Juin 162010
 

pomperL’homme, pas très grand, semblait fragile. Un corps frêle surmonté d’un visage émacié, creusé jusqu’à l’os. Jambes et bras d’une maigreur extrême. Nul besoin qu’il fut allongé dans ce cercueil pour comprendre qu’il était mort.

Nul besoin qu’il fut allongé dans ce cercueil pour comprendre qu’il était mort ?

Déjà hier…

D’où me vient cette fixation ? Je fouille en moi, je n’ai pas la réponse. Laissons cela. Laissons les mots venir, ne pas les refuser, ne pas les refouler. Accepter la règle du jeu. Improvisation, écriture libre… Libre ?

Je triche. Je fouille en moi, je remue la masse des souvenirs. Il y a bien quelque part, en moi, un petit souvenir duquel je puisse tirer quelques mots et qui m’éviteront d’en revenir au tragique. La mémoire est une muse acceptable, après tout…

Rien. Une phrase seulement. Je ne vois pas bien ce que je pourrais parvenir à en tirer. Pomper n’est pas inspirer. Tu parles d’une phrase ! Pomper la mémoire pour trouver l’inspiration. Pomper la muse… Pour sûr elle n’aimera pas.

Pomper, inspirer, expirer. Une ellipse acceptable, peut-être, autour de l’acte d’écrire. Aller, voyons ça – je n’ai rien d’autre.

Pomper dans les souvenirs. D’abord pomper dans les souvenirs. Tout part de là, nécessairement. L’écrivain n’a pas d’autre matière à modeler. Tout part de soi.

Et puis inspirer, c’est-à-dire transformer, remodeler, sublimer si possible. Créer. Oui, c’est là qu’on peut se prendre pour Dieu, quand vient l’inspiration, cette douce transe. Créer, donc.

Enfin, expirer. Et là il s’agit de livrer au monde, à l’extérieur de soi, ce qui s’est façonné à l’intérieur. Permettre à ce qui a été créé d’être habité par l’Autre. Phase laborieuse où beaucoup est affaire de technique, parfois d’artifice.

Combien se contentent en réalité de pomper d’abord et d’expirer ensuite, auxquels manquent alors cruellement la dimension artistique ? Pompeux petits écrivaillons que nous sommes.

Surtout, expirer c’est mourir, encore. Et encore.

Source : Pomper n’est pas inspirer