Mar 012011
 

le désir d'écrire / le plaisir d'être luL’édition en ligne est-elle une alternative ? Je n’ai pas vocation à faire ici des généralités. Je peux néanmoins répondre pour ce qui me concerne.

Pour ce qui me concerne, donc, l’édition en ligne ne constitue certainement pas une alternative, encore moins un renoncement. Je conçois l’édition en ligne davantage comme un étape, une étape qui ne se substitue en rien à l’édition classique, laquelle reste pour moi un objectif essentiel.

Je m’explique. Dès lors qu’écrire est un moyen, moyen de s’exprimer, moyen de sortir de soi, se concevoir comme écrivain suppose de chercher à être lu, d’aller vers les autres avec ça, ce qu’on a écrit. C’est avoir conscience que la finalité n’est pas le livre, mais bien le lecteur. Avoir conscience que le livre n’est jamais que le moyen d’être lu.

Avant l’internet, soit l’on était édité, un manuscrit devenait livre et tout un chacun, le public, devenait lecteur potentiel. Soit on ne l’était pas, ou pas encore, et le seul lectorat possible était constitué par l’entourage de l’auteur, ses proches, sa famille. Dans un cas tout le monde, dans l’autre… personne.

Personne, parce que ce qui fait le lecteur est son anonymat, parce que c’est pour une figure sans nom que l’on écrit et à lui seul qu’on s’adresse. On ne lit pas de la même manière les mots de celui avec qui l’on a une relation particulière, personnelle, ce proche qui écrit et que l’on connaît, que l’on veut et croit reconnaître dans les mots qu’il écrit… et ce ne sont alors déjà plus les mêmes mots.

Avant l’internet, il y avait aussi l’auto-édition, ou l’édition à compte d’auteur. Un leurre, tant l’édition à compte d’auteur est, toujours selon moi, confondre le moyen avec la fin, le livre avec le lecteur.

Ce qui fait l’éditeur n’est pas le livre mais sa faculté à « faire paraître », rendre public, diffuser en somme. L’édition à compte d’auteur fournit certes la satisfaction de voir ce qu’on a écrit prendre la forme de l’objet livre, mais un livre dans une tour d’ivoire auquel le public n’a pas réellement accès.

Là encore, point de lecteurs, ou trop peu, faute d’une diffusion autre que symbolique. Un leurre.

Aujourd’hui, grâce à ce formidable outil de diffusion qu’est l’internet, l’édition en ligne permet de tracer un chemin entre ces deux points que sont l’édition et la non-édition. Elle permet d’élargir, un peu, le champ des lecteurs.

Un peu seulement, il ne faut pas se leurrer sur ce point. Faute de publicité réelle, et sauf alchimie imprévisible, on restera invisible au plus grand nombre, noyé dans la masse, là encore en diffusion restreinte. Car si le vivier de lecteurs potentiels est ici plus qu’abondant, l’éventualité que potentialité devienne réalité demeure en vérité relativement aléatoire.

C’est que, disons-le simplement, l’édition est un métier

Demeure que chaque lecteur supplémentaire insuffle la vie aux mots qui ont été écrit, simplement parce qu’ils sont lus et qu’ils ont été écrits pour l’être.

Une étape, donc. Ce qui signifie en clair qu’en adoptant cette démarche, l’auteur que je suis – ou prétends devenir – ne renonce pas, en aucun cas, à voir ultérieurement son travail être reconnu et édité plus largement, voir ses manuscrits devenir livres et ces livres être diffusés, puis être lus – et peut-être appréciés.

Une étape que je franchis donc comme on emprunte un chemin.

 

J’ai rédigé ce bref exposé il y a cinq ans, à l’occasion de la mise en ligne du site avoodware, vitrine virtuelle de ma production d’auteur. Depuis, je pourrais amender et compléter ce texte sur bien des aspects, en raison principalement de l’émergence de ce qu’on nomme aujourd’hui l’édition numérique, de l’apparition du format ebook et du standard .epub, et de la « démocratisation » des liseuses électroniques (iPhone, iPad, Kindle, FnacBook et autres…).

Pourtant, sur le fond, la problématique demeure à peu de choses près identique : seul le format papier via l’édition traditionnelle et son réseau de distribution permet aujourd’hui à un livre d’avoir une chance de rencontrer ses lecteurs. En revanche, ce que l’on peut avancer dès aujourd’hui, c’est que ce ne sera plus vrai demain. Tant mieux.

Et puis, à ce jour, près de 20 000 textes ont été téléchargés sur ce site.
Combien ont été lus ? Voilà une autre histoire.
Et ce sans même évoquer la question pourtant cruciale de la jouissance.
Tout de même, près de 20 000…