Août 282014
 

Emmanuel Macron GauchistePourquoi, après quarante ans de crises économiques, dans un monde occidental, et en France en particulier, où ont dominé avec constance dans l’échec des lignes politiques libérales pointillées de quelques périodes sociale-démocrates, pourquoi les gauches plus « radicales » demeurent minoritaires au sein même des forces progressistes, c’est-à-dire au sein même de leur propre camp, celui qui pourrait, devrait, aurait déjà dû les conduire aux responsabilités ?

Est-il vraiment pertinent de pousser les grands cris de la trahison parce que ce furent et ce sont encore des Rocard, Fabius, DSK, Hollande, Royal, Jospin, Sapin, Cazeneuve, Valls, et j’en passe, qui ont mené et mènent au nom de la gauche une politique en laquelle ils croient, alors qu’il semble évident que seuls ceux-là à gauche n’ont en réalité jamais eu la moindre chance de prendre le pouvoir à la droite et de gouverner – parce que la réalité politique est que c’est là, dans la sociale-démocratie, que depuis quarante ans penche majoritairement la gauche ?

Ne serait-ce pas parce que justement l’autre gauche – pour faire court – ne s’est jamais contenté d’autre chose que de célébrer sa propre pureté, sa propre radicalité, et de pousser complaisamment toujours ce même cri de la trahison sociale, qu’elle demeure, aujourd’hui encore et malgré tout, incapable de convaincre le peuple de gauche – qui donc n’aurait peut-être pas tout à fait tort, finalement, de ne jamais lui accorder qu’une confiance très mesurée, et en tout cas minoritaire ?

Pourquoi cette gauche – au sein de laquelle beaucoup trop confondent « être de gauche » et « auto-célébration complaisante de sa propre radicalité » – pourquoi prend-elle temps de soins à ne jamais interroger sa propre responsabilité quant à son incapacité patente à faire pencher à son profit le centre de gravité de la gauche ?

Je pense pour ma part – mais peut-être est-ce parce que pour ce qui me concerne je ne suis pas le moins du monde surpris par la politique qui est conduite sous les gouvernements de Hollande et qui se situe peu ou prou à l’endroit même où il a été élu (et « plus à gauche » il ne l’aurait pas été) -, oui je pense que ces questions sont plus intéressantes que de jouer à se faire peur sur les 35h ou une hausse de la TVA, ou à diaboliser un type de 36 ans parce qu’il a gagné du fric dans une banque d’affaires. Le fait est qu’aujourd’hui encore, voyez-vous, des primaires à gauche accoucheraient d’un social-démocrate et que seul un social-démocrate aurait des chances d’arracher le pourvoir à la droite – ceci expliquant aussi sans doute cela.

Donc je répète : Pourquoi la gauche écolo-sociale (appelons-là ainsi) en est-elle encore à devoir faire face à son incapacité à faire pencher à son profit le centre de gravité de la gauche ? Ne serait-elle pas un peu pour quelque chose dans une situation politique qui perdure tragiquement ? Quelles sont les raisons d’un échec politique qu’elle refuse d’assumer ? Un début de réponse ne trouverait-il pas dans la question ? Dans cet irresponsable refus d’assumer sa part de responsabilité quant à son propre échec politique ?

On me dit dans l’oreillette que les journalistes, les médias en général, traitent très mal, avec une évidente condescendance et un mépris certain, une propension à la caricature, les représentants de cette gauche qui n’est pas sociale-démocrate, donc supposée pas sérieuse. Ce à quoi je réponds que c’est en effet le cas, mais que c’est une raison extérieure et dont on ne saurait se contenter. L’environnement médiatique est en effet défavorable à la gauche radicale, ou écolo-sociale. Comment donc s’adapte-t-elle à cet environnement afin de cesser de le subir ? Que met-elle place pour surmonter l’obstacle ? Suffit-il de s’en plaindre, de pleurnicher que « c’est la faute à la médiacratie si on n’y arrive pas » ? Non, cela ne saurait suffire !

Jean-Luc Mélenchon avait eu au moins le mérite de faire ce constat, qu’il y avait un ogre médiatique à enjamber. Malheureusement, sa réponse fut la pire possible : jouer le jeu du bruit médiatique, se caricaturer soi-même pour être entendu. Du coup, il a été entendu… et a dans la foulée accrédité sa propre caricature, discréditant du même coup les idées qu’il était supposé porter. Retour à la case départ : le Front de Gauche pleurniche encore et encore sur une médiacratie qui ne le prend pas au sérieux… et perd les élections, encore et encore. Et pour longtemps.

Alors, camarades, allez-vous longtemps encore vous complaire dans la célébration stérile de votre impuissante radicalité ? Ou bien allez-vous enfin admettre le constat que notre radicalité est minoritaire, minoritaire dans le pays et minoritaire même à gauche ? Admettre le fait que tant qu’il en sera ainsi nous serons bien obligés d’avaler les couleuvres libérales – ou sociale-libérales ? Ne comprenez-vous donc pas que c’est ce déni politique même qui, irresponsable, interdit d’espérer que cela puisse être autrement et dans un avenir suffisamment proche pour que cela vaille la peine d’y mettre son énergie militante ?

Vous criez à la trahison, vous pleurnichez parce que Hollande, Valls et Macron, et ce faisant vous persistez dans le déni. Et le peuple, qui n’est pas si con, ne vous rejoindra pas tant que vous y persisterez, ne vous confiera pas la responsabilité du pouvoir tant que vous serez irresponsables en ne l’ayant pas.

Nous, la gauche écolo-sociale, souhaitons devenir majoritaires et assumer les responsabilités du pouvoir ? Cela n’arrivera pas tant que nous n’aurons pas commencé par : 1- admettre que nous sommes aujourd’hui minoritaires dans l’opinion et que nous le serons probablement encore demain ; 2- accepter d’endosser devant le peuple la responsabilité pleine et entière de cet échec ; 3- tirer les conséquences politiques de cette situation, aussi bien pour le court que pour le moyen terme.