Juin 182014
 

bla blaUn intéressant échange a eu lieu sous le dernier billet du camarade Juan. A lui seul, il me semble être l’occasion d’un beau billet, en particulier ces jours-ci où, parce que deux mouvements sociaux se déploient simultanément, certains s’empressent – une fois encore – d’y voir les débuts de ce Grand Soir tant attendu.

Cet échange, je le retranscris donc ici – et en couleurs :

A- « Je suis depuis longtemps persuadé que si tous ces gens voulaient bien comprendre que c’est à l’intérieur du PS que ça pourrait se passer, on n’en serait pas là.

Imaginons que Chevènement n’ait pas fait sécession pour créer le MRC, en partant avec une parti des militants de la gauche du PS. Que Mélenchon n’ait pas fait sécession pour créer le PG, en partant avec une parti des militants de la gauche du PS. Que Larroutourou n’ait pas fait sécession pour créer Nouvelle Donne, en partant avec une parti des militants de la gauche du PS… Imaginons ce que serait le PS aujourd’hui et quel discours de gauche serait porté jusqu’au peuple.

Partir, c’est la solution de facilité quand on est minoritaire. Ça permet de gueuler et d’assouvir son ressentiment. Ça ne permet rien d’autre. Le courage politique, l’utilité en politique, c’est de rester et de peser.

Donner du temps au temps, disait Mitterrand. »

B- « Donnez du temps ? Alors que pépère ne cesse de dire qu’il faut accélérer les « réformes » (exactement les mots de Sarko), et encore si le temps employé jusqu’ici avait permis une amélioration de la politique de gauche du PS, mais non, c’est justement l’inverse, alors laisser du temps, me paraît un peu dangereux.

Ce sont ceux qui ont laissé la clique de sous-marins de droite s’installer dans le PS qui devraient enfin mettre les bouchées doubles pour virer cette caille avant que leur parti n’implose, mais non la soupe est bonne, alors… Implosion commandée.

Sous de Gaulle, il fallait attendre et en 58 il nous promettait le bonheur pour dans 10 ans. Mais 10 après faute de refus de réévaluer le SMIG de 4%, le patronat arguant la concurrence internationale et les charges (déjà) refusa depuis les premières manifs en septembre 67. Et badaboum, voilà que les étudiant entre dans la danse en mars 68 pour finir par booster le mouvement qui échappe aux syndicats après le coup de semonce du général prétendant mâter la chienlit, et qui envoie le peuple se rebeller dans la rue (j’y étais à 17 ans et j’ai adoré) et la peur au ventre , voilà le sous ministre du travail Jacques Chirac (qui avait pris un 6.35 dans sa poche) obligé d’aller faire signer patrons et syndicats accordant entre autres non pas 4% du SMIG mais 33% et une semaine supplémentaire de congés payés. (ils n’auraient pas dû négocier avant les patrons ?).

Et voilà pépère qui veut nous la refaire. Il rigole ou quoi ? Il était où lui quand je me battais dans la rue en 68 ? A Paris dans les hautes écoles à bourgeois avec Sarko.. On a la suite, là. »

A- « Ça fait depuis 1968, donc près d’un demi-siècle, que tu espères – et tu n’est pas le seul – que le grand soir soit enfin arrivé, de nouveau, que cette fois c’est sûr les gens en ont assez, que le mythe de la convergence des luttes va enfin se réaliser. 50 ans à attendre, et beaucoup de temps perdu.

Je suis désolé de le dire, mais les gens n’y croient plus à ce grand soulèvement du prolétariat. Pis, ils n’en veulent pas. C’est que vois-tu, on a beau dire, malgré la précarité et les difficultés de beaucoup, nous sommes dans une société riche et de consommation à outrance, une société embourgeoisée pourrait-on dire, et l’immense majorité aurait en définitive bien trop à y perdre. Bien plus encore qu’en 1968 et l’on sait déjà alors comment le peuple a fini par voter et faire rentrer tout ce beau monde chacun chez soi.

Préparer le grand soir, c’est se bercer d’illusion et c’est le comble de l’inaction politique. Mais je te l’accorde, c’est bien confortable, tellement bourgeois cela aussi, de célébrer sa radicalité, encore et encore. »

B- « De 1968 à 2014, çà fait exactement 46 ans. Allons. Les peuples sont souvent lents à la détente, surtout quand, de surcroît, les aînés ont contribué à faire le nid social d’une majorité de neutrons, tout juste capables de prendre ce qu’on daigne leur donner, sans lutter pour conserver les acquis obtenus de haute lutte. Ce n’est pas le peuple entier qui a renversé la royauté après 1000 ans de dynasties bien assises et certainement pas décidées à laisser les gueux leur enlever leurs trônes délivrés des mains de Dieu en personne. Essayez donc de vous imaginer en 1788. Et après ?

A chaque révolution, même doute et même minorité agissante. Tout au plus 10% de la population déterminée et ensuite, la queue de comète qui suit si c’est bien engagé. 1830, 1848, 1871, 1936, 1945, 1968…Alors comme vous dites, laissons le temps au temps tout en contribuant à maintenir la flamme. La révolution est permanente et la braise couve. Tout va bien.

En 68 j’avais 17 ans et trois années d’usine dans les pattes. J’en ai 63 et j’aimerai bien revoit ce peuple redonner de la voix et arrêter de se mettre à quatre pattes devant ce patronat arrogant et vampire. Je ne suis pas pressé, j’attends et j’aide à ce que çà se fasse. C’est tout ! »

A- « Oui, tu attends…

Moi aussi d’ailleurs. Mais en attendant, je me dis qu’il peut être utile d’explorer une autre voie. Au cas où ça n’arrive pas. Une voie qui s’appelle lenteur plutôt qu’immobilité ou recul. Parce que 50 ans d’un mouvement lent, ça peut déjà faire pas mal de bien.

Attendre, le poing levé qui célèbre la pureté de leur radicalité, c’est bien tout le reproche qu’on peut faire aux braillards du grand soir. Attendre. Et en attendant ? »

C- « En ce centenaire de la mort de Jaurès, à presque un mois près d’ailleurs, rappelez-vous la controverse Jaurès / Guesde, et rappelez-vous comment la gauche, socialiste et communiste, qui était unifiée dans la SFIO a dépassé l’antagonisme qui vous anime aujourd’hui :

Dans un but de transformation sociale, nous attendons la révolution. Mais en attendant, toute réforme, toute négociation, toute avancée politique en faveur du salariat est bonne à prendre.

Avec un siècle de recul, force est de constater que c’est bien cette méthode qui a permis l’ensemble des avancées sociales : Un réformisme décidé, parfois violent, avec de grandes grèves (36, 68),mais de révolution ? Aucune.

Les avancées ? Du temps de Jaurès, les enfants travaillaient dès neuf ans, et les ouvriers à 70 heures, 52 semaines par an, mourraient souvent à la tâche.

Attendons la révolution.

Attendons.

Laissons au MEDEF le champ libre. Certains ont même cru, dans les années 70, qu’affaiblir la gauche de gouvernement et favoriser la droite permettrait, par les souffrances sociales engendrées, précipiter la révolution.

Cette gauche là se trompe. Et elle a derrière elle un siècle d’erreur à contempler. »

A- « Oh, pas seulement dans les années 70. Depuis et aujourd’hui encore. Toujours ce pari : affaiblir la gauche de gouvernement et favoriser la droite dans le but, par les souffrances sociales engendrées, de précipiter la révolution.On a l’affaiblissement de la gauche de gouvernement, on a la droite triomphante, on a surtout les souffrances sociales. Un pari, 50 ans de souffrances sociales, pour le prix d’une révolution qui tarde quand même un peu à venir… »

Mais l’essentiel est que ces parieurs au poing levé peuvent clamer combien ils sont de gauche. »