François Hollande a proposé d’imposer au taux de 75% tous les revenus au-dessus d’un million d’euros.
Depuis, dans le camp sarkozyste, c’est la panique. Tant il est vrai que cette seule proposition concrète, bien que sa force soit d’abord symbolique, toute la stratégie de communication du candidat-sortant s’en trouvait mise à mal. Rendez-vous compte, lui qui voulait paraître comme le candidat du peuple en se contentant de le répéter, en se gargarisant de mots, en répétant des promesses qu’il avait déjà faites et jamais tenues, voilà que son principal adversaire donnait corps à l’idée que l’indécence de certains très hauts revenus n’était définitivement plus supportable.
Comment réagir sans apparaître comme le candidat des riches, quand on est idéologiquement et effectivement le candidat des riches, et que la seule chose qui compte en réalité est que cela ne se voit pas ? Telle est depuis le début de cette semaine la question, le problème dans lequel l’UMP et Nicolas sarkozy ne cesse de s’embourber.
Dans un premier temps, il s’est agi de répliquer sur l’improvisation de la proposition du candidat socialiste. Mais voilà, on a appris depuis que celle-ci avait été au contraire mûrement réfléchie et son annonce minutieusement préparée, bien qu’en petit comité afin d’en préserver l’annonce à François Hollande lui-même. Quelques millions de tracts étaient déjà imprimés et en attente de leurs distribution aux Français.
Alors la fine équipe sarkoziste s’est répandue dans les médias en feignant de croire et en distillant l’idée qu’il s’agissait de prendre 75% des revenus de tous les millionnaires : vous gagnez un million et les impôts vous prend 750 000 euros. Ce matin encore sur France Inter, Nicolas Sarkozy lui-même a poursuivi sur ce chemin mensonger. Car François Hollande a dès le début été très clair, 75% est bien évidemment un taux marginal, il ne s’applique que sur la part de revenu excédant le million d’euros.
Prenons l’exemple d’une personne ayant un revenu imposable de 2 millions d’euros par an. Aujourd’hui, son impôt sur le revenu est d’un peu plus de 800 000 euros – et il lui reste donc 1,2 million pour vivre. Avec la réforme fiscale proposée par François Hollande, il devrait reverser au fisc un peu moins de 1,2 million d’euros – et lui resterait donc pour vivre quelque 800 000 euros.
Et cela, ce serait pour une personne seule et sans enfant, et qui n’aurait pas trouvé son bonheur parmi la multitude de niches fiscales auxquelles il peut prétendre. La réalité est évidemment toute autre.
Un rapport du sénat en 2009 faisait apparaître les chiffres suivants : 1- 0,001% des Français gagnent plus de 1,2 millions d’euros ; 2- le taux moyen d’imposition de ces très riches est de 17,5%.
Dit autrement, les 2 millions d’euros de notre contribuable est en réalité de 350 000 euros – et il lui reste donc pour vivre 1,65 million !
Il s’est agi ensuite pour l’UMP de parler, contre toute réalité, de « spoliation », de « mesure confiscatoire » ou de « folie fiscale ». 800 000 euros pour vivre, tu parles d’une spoliation ! (et on vient de voir que c’est un chiffre tout théorique, un minimum pour vivre bien en-deçà de la réalité fiscale des très riches). Mais tout de même, c’est Nicolas Sarkozy qui vient de faire voter une augmentation de la TVA qui prélèvera près de 15 milliards d’euros sur l’ensemble des Français – et en particulier sur les classes moyennes et les classes populaires.
La mesure de François Hollande prélèverait 250 millions d’euros sur les 0,02% des Français les plus riches, soit quelque 5 000 d’entre eux – ce qui coûterait en moyenne 50 000 euros à ces millionnaires. Mais 15 milliards d’euros seront prélevés – ou ne le seront pas si François Hollande est élu – sur 50 millions de Français via la TVA Sarkozy – donc un prélèvement supplémentaire de 300 euros pour chacun d’entre eux. Où est la spoliation ? Où est la mesure confiscatoire ? Chez qui donc est la folie fiscale ?
Sans oublier que par ailleurs 45 taxes ont été créées ou augmentées par Nicolas Sarkozy depuis le début de son mandat.
Sans oublier non plus le bouclier fiscal, l’allègement de l’Impôt sur la Fortune ou la suppression de l’impôt sur les successions pour les très grosses fortunes.
Et Nicolas Sarkozy donc de se rabattre sur un dernier argument, celle d’une très hypothétique fuite des riches hors des frontières fiscales de France. Des footballeurs, par exemple. Quelques artistes. Et puis nos grands patrons si talentueux, tellement irremplaçables… et dont le salaire moyen a été de plus de 4 millions d’euros en 2010. La fuite des talents ? Un pur fantasme !
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Au pire donc, cela concernerait éventuellement une petite poignée d’entre eux – s’exiler, déménager sa famille, gagner ailleurs ses millions… si même cela était profitable, ce n’est jamais si simple. Au résultat, la mesure rapporterait donc à l’Etat un solde net de 200 millions plutôt que 250 ? La belle affaire ! Il n’en resterait pas moins que le symbole serait fort, que la justice fiscale aurait un peu progressé, que la morale et l’éthique y auraient trouvé un peu leur compte.
Mais l’on sait que ce ne sont là pour Nicolas Sarkozy jamais que des mots, de belles paroles qu’il ne s’agit jamais pour lui – et bien au contraire – de traduire dans les faits. Ainsi l’on aurait pu attendre de celui qui se gargarise tant de l’amour de la France, qu’il stigmatise un peu ces grandes fortunes – dont beaucoup sont de ses amis – qu’il se désolidarise un peu de ces très riches qui se sont déjà ou envisageraient de s’exiler hors de France pour échapper à l’impôt et donc à la solidarité nationale. Lui qui proclamait il ya quelques années que « la France, on l’aime ou on la quitte » devrait pourtant être le premier à pouvoir entendre que la France, on la quitte quand on ne sait pas l’aimer assez.
Mais voilà, si stigmatiser le tout-venant est dans son tempérament, et fait office pour lui de stratégie politique, il ne saurait pour autant stigmatiser l’absence de patriotisme de certaines grandes fortunes, puisque c’est par elles et pour elles qu’il est président de la République. Par elles et pour elles qu’il est en vérité à nouveau candidat.