été délivré sur 697 sujets de discussion ouverts et répartis sur les 10 questions posées. Nombre de blogueurs ayant posté plusieurs messages, on peut estimer que ce sont en réalité moins de 1500 participants qui ont répondu à l’appel à contributions lancé début avril par Ségolène Royal.

Tout ça pour ça ?!… Oui, et sans parler sur le fond de la vacuité des premiers résultats. Au moins est-on maintenant certain d’une chose, c’est que la contribution de Ségolène Royal pour le prochain congrès des socialistes ne sera ni plus ni moins qu’une autre classique dans son élaboration, ni plus ni moins participative que n’importe quelle autre – ce qui, soulignons-le également, ne préjuge en rien du fond.

consultation classique

Consultation Participative : des chiffres utiles et sereins

Mai 162008
 

L’essentiel est de participer

Ça y est, les premières synthèses sont arrivées ! La question 2 m’intéresse, me paraît centrale, un bon moyen de prendre le poul : Le socialisme ne peut pas se contenter d’aménager le capitalisme financier à la marge : comment produire et répartir autrement la richesse ? Je télécharge donc aussitôt le pdf. C’est rapide. Normal, le tout tient sur deux pages. Et en plus c’est écrit gros ! Et voici, hors les encarts de citations de quelques contributeurs flattés, l’intégralité de ce qu’on peut y lire :

Congrès de Bisounours

Le capitalisme : repenser sa définition et son fonctionnement

L’échec du modèle actuel : Les contributeurs jugent que le capitalisme, dans sa forme actuelle, est porteur de menaces sur le plan humain, et également financier, puisque le système contient en lui-même le ferment de ses propres dérives. Le modèle profite à un petit groupe et coûte beaucoup à tous. Il faut redéfinir les bases sur lesquelles il doit fonctionner.

Redéfinir les notions de richesse et de croissance : Le développement de la richesse ne doit pas être confié à une minorité qui décide pour les autres. L’opacité des marchés financiers dérange les contributeurs. Le contenu de la notion de croissance doit comprendre des indices de qualité.

Les fondements du nouveau capitalisme : Le capitalisme moderne doit se fonder sur le développement durable : social, économique, environnemental.

Favoriser le développement de l’entreprise

Une nouvelle organisation de l’entreprise : Il faut recentrer l’entreprise sur l’humain. Revoir ses modes de production et de management. Son développement devra être encouragé. L’État peut intervenir pour diversifier son financement, sa composition, ses organes de décision et le rapport de force entre patrons et salariés.

Favoriser le développement de l’entreprise : Les contributeurs suggèrent de favoriser la croissance de l’entreprise par la modularité de l’impôt et de la TVA, d’en rendre le financement accessible à tous, d’intégrer le handicap au monde du travail. La lutte contre les inégalités (femmes, origines) doit être pensée par la direction de l’entreprise.

L’intervention de l’État

L’intervention publique ne doit plus être passive (éponger les catastrophes, intervenir en « pompier » sur les dégâts du capitalisme) mais au contraire jouer un rôle actif qui permette, par des réformes de fonds, de d’orienter et de catalyser le capitalisme. La création d’un fond souverain est vue par plusieurs contributeurs comme un moyen, pour l’État, de reprendre la main.

Une gauche qui sait parler aux entreprises

S’adresser aux entreprises, c’est aussi parler aux classes moyennes, qui, sont en majorité constituées de salariés ou de petits entrepreneurs. Les contributeurs évoquent également la responsabilité sociale et environnementale des entreprises, sujets qui comptent aux yeux de l’électorat socialiste.

Franchement, c’est un peu court… et largement creux. Bon, me dis-je, c’est que nous, les contributeurs, n’avons pas été à la hauteur. Voulant en avoir le coeur net, j’ai été lire ce que nous avions écrit. J’ouvre le premier sujet de discussion de la liste – qui à cette heure en compte 80 pour 182 messages -, ça s’appelle Une crise du capitalisme financier… et voici ce qu’on peut y lire :

Comme cela n’a du échapper à personne, le capitalisme financier débridé, celui de la crise des subprime, n’est plus souhaitable. Il conduit le monde, l’Humanité à la dérive. L’Homme est écrasé par le capital. Le capital l’étouffe. Ses conditions de vie en pâtissent. Cette crise financière qui a touché l’ensemble du monde n’est ni la première, ni la dernière. Et l’ampleur que les crises futures prendront ne peut être qu’énorme, aussi énorme qu’imprévisible. L’Humanité peut aller à sa fin. Le capitalisme tel qu’il est conçu est cette arme d’auto-destruction dont nous nous sommes magnifiquement doté. Nous croyons à un monde meilleur, plus juste. Ce capitalisme ne nous l’apporte plus.

C’est donc à partir de ce contsat qu’il s’agit de raisonner. Il faut changer de modèle économique. Le PS ne doit plus se contenter d’aménager à la marge, il doit attaquer au cœur cette terrifiante machine qu’est le capitalisme financier tel qu’il s’est constitué aujourd’hui. Cela pose un problème majeur. En effet, comment le changer ? Certainement que les solutions sont multiples. Chaque rouage de notre société doit être modifié.

Tout d’abord, une Réforme des Banques est souhaitable. Cette dernière exploite réellement les gens, les faisant littéralement suer quand, avec leur argent, ils font des bénéfices considérables. Les taux de remboursement pour les surrendettés sont usuriers. Usuriers, il n’y pas d’autre mots pour décrire ces Harpagon modernes. Harpagon à grande échelle. A trop grande échelle. On peut ici nationaliser les banques. Néanmoins, l’Etat ne semble plus avoir ce pouvoir. Il lui faut donc imposer des lois aux banques. A savoir ni plus ni moins que la gratuité des services proposés aux clients, la baisse des taux de remboursement de dettes, et la limitation des salaires de leurs dirigeants. Ce qui est vrai pour toute la classe patronale par ailleurs.

Par la suite, il faut envisager une Réforme de la fiscalité. En effet, la France est un pays où le contribuable le plus riche est celui qui paie le moins d’impôts. Niches fiscales, bouclier fiscal… La suppression de ces deux calamités pour notre pays, le rétablissement de l’ISF, presque supprimé parle gouvernement, sa hausse, la hausse de l’impôt sur le revenu, ainsi que la baisse de la TVA, sont des options povant ici changer la société. Il faut aussi, cela constituerait un tournant majeur dans notre modèle de société, taxer le capital, autant que l’est le travail. Cela sauverait le système des retraites actuel. C’est donc on ne peut plus nécessaire à la société.

Un autre point, ce sera le dernier, est capital. Les fonds de pension. En effet, ces derniers s’emparent de notre économie et sont l’exemple même de la dérive ultra-capitaliste de notre société. Il faut tout simplement interdire le rachat des entreprises françaises par ces monstres, permettre ce rachat avec des fonds publics, du moins partiellement. Car si on ne le fait pas, considérant que cela coute trop à l’Etat, ce pourra poser problème à l’avenir, avec une gérance politique des entreprises françaises, et un moyen de pression terrible d’Etats comme la Chine qui possède le plus grand fonds de pension mondial.

Ainsi, c’est en entraînant, en engageant des réformes de fonds, qui feraient, en partie, basculer l’ordre capitaliste, que le PS sera fort et reconnu comme le premier parti de gauche européen. Car c’est là l’impératif du PS. Rester à gauche. Et cela en sapant les fondations établies par l’oligarchie financière qui dirige notre société. Pour une société meilleure, pour une civilisation intelligente et constructrice, le cap doit être mis à gauche. Le peuple doit vaincre, le peuple doit pouvoir s’émanciper, ne plus être pris au piège d’une économie destructrice !

Dites… On pourrait peut-être demander à ce cher Pierre-Yves d’écrire lui-même la contribution Royal. En sus de sérénité, on y gagnerait sans doute beaucoup en utilité.

Et encore, je n’ai pas lu les 181 autres messages traitant de la question 2. Bon, l’essentiel est de participer, n’est-ce pas ?

On parle de : Consultation sereine, certes. Mais utile ?

Mai 162008
 

Ci-après quelques photos que j’aime bien de mon 15 mai à Paris, entre Bastille et République (j’étais à la bourre pour Place d’Italie). Pour ce qui concerne le texte, je vous invite à lire cet excellent papier sur politique.net : Education nationale : les manipulations du ministère pour supprimer des postes de profs.

Bastille

– cliquer les images pour les agrandir –

un flic à la Bastille deux flics à la Bastille

les p'tits papiers

papiers slogans

République

– cliquer les images pour les agrandir –

trahison républicaine

désert social

de Bastille à République en 16/9

– cliquer l’image pour les voir toutes ! –

face à face

Et on n’oublie pas d’aller lire Education nationale : les manipulations du ministère pour supprimer des postes de profs.

On parle de : de Bastille à République en photos

Mai 162008
 

Du blog de l’esprit… à son porte-monnaie

LCCCela faisait depuis de long mois qu’on le sentait venir. Le teasing était même un peu lourd, trop évident. Cela avait commencé le 13.09.2007 avec une note non titrée et qui très énigmatiquement disait « Et si, plus que jamais, il était temps de croire aux forces de l’esprit…« .

Et ils furent alors quelques-uns à croire, après ce long silence de tout un été, qu’Il allait revenir, qu’il revenait déjà. Ils furent bien déçu, le silence se refit aussitôt, entrecoupé de loin en loin par d’autres billets tout aussi énigmatiques… et tous sans aucun intérêt.

Puis, début décembre, il se produisit enfin quelque chose de nouveau. Le blog François Mitterrand 2008 ouvrait ses portes et François Mitterrand 2007 n’était pas content. Cela donna lieu à une brève joute à distance entre les deux tontons, potentiellement excitante mais finalement assez fade, décevante pour tout dire.

Mais plus instructif, Guy Birenbaum, dont on sait qu’il est éditeur chez Ramsay et friand de bons coups éditoriaux, s’était mêlé de l’affaire. L’on savait donc cette fois avec certitude qu’il ne s’agissait en réalité là de rien d’autre que de capitaliser sur un succès et de faire encore un peu d’argent sur un sujet qu’on avait cru avoir usé jusqu’à la corde. Certains esprits falsificateurs flanqués de quelques acolytes gourmands avaient résolu de tirer encore un peu de jus de la dépouille du grand homme de la gauche. Soit, nous verrons si le succès sera cette fois encore au rendez-vous…

On le subodorait fortement, Tonton 2007 était en réalité un collectif. On se doutait également que Tonton 2008 avait pu en être, qu’il s’en était désolidarisé. Le titre du bouquin(*) est aujourd’hui la confirmation de ce qu’on pourrait nommer la scission des tontons. On imagine d’ailleurs assez bien l’ire des partisans de la capitalisation lorsqu’ils virent apparaître sur la toile un blog portant justement le nom qu’ils avaient retenu pour leur livre. C’était là de toute évidence un sabotage, l’oeuvre du (ou des) dissident(s), partisan pour sa part de ne pas transformer l’aventure en un trivial petit business. Bref, des comptes durent se régler bruyamment dans certains salons parisiens… et, pour le coup, c’est François Mitterrand, le vrai, le mort, qui à regarder la guéguerre entre les bons et mauvais (mais tous faux) esprits, doit se gondoler dans sa tombe.

C’est que celui-là au moins en avait, de l’esprit !

(*) Oui, j’ai oublié de le mentionner, un bouquin paraît donc chez Ramsay (tiens tiens…), ouvrage anonyme et revendiqué comme une oeuvre collective qui se place dans les traces du blog version 2007, et titré… « Mitterrand 2008, il revient« .

Notons encore que sur le blog version 2008, on peut lire au sujet de la sortie de ce livre un billet, titré Esprit mercantile, qui pose la question suivante : Tout est-il à acheter ?

C’est pour le moins une bonne question…

On parle de : Mitterrand 2008, il revient !

Mai 152008
 

Le mensonge sarkoziste

Note liminaire : j’ai commencé à écrire, puis entamé quelques recherches complémentaires sur l’internette… et suis tombé sur un excellent article de Olivier Bonnet. Je me rends à l’évidence : le journalisme est un métier… et c’est avec humilité et reconnaissance que je pompe donc ici intégralement son article, à quelques modifications près (parce que j’ai quelques prétentions que je bride encore difficilement).

« La France ne travaille pas assez ! Il n’y a qu’un moyen de relancer la croissance et d’augmenter le pouvoir d’achat : travailler plus ! Par rapport à nos voisins, nous sommes le pays qui travaille le moins, il faut que ça change ! » Voilà le message dont nous rebat les oreilles avec un bel ensemble la majorité présidentielle, à commencer par Sarkozy lui-même. Or c’est grossièrement faux.

Pour remettre les choses à leur place, il suffit de consulter les chiffres 2006 d’Eurostat, le très officiel Office statistique des Communautés européennes, repris sous forme de tableau par l’excellente revue Alternatives économiques :

temps de travail

Ainsi, dans l’ordre croissant en nombre d’heures travaillées par semaine, on trouve d’abord les Pays-Bas puis la Norvège, le Danemark, l’Allemagne, l’Irlande, la Suède, la Belgique, le Royaume-Uni et la Finlande. Vient ensuite la moyenne européenne, à 37,9 heures. Le premier pays à travailler plus que ladite moyenne, de justesse (38h tout rond) est la France. Viennent derrière l’Italie, la Lituanie, le Portugal, l’Espagne, l’Estonie, la Croatie, la Slovénie… Les plus gros travailleurs sont enfin les Bulgares, Lettons, Tchèques et Grecs (42,7 heures). Le tableau ci-dessus concerne la durée hebdomadaire mais on observe la même chose en se basant sur la durée annuelle, qui prend en compte vacances et jours fériés : elle est en France de 1545 heures, contre 1445 en Allemagne, 1499 au Danemark, les Pays-Bas étant le pays où l’on travaille le moins avec 1340 heures.

Merci à Léon Mercadet, journaliste à La matinale de Canal +, d’avoir rétabli les faits dans sa chronique d’hier, titrée La France bosse fort !


La france qui bosse!
envoyé par dagrouik

« Il y a un truc très très frappant, observe notamment Léon Mercadet, c’est que les pays où l’on travaille le moins sont les plus avancés, les plus performants économiquement et socialement« . « Ca alors !« , s’exclame le présentateur de l’émission, Bruce Toussaint. « A l’inverse, poursuit son chroniqueur, si on va en bas de classement, on s’aperçoit que les cancres sont (…) ceux dont le PIB par habitant est le plus faible. Tout se passe comme si plus on est un pays moderne, plus on est un pays économiquement performant, moins on travaille ! Allez savoir pourquoi, mais moins l’on travaille et plus le PIB par habitant est élevé, c’est comme ça que ça se passe en Europe. Alors quand les ministres et les porte-paroles du gouvernement nous répètent que nous ne travaillons pas assez, je me pose la question : est-ce ignorance ou est-ce mensonge délibéré ? En tout cas, c’est de l’idéologie, ce n’est pas des faits. J’ai quand même l’impression qu’on nous répète ça dans l’espoir qu’un mensonge cent fois répété devienne une vérité. Alors dans quel but cette distorsion des faits ? (…) Il y a une réponse évidente: c’est pour supprimer les 35h. Pourquoi supprimer les 35h ? Parce que c’est la durée légale. Ca veut dire quoi ? C’est le seuil de déclenchement des heures supplémentaires. Donc les Français travaillent déjà plus de 35h – on est à 38 – mais si on fait sauter les 35h, on n’a plus besoin de payer entre 35 et 38 au tarif des heures supplémentaires.« 

C’était donc lundi matin en clair sur Canal+, entre 7h 10 et 7h 20 : un grand moment de vérité à la télévision, qui laissait éclater en plein jour toute l’imposture de nos gouvernants. Mais rassurez-vous, rien ne changera et cette droite menteuse continuera inlassablement à ressasser l’ineptie que les Français ne travailleraient pas assez. C’est d’ailleurs ce qui ne manqua pas d’arriver dès le lendemain. Malheureusement pour Yves Jego, secrétaire d’Etat à l’Outremer et membre de l’UMP (Un Menteur de Plus) , c’est ce même Léon Mercadet qui se retrouve en face de lui :


les mensonges sur la valeur travail
envoyé par dagrouik

Si on peut même plus mentir tranquille !

On parle de : La France qui travaille plus

Mai 132008
 

LCCTout récemment, Dagrouick (blogueur socialiste, tendance ségolèniste) et Luc Mandret (blogueur du centre, tendance centriste) ont décidé de créer un machin 2.0 appelé Left & Center Citizens. Pour le premier, il s’agit de ceci :

Face au sectarisme d’une partie de la gauche, je propose donc de nous rassembler. De gauche, du centre-gauche, du centre. Construisons un véritable débat positif. Sujets après sujets, sur quoi nous retrouvons-nous ? Quelles sont nos valeurs communes ? Quelles lois pourrions-nous voter ensemble ? Dans nos programmes, quels sont les points de convergence ? La question n’est plus : comment travailler ensemble ; la question est : sur quels sujets ? Et je suis persuadé que les sujets sont nombreux.

Pour le second, c’est : Créer des espaces 2.0 de dialogue entre militants individus, blogeurs de gauche et de centre gauche. et on notera au passage – et, ainsi que le précise avec justesse l’ami Dagrouik, « Les mots ont un sens » – que si pour l’un l’initiative englobe le centre, pour l’autre elle s’arrête au centre gauche. Et justement ! toute la question est de savoir si le Modem est susceptible d’appartenir au centre gauche, zone politique qui dans sa définition appartiendrait encore à la gauche, ou bien si, situé exclusivement au centre, cet espace qui ne serait ni à droite ni à gauche, le Modem serait en réalité toujours, et comme il l’a toujours été,… à droite.

Pour la petite histoire : Il n’est pas anodin de rappeler dans quel contexte cette initiative a vu le jour – et ce même si elle était déjà en gestation depuis plusieurs semaines. Il se trouve qu’existe déjà un groupe de discussion sur Google, appelé Left_blogs et qui a son journal sur Cozop, dans lequel se retrouvent des blogueurs de gauche issus des Vigilants. Or Luc Mandret a souhaité entrer dans ce groupe, ce qui a donné lieu à un vote, lequel s’est soldé par un refus – à une très courte majorité et au motif qu’un militant du Modem ne pouvait être considéré comme un blogueur de gauche. Dans l’heure, LCC était créé – ce que d’aucuns prirent pour un insupportable contournement d’une décision prise démocratiquement (un peu comme un pseudo mini-traité est adopté par voie parlementaire après qu’un traité a été rejeté par voie référendaire…).

Remarque liminaire : Pour ma part, bien que viscéralement sceptique sur la compatibilité entre le Modem et la gauche, j’avais choisi de voter en faveur de l’entrée de Luc dans Left_blogs parce que « un groupe c’est ouvert ou sectaire« . Et bien que passablement en désaccord avec la réponse LCC au vote négatif des Left_blogueurs, j’ai choisi de m’inscrire à LCC « en tant qu’observateur » et en n’omettant pas de remarquer que le logo LCC proposé par Luc était tout de même très très bleu dans sa dimension politique (Left & Center) et bien noir dans sa dimension citoyenne. Remarque qui n’est pas seulement anecdotique… tant au centre le rouge fait peur, le rose dégoute et le bleu est une référence. C’est d’ailleurs là sans doute une très bonne définition de ce qui caractérise le centre.

Convergences ? : Mais je n’ai pas su me contenter d’observer – d’ailleurs, il ne s’y passe rien – et j’ai tenté de lancer la quête de convergences à laquelle nous étions conviés, en rappelant quelques unes des propositions faites par Bayrou lors de la dernière campagne présidentielle :

  • Temps de travail : « Permettre aux salariés qui le souhaitent d’améliorer leur revenu par le jeu libre des heures supplémentaires […] Dans toutes les entreprises, le paiement des heures supplémentaires (entre 35 et 39 heures) sera majoré de 35 % pour récompenser le travail. Les cotisations sociales seront réduites en proportion afin que les entreprises ne supportent aucun coût supplémentaire » ;
  • Contrat de travail : « Je propose donc un CDI universel à droits progressifs » ;
  • Chômage : « En réduisant les charges qui pèsent sur le travail, on libérera l’emploi » ;
  • Fiscalité des entreprises : « Il faut créer un environnement amical pour l’entreprise, y compris fiscal, particulièrement pour les PME. Tout contrôle devrait être précédé d’un conseil, d’un avis, comme on ferait pour un ami, au lieu de sacrifier à la culture d’inquisition et de suspicion » ;
  • Famille : « Pour moi, un mariage, c’est l’union d’un homme et d’une femme. Je défends cette vision que certains disent traditionnelle, mais que je trouve être une vision d’avenir. L’altérité sexuelle est source de vie et d’équilibre » ;
  • Immigration : « Dans un pays qui compte quatre millions de chômeurs, pourquoi aller chercher de la main-d’œuvre à l’extérieur ? » ;
  • Retraites : « Je propose une refonte universelle, c’est-à-dire une réforme qui englobe tous les régimes, y compris les régimes spéciaux ;
  • Droits de succession : exonération complète jusqu’à 200 000 euros ».

Et voilà aussitôt qu’un gentil centriste, sympathique mais se méprenant sur mes intentions véritables, me répond point par point pour globalement me dire qu’il était tout à fait en phase avec mes propositions. Il fallait bien alors que je lève ce lourd malentendu qui, cela étant, avait le mérite de nous faire comprendre jusqu’où les convergences entre la gauche et le centre sont parfaitement non envisageables.

C’est que ce petit aperçu des propositions « centristes » était directement prélevé d’un article que j’avais écrit en pleine campagne présidentielle, le 13 mars 2007 et intitulé L’autre homme de la droite, où il s’agissait de constater dans les faits la grande proximité politique et les convergences entre François Bayrou… et Nicolas Sarkozy.

Or voici ce que pour ma part, en homme de gauche, je pense de telles orientations politiques, outre d’ailleurs qu’elles sont pour nombre d’entre elles mises en oeuvre par l’actuel gouvernement :

  • Sur le temps de travail et les 35h : Si la loi mérite quelques aménagements de mise en oeuvre – notamment à l’hopital -, en aucun cas il ne peut être question de revenir en arrière. La réduction du temps de travail participe du progrès social et de l’émancipation de l’homme par rapport au travail : plus qu’une diminution du temps de travail, c’est un accroissement du temps de loisir. S’il faut s’en préoccuper c’est sur la dimension pouvoir d’achat, tant les entreprises ont argué et arguent encore des 35h pour contraindre les salaires – alors même qu’aujourd’hui elles ont été digérées et sont, en sus, économiquement une réussite.
  • Sur le travail le dimanche : La dissymétrie employés employeurs ne permet pas de se contenter d’un « sur la base du volontariat ». C’est exactement la même chose que pour les heures supplémentaires : ce n’est pas le salarié qui choisit. Pour la gauche, le code du travail – si savamment et systématiquement détricoté par Sarkozy – est le levier principal d’un rééquilibrage du rapport de force entre le salarié et l’employeur, au bénéfice du premier. En caricaturant à peine, le libéralisme pèse exactement dans le sens inverse en privilégiant toujours la liberté… du plus fort.
  • Idem sur le contrat de travail : Il a pour objet de protéger le salarié. Le contrat de travail unique à droit progressif est une précarisation du salarié en échange d’une souplesse pour l’employeur. Or, par ailleurs, la précarisation est à terme néfaste à la productivité et à l’efficacité économique des entreprises. Le libéralisme est une erreur économique également en ce qu’il privilégie la décision de court terme en faisant fi des externalités négatives.
  • Sur le chômage : Depuis des décennies, la lutte contre le chômage par la réduction des charges patronales a échoué. C’est que la logique libérale est dans la maximisation des profits…
  • Sur la fiscalité des entreprises : La loi doit s’appliquer fermement contre toutes les formes de délinquances. La loi est par essence impartiale : elle n’a pas d’amis…
  • Sur la famille : Bayrou est un conservateur régressif qui oublie que la politique n’est pas une affaire de morale chrétienne.
  • Sur l’immigration : La déclaration de Bayrou, pour le coup, fleure « bon » la droite nationaliste française – mais elle est son histoire et celle du centre en France.
  • Sur les retraites : Réformer, oui. Comment ? est la vraie question. Pour ma part, il s’agit d’abord d’élargir l’assiette des cotisations au capital, alors qu’elles ne pèsent actuellement que sur les salaires. Je doute fort que ce soit une position que les centristes suivent volontiers.
  • Sur les droits de succession : On aurait pu se limiter à ce seul sujet pour comprendre tout ce qui sépare la gauche du centre. Si pour un centriste il s’agit d’un « impôt injuste sur une vie passée, pour la gauche, l’héritage est un revenu pour l’héritier, qui plus est obtenu sans travail : à ce titre il doit être imposé et ce faisant participer à la redistribution des richesses et au rétablissement de l’égalité des chances. A ce sujet, je suggère cet autre article que j’avais commis l’an passé : la France qui travaille et la France qui hérite.

Or ce sont là des sujets majeurs, qui fondent une orientation et une action politique. Autant de sujets pourtant où aucune convergence n’est possible tant les options des uns et des autres, de la droite et de la gauche !, sont diamétralement opposées. Ainsi LCC pourrait-il avoir le mérite de clarifier les choses en mettant en exergue nos divergences de fond, par-delà le discours sur des pseudos convergences qui ne peuvent en réalité conduire qu’à des alliances contre-nature.

C’est qu’en vérité le Modem ne vient pas de nulle part et ses racines sont moins la solidarité que dans la charité, conception éminemment de droite façon libéralisme compassionnel et démocratie chrétienne. Ainsi, si je ne partage pas les options politiques des communistes, et si je pense que les Verts se sont définitivement enlisés dans leurs contradictions internes et leur fonctionnement groupusculaire, je sais partager avec eux une aspiration à plus de justice sociale, plus de solidarités, plus de prise en compte des externalités économiques sur l’homme et sur son environnement, une certaine vision d’une société tournée vers l’émancipation de l’individu, sa liberté fondamentale à être. Cette communauté de pensée c’est ce qui fonde la gauche et donne son existence à ce qu’on appelle le peuple de gauche, c’est ce qui permet les convergences politiques et autorise les alliances.

Mais il est vrai aussi que le Modem s’est peu à peu vidé de ses composantes les plus droitières : au final, reste là Bayrou qui n’a d’autre ambition que la sienne et d’autres qui, enfants politiques souvent incultes, pour les uns pensent que le clivage droite gauche est dépassé – ce qui en plus d’être faux (ce clivage n’avait pas été aussi actuel depuis longtemps) est ontologiquement une idée de droite (car c’est en réalité sa seule identité tangible) – et pour les autres se retrouvent au centre pour s’éloigner de ces gauchistes dont ils ont peur, comme on n’a peur souvent de ce qu’on ne connaît pas. On pourra d’ailleurs noter utilement que cette « haine » du gauchiste, qui est en réalité une crainte et surtout une incompréhension, est l’essentiel de ce qui rapprochent le Modem de certains ségolénistes (mais pas seulement eux !) qui ne parviennent pas à ne pas accoler le terme de sectarisme à celui de gauchiste…

Il reste que cette danse du ventre de nombre de socialistes autour d’un Modem politiquement inexistant est une erreur politique fondamentale en ce qu’elle ne repose sur rien, aucune convergence politique de fond. Il demeure aussi que les égarés du Modem sont des gens estimables qui ont pour beaucoup d’entre eux l’esprit (sinon le coeur) à gauche et que les socialistes ne doivent pas négliger. Pour autant, il ne s’agit pas de faire alliance, mais de leur parler et de les convaincre de venir à nous et nous enrichir d’eux-mêmes. C’est que faire de la politique c’est davantage convaincre que se perdre en compromis. Ce n’est jamais être sectaire que d’être avant tout fidèle à soi-même et ferme dans ses convictions.

On parle de : De la mort prématurée de Left & Center Citizens