Jan 072006
 

Eldorado : une pièce de Marius von Mayenburg, mise en scène par Thomas Ostermeier – au théâtre Les Gémeaux (Sceaux) du 4 au 8 janvier 2006 – spectacle en allemand sur-titré.

Anton est sur la pente ascendante de la réussite sociale : un bon travail, la place du patron qui lui tend les bras, une femme qu’il aime et qui l’aime, une jolie maison avec jardin que son salaire copieux lui permettra sans aucun doute de payer, le projet de fonder une famille… Mais, sur cette pente savonneuse, Anton trébuche et glisse : mis à la porte par son patron, un promoteur sans scrupule, qui spécule sur la guerre et la dévastation pour faire de l’argent, incapable d’avouer à sa femme qu’il a perdu son poste et la remise en cause de leurs aspirations, il s’enferme dans son mensonge et s’y enfonce chaque jour davantage. Il feint de continuer d’aller travailler, s’appliquant à extorquer des fonds à sa belle-mère pour conserver à sa femme et à leur futur enfant le train de vie auquel ils avaient cru un moment pouvoir accéder. L’impasse, bien entendu, est au bout du chemin.

Un texte prometteur, une mise en scène alléchante, un décor osé, des comédiens inspirés… et, pourtant, on reste sur sa faim.

Sans doute d’abord parce que la pièce elle-même est inégale, un texte rythmé mais pas tout à fait abouti, au propos acéré mais parfois brumeux. Mais surtout parce que Ostermeier, qui avait il y a peu proposé une mise en scène aussi trash que flamboyante de La Maison de Poupée d’Ibsen, a semblé là choisir sciemment de brider sa nature et ses élans, renonçant à en faire trop.

On voudrait que la folie gagne, que l’hystérie aille crescendo et nous emporte, mais non, exceptée une scène très réussie où Anton perché sur une armoire sombre dans le tourbillon de son délire, tout demeure parfaitement contenu et maîtrisé, laissant tout loisir au spectateur de ne pas se sentir trop impliqué dans la tragédie un peu terne qui se joue là-bas. Au final et faute d’énergie, cette pièce hyper-réaliste, qui évoque les désastres provoqués par une société cynique dont le credo supérieur est la réussite individuelle, perd de sa puissance et finalement de son sens. On en ressort avec des regrets.

 

« Eldorado »