Mar 112011
 

François HollandeFrançois Hollande n’a pas changé. Et ce n’est pas tant pis.

J’ai pour habitude de juger de l’intelligence d’un homme – ou d’une femme – à son humour. Quand je dis intelligence, je ne parle pas d’un quelconque quotient, d’une pseudo mesure objective. Il s’agit  plutôt de la consistance et de la finesse d’un esprit. De sa vivacité. De sa générosité même, cette capacité à se retrouver en phase avec l’Autre, en connivence spirituelle, et à lui vouloir du bien. L’humour, pour tout cela, est à mon sens un excellent indicateur.

Ainsi, par exemple, l’humour de Brice Hortefeux est grossier et poisseux. Celui de Nicolas Sarkozy est brutal et cassant. Et Ségolène Royal en est totalement dépourvu – pas d’intelligence, d’humour, suivez un peu. Tout cela est très signifiant de la forme d’intelligence que possède ces trois personnages. Par exemple.

François Hollande est lui, au sein de la classe politique française, un de ceux dont l’humour est le plus subtil. C’est celui en tout cas qui me fait le plus rire. Parce qu’on y trouve toujours cette légère pointe de méchanceté aussi nécessaire à l’humour que les épices le sont à la bonne cuisine. Parce que, surtout, son humour n’est jamais gratuit, il ne s’agit pas que d’amuser, et donc de plaire – de « mettre les rieurs de son côté » -, il est expression politique à part entière. L’humour, chez François Hollande, vaut discours. C’est un humour efficace – en sus d’être particulièrement savoureux.

Pourtant, depuis que François Hollande s’est mis en tête de devenir président de la République, et que pour y parvenir il a estimé devoir travailler son image, j’ai plus d’une fois eu le sentiment qu’il avait, probablement pour « faire plus sérieux », lissé son discours. Il ne se laisse plus aller à cet humour qui le caractérisait. me disais-je, convaincu  qu’il se trompait, qu’il faisait fausse-route, se perdait en chemin. C’était son humour qui faisait son épaisseur, sa substance, et même sa différence, et le voilà qui rejoint la cohorte des hommes politiques engoncés dans leurs costumes sombres – dont François Fillon est l’archétype, et Nicolas Sarkozy le contrepoint vulgaire. Et les femmes ne sont guère plus avenantes dans leur tailleurs informes.

Et puis s’est mis à circuler sur la toile un morceau du discours qu’il a prononcé mercredi dernier, à Toulon, au cours d’un meeting consacré aux  prochaines élections cantonales (n’oubliez d’aller voter, c’est très important). François Hollande y pointe l’extrême application avec laquelle les candidats de la droite, partout en France, évitent d’afficher tout lien avec Nicolas Sarkozy et l’UMP, inventant pour l’occasion des appartenances fantaisistes qui n’ont d’autres vocations que de dissimuler celle qui leur fait honte et dont en effet il n’ont aucune raison de se montrer fiers. Et François Hollande d’offrir alors de récompenser d’un voyage en Corrèze, tous frais payés, le  candidat de droite qui ayant l’audace de se réclamer de Nicolas Sarkozy sur ses affiches électorales et d’y afficher le logo de l’UMP, parviendrait malgré tout à se faire élire. Tout est bien entendu dans la manière de raconter :

Vous le trouvez bon ?
Vous ne saviez pas qu’il était capable de ça ?
Vous n’avez rien vu encore.

Pendant la campagne électorale pour l’élection présidentielle de 2007, Nicolas Sarkozy allait de promesse farfelue en promesse farfelue, mettait  – exemple parmi tant d’autres – le droit opposable à toutes les sauces. Il y a trop de SDF ? Droit opposable au logement.  Pas assez de places en crèche ? Droit opposable à l’accueil en crèche. Et les vieux ? Droit opposable à l’accueil en maison de retraite. Il y en avait pour tout le monde, tout devenait possible, on connait l‘histoire… On peut seulement regretter que davantage de Français n’aient eu l’occasion de comprendre ce qui n’allait pas tarder à leur chatouiller les hémorroïdes en écoutant François Hollande – mais Ségolène Royal était la candidate – rire des promesses faciles du candidat Sarkozy :

Je sais, le sujet du jour n’est pas celui-là. Nous sommes censés prendre position dans le débat « Danger FNPrimaires : stop ou encore ? » A ce sujet, vous voulez que je vous dise, je crois moi avoir appris de François Mitterrand que la politique exige d’abord une patiente gestion du temps. Ne jamais se faire dicter son calendrier par les mouvements de l’adversaire ou la pression médiatique. Savoir garder le cap, respecter son propre calendrier et donner du temps au temps.

Car il n’y a de force que tranquille.

FN ou pas FN, les primaires conservent les vertus qu’on leur avait justement attribuées. Démocratie : le peuple de gauche choisit son candidat plutôt que de se le faire imposer par les sondages. Effet d’entrainement : mobilisation du peuple de gauche autour d’un candidat devenu incontestable. Création des conditions du rassemblement : les règles du jeu sont connues et s’imposent à tous. Etc…

On pourrait peut-être ajouter que des primaires seront aussi l’occasion de donner à chaque candidat à la candidature l’occasion de faire connaître aux électeurs un peu plus de lui-même que ce que le prisme médiatique a déformé de lui – sans même parler de connaître la coloration du projet dont il se voudrait porteur. DSK n’est pas assez à gauche ? Aubry n’a pas assez d’envergure ? Hollande n’a pas assez de charisme ? Nombreux préfèrent camper confortablement sur leurs certitudes. Moi, je demande à voir.

(Royal ? Bah, j’ai déjà vu. Pas vous ?)