Déc 062012
 

Quand il y a deux jours, on demandait à Mediapart sur quoi reposait leurs révélations à propos du compte en Suisse que Jérôme Cahuzac était accusé d’avoir détenu, Edwy Plenel brandissait l’existence de trois documents : un acte notarié datant de 1994, une conversation datant de 2000 et un rapport fiscal datant de  2008. Qu’en reste-t-il aujourd’hui ?

Le rapport fiscal de 2008 – Mediapart lui-même reconnait désormais que ce n’était là que le point de départ de son enquête, un mémoire rédigé par un agent du fisc aujourd’hui à la retraite et qui concluait à l’impossibilité de valider les renseignements obtenus via des sources extérieures à l’administration fiscale (ce qui probablement signifie une délation). Dans mon billet d’hier, j’ai déjà largement montré en quoi ce document ne pouvait constituer un élément probant, inutile d’y revenir.

L’acte notarié de 1994 – Mediapart faisait un lien étroit, mais uniquement tissé de soupçons, entre le financement supposé douteux de l’achat d’un appartement par Jérôme Cahuzac et son supposé compte secret en Suisse. Hier cependant, le ministre a publié sur son blog le plan de financement détaillé dudit appartement, faisant de facto tombé tout ce pan de la pseudo enquête de Fabrice Arfi, le journaliste de Mediapart auteur de ladite enquête. 

La conversation de 2000 – Voilà tout ce qui reste aujourd’hui d’une enquête qui apparait de plus en plus foireuse. En 2000, il y a douze ans, Jérôme Cahuzac aurait appelé par mégarde un mystérieux correspondant, dont le répondeur aurait alors enregistré une conversation présentée comme accablante. Trois petites remarques :

  • Quelle crédibilité accorder à cette personne qui conserve pendant douze années un tel enregistrement, lequel ne relate rien d’illégal, pour le livrer aujourd’hui à un journaliste, dans le seul but de contribuer à décrédibiliser un ministre en exercice ?
  • Fabrice Arfi a reconnu hier dans Twitter que cet enregistrement avait été recueilli sur la boîte vocale d’un téléphone mobile. Mais l’enregistrement dure près de 3’45 » et il semblerait qu’à l’époque, la durée maximale autorisée par les opérateurs mobiles était de trois minutes…
  • On peut lire sur Mediapart que la voix de Jérôme Cahuzac sur cet enregistrement d’une qualité on ne peut plus médiocre serait « aisément reconnaissable ». Que dire sinon qu’à vouloir à toute force crédibiliser des preuves on finit par se décrédibiliser soi-même ? 
Mais jugez plutôt vous-même du caractère probant de l’unique élément qui demeure dans le sac de Mediapart pour affirmer que Jérôme Cahuzac aurait détenu un compte en Suisse, ce qui répétons-le n’aurait en soi rien d’illégal :
 

 

Une chose est que Mediapart ait été convaincu d’une manière ou d’une autre de l’existence de ce compte, une autre est de vouloir à toute force en faire de l’information. Quand une enquête a été menée et n’aboutit à rien de probant, au point qu’on pourrait aussi bien suspecter une manipulation, on ravale sa frustration journalistique et on s’abstient de bâtir un réquisitoire avec du vent.

Pour y gagner quoi d’ailleurs ? Quelques abonnements supplémentaires au prix de l’honneur d’un homme et de la crédibilité d’un média ? 

Dans cette affaire, on peut certes craindre pour l’avenir politique de Jérôme Cahuzac dont l’image a dores et déjà été largement écornée, mais également pour la survie de Mediapart dont la légèreté dans cette affaire pourrait finalement s’apparenter  à un suicide médiatique.