Fév 282011
 

le désir d'écrire / le plaisir d'être luA l’ouverture du site qui contient ce blog, fin 2005 – plus de cinq ans déjà ! -, j’avais rédigé un petit texte qui faisait figure de prologue, manière pour moi de disserter autour du plaisir d’être lu, enfant putatif indissociable de mon désir d’écriture.

Aujourd’hui, après une refonte totale du design et de l’architecture de ce site, l’occasion est trop belle pour ne pas y revenir. Accessoirement, un petit billet sur le blog est le meilleur moyen d’insérer ce texte dans une nouvelle architecture à laquelle j’ai imposé de ne rien perdre de son histoire.

(Tout de même, à ce stade, j’ai perdu l’ensemble de vos commentaires – et n’ai néanmoins pas tout à fait encore perdu l’espoir de remettre la main dessus. Mais ce n’est pas le propos.)

Demeure que je n’ai pas grand chose à retirer de ce que j’écrivais alors, sinon peut-être une certaine naïveté, un brin de présomption – mais que je ne renie pas.

Avoodware – contraction tirée par les cheveux de « à vous de voir » et de « freeware » – demeure une invitation au partage, une invitation à ce que désir et plaisir puissent à l’occasion se rencontrer.

 

A vous de jouir

Il y a donc bien sûr le plaisir d’écrire. Et, avant cela, un désir, une nécessité intérieure, quelque chose de très intime et qui produit en vous le sentiment que la seule manière que vous avez d’exister un peu, de donner un peu de sens à votre existence – s’il faut lui donner un sens, s’il est envisageable de lui donner un sens -, que la seule manière que vous avez d’exister, est d’écrire. Ou plutôt de sortir de soi par l’écriture.

Cela ne signifie pas qu’on y arrive, ou qu’on y arrivera jamais – et c’est bien pourquoi il n’y a pas seulement du plaisir. Mais il y a aussi du plaisir, ne serait-ce que parce qu’on sait que c’est la vie qu’on a choisi de vivre. Ne serait-ce que parce qu’écrire – et créer en général – est la plus grande liberté qui soit. Parce qu’être libre est tout simplement la seule manière de vivre vraiment.

Il y a donc le plaisir de sortir de soi. Un plaisir qui se retrouve comme orphelin quand personne n’est là, au-dehors, pour vous reconnaître. Sortir de soi pour ne déboucher nulle part, ce serait en fin de compte revenir à soi. Un plaisir qui aurait alors beaucoup à voir avec l’onanisme : c’est bien, c’est bon, mais il arrive un moment où l’on comprend que ce n’est pas assez.

On veut davantage. On veut partager. On veut donner et donc être reçu, ne plus simplement donner dans le vide. Alors on veut s’y risquer, prendre le risque d’obtenir aussi ce plaisir-là qui vient de l’Autre. Être celui qui prétend pouvoir lui en donner, du plaisir, à l’Autre.

Le plaisir d’être lu, donc. Et ainsi ce site a-t-il pour objet mon propre plaisir, celui que vous allez me donner en vous faisant mes lecteurs. Et aussi, donc encore, il est le reflet avoué de cette prétention que moi, auteur, j’ai de vous en donner, un peu, au moins un peu, du plaisir. Il est moi devant vous, les dents bien blanches, muscles bandés et membre dressé…

Et puis, à l’intérieur, moi encore, noué, hésitant, les tripes vrillées par un doute qui grandit à son tour, toujours le même doute, toujours la même inquiétude : « Et si elle ne jouissait pas ? »

C’est qu’on ne se refait pas, on ne parvient pas seulement à se servir, à prendre son propre plaisir ; on voudrait en donner un peu aussi. C’est que l’Autre, on ne parvient jamais tout à fait à ne pas l’aimer un peu. Mais peut-être, sans doute, est-ce seulement soi-même encore qu’on aime, seulement soi-même dans le regard de l’Autre. Ce regard qu’on voudrait tant voir chavirer, tout de même.

Et par conséquent, ce site, maintenant, et pour mon plus grand plaisir, c’est à vous d’en jouir.