Mar 292007
 

Sarkozy, fauteur de troubles et candidat du désordre républicain

Voilà donc où nous en sommes après cinq ans, une campagne présidentielle qui se joua sur le thème de l’insécurité et de la peur et un ministre de l’Intérieur qui n’a eu de cesse que de multiplier les déclarations fracassantes, voici donc une France dont les habitants se voient contraints de se dresser contre l’autorité et des informations des forces de l’ordre jugées abusives. Rue Rampal, la semaine passée, ce sont la directrice d’une école, ses enseignants et des parents d’élèves qui se sont opposés à l’arrestation d’un grand-père devant l’école où il était venu chercher sa petite-fille. Cette semaine, à la Gare du Nord, des usagers des transports publics ont protesté contre l’interpellation jugée « trop musclée » d’un passager qui n’avait pas son titre de transport. Deux faits qui témoignent avec force de cet état d’esprit qui règne aujourd’hui dans la population, entre peur, méfiance et ressentiment.

A la suite des violences qui se sont produites mardi soir à la gare du Nord, les syndicats des gardiens de la paix ont déclaré redouter « un véritable risque d’hystérisation des rapports police-jeunesse » (SGP-FO) et réclame que soit « comblé le fossé qui s’est creusé entre la police et les jeunes » (UNSA police). Quant à Nicolas Sarkozy, lui-même s’étonne que nous soyons devenu « le seul pays où l’on considère qu’arrêter quelqu’un parce qu’il ne paie pas son billet, ce n’est pas normal » : il a raison et peut-être pourrait-il s’interroger sur l’origine de cette singularité française qu’il constate benoîtement au lendemain de son départ d’un ministère où durant cinq années il a eu en charge la sécurité des français.

Lorsque l’autorité est abusivement répressive, elle génère un fort sentiment d’injustice, qui lui-même est générateur de désordre. Et c’est ainsi que M. Sarkozy a échoué. Loin d’apaiser les tensions, il les a exacerbées. Il a endossé le rôle d’un Père Fouettard grimaçant et menaçant, tonnant de sa grosse voix et faisant claquer puissamment son fouet. Mais les français ne sont pas des enfants que l’on menace et que l’on corrige, encore moins un troupeau de moutons que l’on guide au pas en faisant aboyer ses chiens. Un peuple est d’abord composé d’individus a priori responsables, et le moindre des respects est de les considérer comme tels. Assurer l’ordre ne peut et ne doit en aucun cas passer par la restriction des libertés individuelles, liberté d’aller et venir sans se sentir épié, surveillé, encadré, contrôlé, fiché et suspecté.

C’est pourtant cela qu’a mis en place M. Sarkozy : le soupçon généralisé. Quand on généralise à outrance les moyens de surveillance électronique, que l’on interdit aux jeunes de se réunir en bas de leur immeubles, que l’on autorise les contrôles d’identité systématiques, que l’on laisse se multiplier les contrôles aux faciès, que l’on rend pesante la présence policière, que l’on multiplie les interdits et qu’on place une chape de plomb sur les libertés individuelles, on provoque inévitablement un retour de suspicion, de la population à l’égard des forces de l’ordre. Parce qu’elles ne sont plus perçues comme celles qui protègent, mais comme une menace qui pèse sur chacun, ou pour le moins comme une entrave au « vivre ensemble ».

Fidèle à sa stratégie, le candidat Sarkozy s’évertue depuis cinq ans à diviser les français. Il nous dit en substance ceci :

Si vous êtes innocents, vous n’avez rien à craindre. C’est de l’Autre que je veux vous protéger, à lui que je vais m’en prendre. Et si je vous surveille, c’est pour m’assurer que vous êtes bien l’innocent que vous prétendez. Et si je vous demande de me présenter vos papiers, c’est afin de vérifier que vous n’avez rien à vous reprocher. Et si cela vous arrive plus souvent qu’à d’autres, ce n’est certainement pas parce que vous habitez un quartier difficile, ni que vous êtes jeunes, ni que vous avez une tête d’arabe. Quelle est donc cette paranoïa ? On dirait presque que vous avez quelque chose à vous reprocher finalement. Allez, je vous embarque, on va contrôler tout ça…

Le glissement est inévitable et il est fatal que la population finisse par en ressentir toute l’injustice, et éventuellement exprime sa colère, conduisant à cette situation paradoxale où les forces de l’ordre deviennent de fait génératrices de désordres.

Soyons clair, il est parfaitement inadmissible de s’en prendre avec violence aux forces de police ou de casser des vitrines, et si le rôle d’un ministre de l’Intérieur est de faire en sorte de mettre les forces de l’ordre en situation de mettre fin à de tels agissements lorsqu’ils se produisent, et d’en arrêter les auteurs afin de permettre à la Justice de les juger, son rôle est aussi – et d’abord ! – de faire en sorte que de tels agissements ne se produisent pas. Il ne s’agit pas uniquement de rétablir l’ordre, mais de faire en sorte qu’il puisse se maintenir et perdurer. Il s’agit d’apaiser les tensions plutôt que de les exacerber. Or provocations, injustices, restrictions des libertés et soupçon généralisé ont été les instruments de la politique exclusivement répressive de Nicolas Sarkozy. Or provocations, injustices, restrictions des libertés et soupçon généralisé sont sources de tensions et de colères, en particulier parmi des populations qui vivent déjà l’exclusion sociale – car les exclure en sus de la citoyenneté est alors rajouter de l’injustice à l’injustice et fait nécessairement bouillir la marmite de la révolte. Et quand la révolte est le fruit d’une politique révoltante, le responsable de la révolte est l’instigateur et le grand ordonnateur de ladite politique.

Aux juges donc de sanctionner les auteurs des troubles à l’ordre public, aux électeurs de sanctionner le fauteur de troubles et de l’empêcher de conduire plus avant son entreprise de démolition du ciment républicain. Car comment imaginer aujourd’hui que, s’il devait se poursuivre cinq autres années, ce face à face entre Nicolas Sarkozy et une population qu’il n’a de cesse de stigmatiser et de provoquer ne puisse à terme trouver issue dans un dramatique embrasement ?

Technorati Tag :

<agoravox/>

On parle de : Sarkozy : le bilan terrible de la répression généralisée