Jan 112013
 

le metteur en scene berlinois Thomas OstermeierCertains artistes ne vous déçoivent jamais. C’est parce qu’ils regardent d’abord le monde avant de se regarder le nombril.

Parmi ceux-là, il y a Russell Banks. Il y a Wajdi Mouawad. Il y a Declan Donnellan. Et puis il y a Thomas Ostermeier. Par exemple. Mes exemples, et il n’est alors guère étonnant d’y trouver un romancier et trois metteurs en scène de théâtre. Ces hommes-là regardent le monde, le pensent, ont des choses à dire, mais surtout j’aime leur manière de le dire. A travers leur art mais pas seulement.

C’est aussi que selon moi, un artiste ne saurait être qu’engagé, c’est-à-dire partie prenante de leur époque. Cela explique sans doute que je n’aie pas trouvé, pas immédiatement, à citer un artiste français. Non seulement les artistes français se plaisent et se complaisent à puiser leur souffle dans leur nombril, d’abord dans leur nombril et l’on comprend alors comment il se fait qu’ils aient le souffle si court, mais la mode française est aussi à l’artiste dégagé, celui qui se garde bien de prendre parti, qui n’a pas d’avis ou surtout qui ne s’aventure pas à le donner, qui se donne l’air d’être au-dessus afin de ne pas risquer de s’aliéner une partie de son public.

Bref, je voulais faire partager trois extraits d’un entretien que Thomas Ostermeier a accordé à Télérama. Trois pépites, chacune dans leur genre :

 

Mais vous semblez ne guère aimer l’Allemagne…

Mais parce que vous avez tort de l’ériger en modèle ! C’est à l’Allemagne de prendre modèle sur la France ! Chez nous, aucun plaisir, aucune jouissance de la vie : trois restaurants corrects à Berlin et pas un en province ! Et la dépression partout ! Les chiffres qu’on vous donne sur notre prétendue vitalité économique sont souvent falsifiés ou comptabilisés différemment. On nous fait croire à nous aussi, ici, que le bateau est plein, mais il n’est pas plein du tout ! Dans cinq ans, l’Allemagne va s’effondrer. La pauvreté est partout, et le chômage. Seulement notre classe ouvrière est couchée depuis l’entre-deux-guerres, et corrompue par la bourgeoisie néolibérale. Elle a été longtemps si fière, notre classe ouvrière, d’être employée par un chef et soumise à lui ; depuis vingt ans, elle a même accepté docilement la stagnation des salaires pour faire repartir l’économie. En fait, comme toujours, la droite néolibérale (d’Angela Merkel) a profité des trahisons habituelles de la social-démocratie précédente… En France, au moins quand il y a un conflit social, vous réagissez, vous faites grève. Jamais chez nous.

  

Le théâtre ne peut pas changer le monde ?

Non ! Aucune pensée ne peut changer le monde. C’est l’action qui le change. Le théâtre est juste un moyen de le comprendre.

 

A cause de l’éphémère de votre art, êtes-vous davantage confronté au tragique ?

« Depuis que j’ai monté Hamlet, en 2008, la question essentielle de la pièce n’est pas pour moi « Etre ou ne pas être » mais les premiers mots du texte : « Qui va là ? » Quelle mort arrive ? L’idée de la mort ne me quitte pas. »

Pourquoi ?

« Mourir est humiliant. »

  

Vous pouvez devez lire l’ensemble de l’entretien ici