Mai 282013
 

cigarettes électroniquesJe vous ai raconté dernièrement mon passage à la cigarette électronique, comment cette chose m’avait – enfin ! – sauvé du tabac , après des années de tentatives pour arrêter et autant d’échecs culpabilisants. J’avais alors évoqué le lobby de l’industrie du tabac et celui de l’industrie pharmaceutique, qui évidemment ne se laisseraient pas dépossédés de leurs rentes de situation. J’avais indiqué également que les intérêts de l’Etat étaient également menacés, tant les taxes sur la vente de tabac représentent une manne considérable pour son budget. J’avais seulement omis dans cette liste le puissant lobby des buralistes.

Nous y sommes. Un premier rapport est aujourd’hui remis entre les mains de Marisol Touraine, la Ministre de la santé. On nous parle de mesures visant à « un encadrement strict de l’usage de la cigarette électronique« . Et en particulier à son interdiction dans les lieux publics. Mais aussi une vente réservée à des établissement agréés. Mais encore l’exigence qui serait imposer aux fabricants d’apporter la preuve de l’innocuité des e-liquides qu’ils fabriquent et commercialisent.

N’y allons pas par quatre chemins. De telles recommandations sont d’une connerie monumentale. Elles ne visent à rien d’autres qu’à tuer dans l’œuf l’émergence d’un produit qui est une menace pour des intérêts puissants, faisant fi des bénéfices évidents pour les fumeurs – la possibilité d’échapper à leurs cancer, par exemples.

Je m’explique.

Ce qui a conduit à un encadrement strict de la cigarette traditionnelle, ce sont ses effets néfastes, c’est-à-dire mortels, sur la santé. Ce qui a conduit à son interdiction dans les lieux publics, c’est la réalité cancérigène du tabagisme passif. Dit autrement, ce qui pose problème avec la cigarette ce n’est pas que cela s’appelle une cigarette, c’est l’extrême nocivité pour soi-même du produit que l’on ingère et l’extrême nocivité pour les autres du produit que l’on rejette. Ce n’était pas qu’il s’agissait d’un tube dans lequel on aspire et qui produit de la fumée.

Or dans ce rapport, on n’évoque pas la nocivité de la cigarette électronique par elle-même. On nous dit que cette nocivité n’est pour l’heure que putative… mais que la cigarette électronique serait dangereuse parce qu’elle serait une porte d’entrée vers le tabagisme, en particulier pour les jeunes. C’est parfaitement aberrant. On passe du tabac à la cigarette électronique, on ne fait pas le chemin inverse. Et ce pour deux excellentes raisons : le goût et le prix.

Le goût. Une fois que l’on a basculé vers la cigarette électronique, on comprend à quel point le goût du tabac est en réalité écœurant, d’une extraordinaire amertume en particulier. On comprend que l’on faisait fi de ce mauvais goût parce qu’on était drogué et qu’on n’avait pas d’autre choix. D’ailleurs, toutes les méthodes et thérapies de sevrage tabagique passe par la compréhension de ce phénomène : vous n’aimez pas la cigarette, vous en avez simplement besoin et ce besoin vous conduit à transformer votre perception du goût de la cigarette. Pour preuve, personne n’aime sa première cigarette, tout le monde a grimacé à sa première bouffée.

Le prix. Pas plus qu’on choisirait librement de remplacer un bon goût par un mauvais, on choisirait de payer plus pour moins bien. Or vapoter – terme consacré à la cigarette électronique – coûte quatre à cinq fois moins cher que fumer.

Je voudrais qu’on m’explique ce qui conduirait quelqu’un, un jeune en particulier puisqu’il semble que c’est pour eux que le rapport s’inquiète le plus, à choisir d’abandonner sa cigarette électronique pour une cigarette traditionnelle, plus ringarde, plus coûteuse et au goût révulsant.

C’est pourtant ce raisonnement qui est sous-jacent dans ce rapport : interdire la cigarette électronique dans les lieux publics, parce que son usage constituerait une incitation pour les jeunes à consommer un produit  qui serait une porte d’entrée vers le tabagisme. Non seulement cette histoire de porte d’entrée n’est absolument pas crédible, depuis quand on interdit-on la consommation d’un produit dans un lieux public au prétexte qu’il inciterait d’autres personnes à le consommer ? Où est la logique d’une telle interdiction ? Où est le respect des liberté individuelles, lesquelles – faut-il le rappeler – ne sont entravés que par la liberté des autres ? Est-on en train d’inventer le concept d’incitation passive ?

Je ne vais pas m’étendre sur la recommandation visant à réclamer au fabricant d’apporter la preuve de l’innocuité d’un produit. La jurisprudence risque d’être intéressante. On demandera tout aussi bien à un fabricant de raviolis de démontrer l’innocuité de sa recette, ou à un fabricant de sodas, ou à tout autre fabricant de n’importe quoi qu’on ingère.

Non plus que sur cette autre recommandation visant à réserver la vente de cigarette électronique à des établissements agréés. Aussi bien réservons la vente de chocolat à des chocolatiers… Pour quels motifs créerait-on des exclusivités, sinon pour préserver des intérêts qui auront tôt fait d’user de leur position monopolistique pour augmenter drastiquement les prix de vente ?

Le fait est que depuis bientôt quatre mois j’ai cessé de goudronner mes poumons – et rappelons ici que le danger de la cigarette est dans le goudron, lequel est produit par une combustion, qui n’a pas lieu avec une cigarette électronique. J’ai cessé également d’ingérer du monoxyde de carbone, mais aussi de l’ammoniac ou de l’arsenic, de l’acétone ou de l’acide cyanhydrique – entre autres produits présents dans une cigarette traditionnelle, et absents de la cigarette électronique. 

Certes, je suis encore un drogué, je m’envoie chaque jour ma dose de nicotine. Mais d’une part la nicotine n’est réellement nocive que dans la mesure où elle vous rend dépendant d’un produit qui par ailleurs est extrêmement nocif – ce qui n’est donc pas le cas avec la cigarette électronique. D’autre part – et surtout – si j’ai commencé la cigarette électronique avec un dosage de nicotine à 18mg/ml, je suis passé en moins d’un mois à 12mg/ml, et suis désormais à 6mg/ml.

On ne s’étonnera alors pas que je refuse l’idée que l’on veuille entraver le développement de ce qui non seulement me change la vie – je ne tousse plus, je ne sens plus de la bouche, j’ai la peau délicate d’un jeune homme de ving ans (presque), je retrouve mes poumons et leur aptitude au sport, etc… – mais probablement la rallonge, pour sauvegarder les intérêts de quelques marchands constitués en lobbies.

Au contraire, je voudrais moi inciter chaque fumeur à partager mon expérience afin d’en finir avec la cigarette – et il sera toujours temps ensuite, éventuellement, de se désaccoutumer de la vapote.

Au contraire, je voudrais moi inciter les adolescents à refuser de tomber dans la cigarette et, si vraiment le besoin de succion est trop fort, de choisir la cigarette électronique – et puisqu’ils ne sont pas drogués encore, de préférer des parfums sans nicotine…

Je conseillerais donc vivement à notre ministre de la santé, Marisol Touraine, de réfléchir un peu plus loin que ce rapport convenu et d’envisager que ce qui est dangereux dans la cigarette n’est pas le fait que ça fasse de la fumée, n’est pas même que ça contienne de la nicotine, et comprendre en particulier que les mesures qui ont été prises en prévention du tabagisme passif ne sauraient l’être dans le cadre de la cigarette électronique.

Dès lors que la cigarette électronique est autorisée, il n’y a aucune raison d’en interdire l’usage dans les lieux publics. Cette histoire d’incitation passive – parce que c’est bien de ça dont il s’agit – est d’une profonde bêtise, en sus d’être une atteinte caractérisée aux libertés individuelles.