dedalus

Avr 172012
 

Reagan Thatcher Sarkozy Liberalisme libérauxEntendons-nous bien, nous ne sommes plus au XIXème siècle et les libéraux d’aujourd’hui n’ont plus rien à voir avec les libéraux d’antan. L’appellation « libéral » a été détournée et dévoyée, récupérée tant et si bien qu’il ne s’agit plus aujourd’hui d’une philosophie politique d’émancipation de l’individu vis à vis du pouvoir politique, mais de la simple revendication économique de s’affranchir des règles sociales vues comme des entraves. Il ne s’agit plus de reconnaître l’individualité du citoyen mais de favoriser l’individualisme de l’entrepreneur. Et la seule liberté que revendique le libéral aujourd’hui est celle de « faire de l’argent ».

Ceci étant posé, je rebondis sur le billet de Nicolas, lui-même ayant rebondit sur le billet d’un blogueur nommé Pierre qui se revendique libéral et explique qu’il ne votera pas cette fois pour Sarkozy qu’il juge finalement trop socialiste. Pauvre petit bonhomme !

A quoi aspire le libéral ? Quelle est son idéologie ? Que revendique-t-il ?

Le libéralisme est une idée simple, si simple qu’elle en est un simplisme : celui qui crée la richesse c’est celui qui entreprend et investit. L’important est de le laisser faire, c’est-à-dire de ne pas l’entraver en lui imposant un salaire minimum, de ne pas l’entraver en limitant sa capacité de licencier, de ne pas l’entraver en accordant des droits aux salariés, ne pas l’entraver en imposant ses bénéfices, ne pas l’entraver en lui réclamant de payer des charges… Ne pas l’entraver, ne pas le faire chier, le laisser libre de faire du fric.

Or charges sociales et impôts sont prélevés par l’Etat et les collectivités territoriales pour payer les retraites, financer la protection sociale, assurance maladie et assurance chômage, pour financer les services publiques tels que l’éducation, la justice, l’hôpital… En conséquence de quoi, afin donc de réduire les entraves qui pèsent sur les entrepreneurs, il est nécessaire d’en finir avec ces besoins de financement.

Moins de services publiques et moins de protection sociale, c’est moins d’impôts et de charges, donc plus de liberté pour les entrepreneurs, c’est-à-dire une capacité accrue à faire de l’argent.

Et pour vendre le modèle, les libéraux prétendent contre toute réalité que plus d’argent pour eux ce serait en fin de compte, à terme, plus d’argent pour tous. C’est la théorie des retombées et il est aisé de démontrer combien ces retombées promises relèvent du chimèrique. Un parfait miroir aux alouettes.

En attendant, sous prétexte donc que ça retomberait, Nicolas Sarkozy a bel et bien cassé le code du travail de manière à réduire les droits des salariés. C’est une réforme d’inspiration purement libérale.

Il a réduit les droits des chômeurs comme les droits des retraités. Deux réformes d’inspiration purement libérale.

Il a baissé les charges pour les entreprises, supprimé la taxe professionnelle, bridé la progression du salaire minimum, réduit les sur-rémunérations associées aux heures supplémentaires, facilité le licenciement… Autant de mesures d’inspiration purement libérale.

Il s’est attaqué violemment au système hospitalier, au système judiciaire, au système scolaire, au point de les rendre exangues, dans l’incapacité de fonctionner. Et l’on pourrait multiplier les exemples du libéralisme aussi forcené qu’idéologique de Nicolas Sarkozy – et plus généralement de la droite française.

Contentons-nous de nous arrêter un peu sur l’exemple de l’école. C’est un bon exemple pour décrire comment procède le libéralisme pour parvenir à ses fins. 

D’abord, casser.

Supprimons quinze à vingt mille postes par an dans l’éducation nationale. Supprimons en particulier les RASED (Réseaux d’Aides Spécialisées aux Elèves en Difficulté), et aussi réduisons les postes d’infirmières scolaires, les postes de psychologues scolaires et plus généralement tout le personnel qui bénéficie le plus aux élèves en difficulté. Prenons bien soin, dans le même ordre d’idée, de répartir les suppressions de postes de manière à ce qu’elle pèse davantage sur les établissements situés dans les zones les moins favorisées.

Tout ceci est précisément ce que la droite s’est appliquée à faire depuis dix ans, un processus de casse qu’en cinq ans Nicolas Sarkozy s’est appliqué à accélérer.

Au résultat, les difficultés s’accumulent, plus rien ne fonctionne, les élèves en difficultés se retrouvent abandonnés, les professeurs sont découragés, désormais quand un professeur est absent il est impossible de lui trouver un remplaçant – dans un établissement de mon quartier, au lycée Hélène Boucher, une classe de première n’a pas eu de professeur de français de toute l’année (les élèves passent le bac dans un mois)…

Les parents sont excédés. De plus en plus d’entre eux font le choix, quand ils en ont la possibilité, de se tourner vers les établissements privées. Lesquels sont eux-mêmes au bord de la rupture et réclament des moyens supplémentaires.

Que croyez-vous que serait l’étape suivante, si Sarkozy était réélu ?

Le constat serait fait de la médiocrité crasse d’un système d’enseignement public qui coûte cher et ne fonctionne plus. Conclusion serait tirée qu’il est devenu préférable de financer le développement de l’enseignement privé – moins cher puisque financé aussi par les familles, celles qui en ont les moyens…

Un système à deux vitesses serait créé, accélérant la dégradation d’un système public dépourvu de moyens et abandonné par ses meilleurs éléments, élèves et professeurs, qui choisiraient de rejoindre le privé. 

Le budget de l’Etat s’en retrouverait allégé d’autant. Les besoins en impôt en serait diminué. Ce qui était l’objectif de l’opération.

Et tant pis pour les familles qui se retrouveraient à devoir débourser des sommes considérables pour assurer la scolarité de leurs enfants. Tant pis pour les enfants dont les parents n’en auraient pas les moyens.

C’est précisément ce qui s’est produit, avec vingt ans d’avance, en Grande Bretagne sous l’impulsion de Thatcher et aux Etats-Unis sous celle de reagan. Les résultats furent si désastreux qu’ils en sont encore aujourd’hui à chercher comment reconstruire ce qui avait alors été cassé – mais il est bien plus aisé de casser que de reconstruire.

Thatcher et Reagan dont personne ne viendrait contester qu’ils étaient de purs libéraux et dont Sarkozy s’est montré à l’évidence un élève plus qu’appliqué.

 

Avr 112012
 

Ce matin, Nicolas Sarkozy était l’invité de France Info. Il en ressort deux choses.

Afin de défendre son bilan, Nicolas Sarkozy compare la situation de la France à celles de la Grèce et de l’Espagne. C’est dire si nous sommes tombés bas après dix ans de droite et cinq de Sarkozy. C’est dire combien Sarkozy a affaibli la France.

Quant à son projet, Nicolas Sarkozy a promis qu’il n’augmenterait pas les impôts : « Nous n’aurons pas besoin d’augmenter les impôts, nous avons déjà fait le nécessaire », a-t-il argumenté. Mais Nicolas Sarkozy avait promis en 2007 de ne pas augmenter les impôts.

Dit autrement, Nicolas Sarkozy promet en 2012 de ne pas augmenter les impôts, et pour justifier cette promesse il dit les avoir déjà augmentés, ce qu’il avait promis de ne pas faire en 2007.

Je crois que la messe est dite. 

 

Avr 102012
 

Nicolas Sarkozy avait promis de nettoyer les quartiers au Kärcher. On le reconnait bien là : non seulement c’était con et agressif, mais en plus il n’a rien fait, pas même cela, seulement laissé pourrir une situation qui ne l’intéresse qu’en ce qu’elle lui permet, à l’occasion, de jouer la carte de la stigmatisation.

Aujourd’hui, en campagne électorale, il se permet d’affirmer : « Je suis très impliqué dans la vie des quartiers, depuis longtemps. J’ai vu que M. Hollande y avait passé deux jours. Mais il n’y a pas une seule idée qui soit sortie de ces deux journées »

Impliqué dans la vie des quartiers ? Il n’y a pas mis les pieds depuis très longtemps, tant il sait qu’il y serait très mal reçu. Là comme ailleurs. Car je pense que vous avez remarqué comme moi que Nicolas Sarkozy évite désormais très soigneusement d’approcher un peuple dont il redoute les sifflets. Le seul peuple qu’il connait désormais, il a une carte de l’UMP. Passons.

Pas une seule idée qui soit sortie de ces deux journées ? Cette affirmation est là aussi très parlante, dit beaucoup de la manière dont cet homme politique conçoit l’action publique : 1- aller au contact de l’évènement, c’est-à-dire des caméras ; 2- improviser deux trois idées qui feront joli mais qu’on appliquera pas.

Le fait est que sur ses 32 pauvres petites propositions qu’il n’a daigné présenter aux Français que deux semaines avant l’élection, et dont bon nombres sont des annonces vaguement ressucées et qu’il n’avait jamais pris la peine de mettre en oeuvre, le fait est donc que rien dans ses malheureuses propositions ne concernent les quartiers. Rien. Pas même la moitié d’une et en cherchant bien.

Voyons ce que propose François Hollande et qu’il n’a pas improvisé au détour d’une visite dans ces quartiers difficiles, difficiles parce que délaissés par une République qui ne sait qu’en faire et qui a trop longtemps détourné les yeux. Donc, les propositions de François Hollande :

Emploi :

– créer 150.000 emplois d’avenir en priorité dans les quartiers populaires ;

– exonérations de charges sociales pour les entreprises embauchant un jeune de ces quartiers ;

– filiale de la Banque publique d’investissement « dédiée aux quartiers » pour développer l’entreprise dans les banlieues ;

– fin du zonage (zones urbaines sensibles, zones d’éducation prioritaire…) ;

– clause d’insertion professionnelle dans les contrats publics qui permette d’embaucher les jeunes de ces quartiers avant les autres.

 Logement :

– le second plan national de rénovation urbaine (PNRU) intégrera les copropriétés en difficulté et sera financé par la généralisation d’une taxe sur la cession des terrains à bâtir ;

– favoriser la mixité sociale : hausse de l’objectif de logement social dans la loi SRU de 20% à 25% et multiplication par cinq des sanctions pour les communes récalcitrantes ;

– mise à disposition des collectivités locales des terrains de l’Etat pour construire de nouveaux logements dans un délai de cinq ans.

 Discrimination:

– interdiction des contrôles au faciès avec action de sensibilisation et de formation auprès de la police ;

– bilan sur les recrutements dans les entreprises publiques, grandes entreprises privées et administrations.

 Education:

– priorité donnée aux 60.000 postes dans l’Education nationale pour les quartiers sensibles, permettant l’accueil dès le plus jeune âge et davantage d’enseignants RASED ;

– chaque lycée doit pouvoir envoyer 5 à 6% de ses élèves de terminale en classe préparatoire aux grandes écoles ;

– mise en réseau des parents isolés.

 Sécurité:

– rétablissement d’une police de proximité ;

– introduction de 12.000 postes pour les forces de gendarmes, de policiers et de personnels de justice.

 Décloisonnement:

– introduction d’une tarification solidaire pour les transports fondée sur le quotient familial de l’usager, comme cela se fait à Strasbourg ;

– lutte contre les déserts médicaux via l’introduction de pôles de santé de quartier (et toujours la mesure visant à ne pas éloigner un citoyen à plus de 30 minutes d’un accès aux urgences) ;

– stages obligatoires pour les jeunes médecins dans les quartiers où il y a des déserts médicaux.

 Culture:

– reconnaissance de la culture urbaine et aide à sa diffusion.

 Institutions:

– création d’un Ministère de l’égalité des territoires ;

– pacte républicain de cohésion territoriale avec les habitants, les associations et élus locaux.

On comprend alors que les habitants de ces quartiers réservent un tel accueil à François Hollande  :

http://www.youtube.com/watch?v=rT5z_OMaQhg

Et on se dit que Nicolas Sarkozy aurait pu au moins avoir la décence de se taire. Mais voilà, la décence ne fait pas partie de son vocabulaire. Quant à se taire, c’est là tout le problème : Nicolas Sarkozy s’imagine que parler c’est faire. 

Mar 292012
 

Ils sont mignons au Figaro. Ils ont mis en place un sondage en ligne avec une question toute simple : François Hollande va-t-il perdre la présidentielle ?
Et… Oh surprise ! le résultat est que OUI à 75%, ce dont on peut déduire que les lecteurs du Figaro sont de droite.
Au cas sûrement où quelqu’un en aurait douté.

Je me demande si mes lecteurs à moi – oui, vous êtes à moi ! – sont eux plus eclectiques.
Faisons l’expérience, et même multiplions-là – et pour ceux d’entre vous qui seraient très indécis, je vous livre quelques indices très pertinents en fin de billet :

François Hollande va-t-il perdre la présidentielle ?

  • Oui (24%, 54 Votes)
  • Non (76%, 167 Votes)

Nombre de votes exprimés : 221

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Nicolas Sarkozy va-t-il perdre la présidentielle ?

  • Non (15%, 30 Votes)
  • Oui (85%, 169 Votes)

Nombre de votes exprimés : 199

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Et puis, puisqu’il faut les bichonner en ce moment – ils sont un peu cran, semble-t-il. Faut dire que ce n’est pas facile tout à coup de comprendre, après avoir vu son chouchou réaliser l’exploit de devenir le troisième homme, que cela ne suffira pas, qu’il restera loin derrière, qu’il ne sera pas au second tour, lequel se jouera entre François Hollande et Nicolas Sarkozy, et qu’en plus ce n’est pas plus mal tant à l’évidence un duel Mélenchon Sarkozy tournerait à l’avantage du second et que c’est justement ce dont nous ne voulons plus. Bref, bichonnons :

Jean-Luc Mélenchon va-t-il perdre la présidentielle ?

  • Non (24%, 40 Votes)
  • Oui (76%, 130 Votes)

Nombre de votes exprimés : 170

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Indice : en prenant les derniers résultats des huit instituts de sondages qui sévissent en France, et en faisant la moyenne, nous avons une très nette cristallisation des intentions de vote qui se fait de la manière suivante :

  • au premier tour, Nicolas Sarkozy et François Hollande sont tous les deux à 28%, avec Nicolas Sarkozy très légèrement devant ; Marine Le Pen est à 15%, talonné par Jean-Luc Mélenchon à 14% ; et François Bayrou est dans les choux ;
  • au second tour, François Hollande l’emporte sur Nicolas Sarkozy avec 54% contre 46%, soit huit points d’avance ;
  • en un mois, l’ensemble de ces instituts a convergé vers ces valeurs, aucun ne s’en écartant de plus de 1 point – du moins pour ce qui concerne Hollande et Sarkozy – que ce soit au premier ou au second tour. Dit autrement, pour une cristallisation, c’est une sacré cristallisation !
Mar 262012
 

Il y aurait donc en France des Français musulmans d’apparence

Ce qu’il y a d’intéressant dans ce dérapage de Nicolas Sarkozy est ce qu’il révèle de la pensée profonde de l’homme et qui relève du racisme ordinaire. Et c’est ce même homme qui depuis cinq ans est président de la République française ! La France en a été souillée et il est désormais plus que temps que ça se termine.

Il ne s’agit pas que de cela, il s’agit également des cadeaux aux riches et de la pauvreté qui gagne du terrain, du million de chômeurs et des 700 milliards de dette publique supplémentaires, du système de protection sociale saccagé, du droit du travail massacré et d’une école publique dévastée…

Certes donc il ne s’agit pas que de cela, mais il s’agit aussi de cela, d’un homme qui n’a jamais eu l’étoffe d’un président, d’un homme qui préfère toujours stigmatiser plutôt que rassembler, d’un homme incapable de prendre de la hauteur et qui se comporte dans la République comme il le ferait dans une cour d’école, guère plus qu’un petit caïd qui ne saurait exister qu’en serrant ses petits poings. Qui est Nicolas Sarkozy ? Ce petit garçon rongé par ses complexes et qui roule des mécaniques pour compenser, et donne des coups de menton. Mâchoire serrée, il tente de dissimuler l’aigre noirceur de son âme. Vaine tentative, ça ne cesse de suinter. Et ce racisme ordinaire n’aura finalement été de ce suintement que l’ultime pustule.

Oui, il est temps que ça se termine.

Mar 242012
 

Mohamed Merah est mort et, de l’assaut final, c’est finalement la seule chose que nous pouvons tenir pour certaine.

On ne saura probablement jamais avec certitude les circonstances de cet assaut qui ont conduit à la mort d’un terroriste qu’il aurait fallu pouvoir prendre vivant afin qu’il puisse être déféré à la justice et condamné. Nous commençons à en avoir l’expérience, dans ce genre d’affaires militarisées où les journalistes sont tenus à distance, ce qui nous parvient ce ne sont pas les faits mais seulement ce que les autorités consentent à nous en dire et qui relève d’abord de la communication.

Peu importe, ce n’est pas d’abord la mort de Mohamed Merah qui doit nous préoccuper, mais celle de ses victimes. Ce qui importe est de comprendre comment cela a pu se produire et comprendre ce qu’il est possible de faire afin que cela ne puisse jamais se reproduire – ou du moins de pouvoir se rapprocher autant que faire se peut de ce jamais.

Nicolas Sarkozy a tort de dire qu’il ne faut pas chercher à comprendre ou à expliquer, que ce serait une « faute morale impardonnable ». C’est tout le contraire, la faute morale serait de ne pas regarder la vérité en face et ne pas essayer de la comprendre afin d’en tirer toutes les conséquences politiques utiles – en matière d’antiterrorisme, et pas seulement.

Mais il est vrai que s’interroger sur ce qu’il faudrait faire c’est s’interroger sur ce qui n’a pas été fait, c’est analyser les raisons d’un échec. Or on le sait bien, Nicolas Sarkozy a toujours beaucoup de mal à affronter la réalité de ses échecs. Il préfère ne pas réfléchir, ne pas expliquer, ne pas comprendre et se contenter de prendre sa grosse voix pour annoncer les décisions qu’il a prises, sans réfléchir, sans prendre le temps du recul, juste comme ça, à chaud, à la faveur de l’émotion et peu importe que cela puisse ou non avoir la moindre efficacité, seul compte pour lui le profit politique qu’il peut tirer d’un drame.

Pourtant, une instruction judiciaire et un procès auraient sans doute permis de comprendre un peu comment un jeune Français né en France peut en arriver à commettre de telles atrocités. Quel chemin a dû parcourir l’enfant, l’adolescent puis le jeune homme pour, à vingt-trois ans seulement, devenir cet assassin enragé ? Qu’y a-t-il qui ne tourne pas rond dans la société française qui permette que soit engendré un tel monstre ?

C’est évidemment la première question qu’il est impératif de se poser.

Il ne s’agit en aucun cas d’excuser, ni un homme ni son acte. Il s’agit de ne pas se voiler la face : c’est bel et bien un enfant de France qui a grandi et est devenu ce terroriste abjecte, qui a tué sauvagement d’autres enfants de France au nom d’une vision dévoyée et perverse de l’Islam. Qu’est-ce qui fait qu’un jeune homme bascule ainsi dans la haine et le fanatisme ? Qu’est-ce qui, dans la société française, permet que cet homme qui est né et a grandi en France puisse à un moment de sa construction individuelle devenir perméable à l’endoctrinement d’une idéologie abjecte et morbide qui le conduise au terrorisme ?

Je ne vais pas m’étendre sur les hypothèses qu’on peut formuler, mais nul n’ignore que ce sont les fragilités d’un individu qui permettent son endoctrinement. Et nul n’ignore non plus quelles sont les failles béantes qui s’ouvrent dans les jeunes français des quartiers défavorisés, ces quartiers où précisément l’on endoctrine. Je vais simplement me contenter de dire qu’il y a là sans doute quelque chose qu’il faut relier au fait que Mohamed Merah n’a cessé toute la semaine d’être présenté dans les médias, non comme le Français qu’il était, mais comme un Français d’origine algérienne.

Que dirait-on si l’on présentait Nicolas Sarkozy comme le président français d’origine hongroise ? 

Beaucoup est dit là, dans la mention d’une origine qui apparaît comme indissociable de la nationalité d’un homme,  des maux d’une société incapable encore de ne pas distinguer parmi les Français certains qui le serait un peu moins, ou du moins qui serait Français mais pas seulement, donc pas tout à fait. Voilà sans doute la faille originelle qui permet aux semeurs de haine de s’engouffrer. Voilà le fil qu’il s’agit de tirer si l’on veut comprendre, si l’on veut sincèrement éviter que l’atrocité se reproduise encore, et encore.

Les deux autres questions à se poser sont d’un tout autre ordre, mais y répondre n’est pas moins crucial si l’on veut éviter d’autres tragédies terroristes.

Comment est-il possible qu’une personne puisse en France se constituer un tel arsenal, armes de guerre, munitions et explosifs ? Il y a là, de toute évidence, une faillite du dispositif français de lutte contre le trafic d’armes, donc contre les trafiquants.

Il est plus que surprenant que le président de la République, au moment de tirer les conclusions d’une tragédie, n’évoque pas le sujet et se contente de faire trois propositions visant simplement à pénaliser l’endoctrinement – en dépit d’ailleurs du fait que cela existe déjà. Mais voilà, l’évoquer serait rappeler que cela fait désormais dix ans que Nicolas Sarkozy, comme ministre de l’Intérieur puis comme président de la République, est en charge de cette question, se serait démontrer la faillite d’une politique sécuritaire qui s’est en réalité davantage attachée à améliorer des statistiques qu’à lutter contre les véritables sources des violences – et le trafic d’armes n’en est pas la moindre.

Et puis, parce que se procurer illégalement des armes coûte particulièrement cher – et Mohamed Merah était au RSA ! -, il est également indispensable de se poser la question de l’argent sale et des filières de blanchiment. Et là encore, on touche à l’échec de Nicolas Sarkozy qui depuis dix ans n’a pas pris une mesure réellement ambitieuse.

Nicolas Sarkozy a toujours préférer s’en prendre aux consommateurs des trafics en tout genre, plutôt qu’aux producteurs, c’est-à-dire directement aux trafiquant eux-mêmes : les trafiquants d’armes, les blanchisseurs d’argent sale, les trafiquants de drogue, les réseaux de passeurs clandestins, les réseaux de prostitution… Mais il est tellement plus facile de s’en prendre à la petite délinquance, aux sans-papiers, aux prostituées, que s’attaquer résolument aux mafias qui les alimentent et/ou les exploitent.

Il est tellement plus facile de réagir sans réfléchir et par le seul discours, que de réfléchir avant d’agir, se poser les vraies questions avant de prendre les bonnes décisions. Il est tellement plus facile de paraître un homme fort et ferme que de l’être vraiment.

Je suis convaincu que les Français ont désormais compris que les paroles de Nicolas Sarkozy les endorment plus qu’elles ne les protègent.

Mar 232012
 

Selon vous, la politique menée par Nicolas Sarkozy est pour notre société génératrice :

  • d'apaisement et d'unité (4%, 3 Votes)
  • ni l'un ni l'autre (6%, 4 Votes)
  • de tensions et de violence (90%, 63 Votes)

Nombre de votes exprimés : 70

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Selon vous, lequel de ces candidats à l'élection présidentielle est le plus porteur de l'idée de rassemblement des Français et du vivre ensemble dans la République ?

  • Nicolas Sarkozy (3%, 2 Votes)
  • Marine Le Pen (7%, 5 Votes)
  • François Bayrou (12%, 8 Votes)
  • Jean-Luc Mélenchon (25%, 17 Votes)
  • François Hollande (54%, 37 Votes)

Nombre de votes exprimés : 69

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Mar 222012
 

Terroriser les terroristesCe matin, j’écrivais qu’il était impératif de lutter avec la plus extrême vigueur contre la menace terroriste, en fournissant aux services de renseignements, aux services de police et à la justice tous les moyens républicains nécessaires – républicains, c’est-à-dire préservant les libertés publiques et garantissant à chacun ses droits, parce que la République ne saurait se protéger en se reniant.

Cet après-midi, après l’assaut donné par le RAID et la mort du terroriste psychopathe, Mohamed Merah – opération au cours de laquelle visiblement quelque chose s’est mal passé – Nicolas Sarkozy a débuté son allocation en président de la République – une nouvelle fois un discours digne et républicain, rassembleur – avant de le finir en candidat, pressé de récupérer à son profit une tragédie et faire un coup politique.

Adepte depuis toujours des effets d’annonce, c’est donc au coeur du fait divers et de l’émotion, sans prendre le temps du recul, de la reflexion et de la consultation, qu’il sort de son chapeau des annonces. Trois en la circonstance :

Désormais, toute personne qui consultera de manière habituelle des sites internet qui font l’apologie du terrorisme ou qui appellent à la haine et à la violence sera punie pénalement.

Toute personne se rendant à l’étranger pour y suivre des travaux d’endoctrinement à des idéologies conduisant au terrorisme sera punie pénalement.

La propagation et l’apologie d’idéologies extrémistes seront réprimées par un délit figurant dans le code pénal avec les moyens qui sont déjà ceux de la lutte antiterroriste.

Sur la forme, on notera avec intérêt que pour Nicolas Sarkozy parler c’est agir. Après cinq années de présidence, il ne semble toujours pas avoir compris qu’il existe en France quelque chose qui s’appelle le pouvoir législatif, plus communément appelé le parlement, où les élus du peuple sont seuls en capacité de voter les lois, donc de modifier le code pénal – et avant cela d’en débattre.

Mais Assemblée Nationale et Sénat sont certainement là de ces corps intermédiaires qui n’ont, pour Nicolas Sarkozy, d’autre fonction que de l’empêcher de réformer la France. Ce serait tellement plus pratique si l’on pouvait s’en passer, n’est-ce pas ? Certes, la France serait un peu moins une démocratie et un peu plus une dictature éclairée, mais puisque ce serait lui, Nicolas Sarkozy, notre phare et notre guide, la voix autoproclamée du peuple, tout serait pour le mieux. N’est-ce pas ?

C’est incroyable qu’en cinq ans, personne n’ait encore réussi à lui expliquer qu’il avait été élu pour présider la République, pas pour être le chef. Lui dire une bonne fois pour toute, qu’en droit français – n’en déplaise à nos complaisants journalistes – le chef de l’Etat, ça n’existe pas. Et pour cause !

D’ailleurs, Nicolas Sarkozy devrait s’être aperçu que nombre de ses annonces ne se traduisirent jamais dans les faits. Soit parce qu’elles ne donnèrent lieu à aucune loi votées par le parlement. Soit parce que la loi fut censurée par le Conseil Constitutionnel. Soit parce que les décrets d’applications de la loi votée par le parlement et ayant franchi l’obstacle du Conseil Constitutionnel – encore un corps intermédiaire ! – ne furent jamais pris par le gouvernement.

Sur le fond, de toute évidence aucune de ces trois propositions – parce qu’à ce stade donc elles ne sauraient être que cela, n’en déplaise à Nicolas Sarkozy – n’a la moindre chance de répondre de manière républicaines à la menace terroriste.

« Toute personne qui consultera de manière habituelle des sites internet qui font l’apologie du terrorisme ou qui appellent à la haine et à la violence sera punie pénalement. » Lire deviendrait donc un délit pénal ? J’ai un exemplaire chez moi de Mein Kampf, je devrais m’inquiéter ? Ha, toute la subtilité serait dans le de manière habituelle ? C’est n’importe quoi, cette proposition n’a aucune chance de voir jamais le jour et c’est tant mieux.

Evidemment, je juge particulièrement malsain qu’un homme fréquente régulièrement de tels sites, mais une République digne de ce nom pose comme principe intangible la liberté de conscience – aussi mauvaise soit cette conscience. Mais le monde regorge de lectures malsaines – pour peu en tout cas que cette lecture soit faite au premier degré, sans recul. Mais voilà, lire ne fait de personne un criminel ou un terroriste.

Encore une fois, faute de se donner les moyens pour traquer les producteurs, Sarkozy propose de s’en prendre aux consommateurs. Plutôt que de traquer les gros trafiquants de drogue, et de démanteler les filières de blanchiment, s’en prendre au petit dealer et aux consommateurs. Plutôt que de démanteler les réseaux de prostitution, s’en prendre aux clients – et aux prostitués elles-même.Plutôt que démanteler les filières de l’immigration, traquer les immigrés.  Plutôt que de s’attaquer aux marchands d’armes et aux hébergeurs de sites faisant l’apologie du terrorisme, cibler toute personne qui les consultera habituellement…. Dormez, braves gens !

« Toute personne se rendant à l’étranger pour y suivre des travaux d’endoctrinement à des idéologies conduisant au terrorisme sera punie pénalement. » C’est quoi une idéologie conduisant au terrorisme ?

Surtout, là encore, quelle naïveté ! Ou plutôt, quelle hypocrisie ! La tentative d’enfumage est si grossière que s’en serait presque risible – si le sujet n’était si sérieux. Car cette proposition est faite alors même qu’on apprend que la DCRI a entendu Mohamed Merah il y a quelques mois à peine, afin d’obtenir des explications sur son voyage à Kandahar, dans le sud de l’Afghanistan, région à forte activité insurrectionnelle, mais aussi en Israël, en Syrie, en Irak et en Jordanie, ce dernier est reparti après avoir convaincu les agents du reseignements français qui l’avaient interrogé que les motifs de ses voyages étaient purement touristique.

On ne peut mieux expliquer en quoi cette mesure serait tout aussi inefficace, sinon fantaisiste, que la première.

« La propagation et l’apologie d’idéologies extrémistes seront réprimées par un délit figurant dans le code pénal avec les moyens qui sont déjà ceux de la lutte antiterroriste. » Là encore, c’est quoi une idéologie extrémiste ? Cette imprécision constante dans l’énoncé des propositions de Nicolas Sarkozy est tout de même gênant… Mais c’est précisément parce que c’est l’effet de l’annonce qui est recherché, pas sa concrétisation et encore moins son efficacité – autre qu’électorale, bien entendu.

Mais s’il s’agit de l’apologie et l’incitation à la haine raciale ou religieuse, ou au terrorisme, ce sont là déjà des délits punis pas la loi.

Bref, comme à son habitude, Nicolas Sarkozy parle haut et fort, mais ce ne sont là que forfanteries et rodomontades qui n’auront jamais la moindre efficacité. Gageons que bientôt il se targuera de vouloir « terroriser les terroristes ».

Mar 222012
 

Le président de la République a hier après-midi prononcé un très grand discours d’hommage aux soldats français assassinés à Montauban et à Toulouse. Un discours résolument républicain.

« C’est l’armée de la République où les soldats quel que soit leur origine, la couleur de leur peau, leur origine, sont prêts à mourir pour la France », a-t-il rappelé avec force. Quelle que soit leur confession, aurait-il sans doute dû préciser également – mais on ne va pas lui tenir grief de ce petit oubli, l’esprit y était.

« Si des communautés ont été prises pour cibles, ce sont des soldats, des enfants, des Français qui ont été assassinés. Ces soldats étaient nos soldats, ces enfants sont nos enfants », a-t-il également souligné, avant de conclure de la manière la plus digne et la plus républicaine qui soit : 

Face à la froide sauvagerie d’un homme […], la France rassemblée a donné ces derniers jours une magnifique image de dignité. Cet homme, ce tueur, n’est pas parvenu à fracturer notre communauté nationale. La France a été plus forte que celui qui semait la mort et la douleur sur son passage, car au milieu de cette tragédie, devant ces images, qui nous révulsent, les Français ont pour eux leur dignité et leur conscience. Aujourd’hui, cette dignité et cette conscience sont collectives. Je l’ai dit ce matin en m’adressant à la Nation, nous devons rester rassemblés, nous ne devons en aucun cas céder à l’amalgame. […]. Nous le devons à la mémoire des hommes dont je viens de citer le nom, nous le devons à trois enfants assassinés, nous le devons à toutes les victimes, nous le devons à notre pays. Vive la République et vive la France.

 Oui, un grand discours digne d’un président de la République et de sa mission de rassembleur, de garant de la cohésion nationale. Nous en avions perdu presque l’habitude.

Surtout, nous ne saurions plus être dupes. Nous savons de quels amalgames il était là question et nous n’oublions pas que Nicolas Sarkozy ne s’embarrasse jamais de dire une chose et de faire son contraire. Nous n’oublions pas qu’il est l’homme de tous les amalgames et de tous les cynismes, celui qui est entré en campagne avec cette arme-là en bandoulière, en usant sans compter pour braconner sur les terres de l’extrême droite et dissimuler la somme de ses échecs tant sur le plan économique que sur le plan social, tant sur la question du pouvoir d’achat que sur celui de la sécurité, tant sur le chômage – qui a explosé –  que sur l’école de la République – qui se retrouve en miettes.

« Nous ne devons en aucun cas céder à l’amalgame », disait-il hier. Mais ce matin, dans le Figaro, Jean-François Copé s’empresse – après d’autres – de perdre toute retenue et toute dignité pour se vautrer au cœur même de l’amalgame le plus détestable. Dès le début de l’entretien le secrétaire général de l’UMP, après avoir souligné que « ce drame renforce notre totale détermination à continuer à lutter par tous les moyens contre la menace terroriste », attaque la gauche et lui reproche d’avoir « si souvent nié la dangerosité [de] toutes les formes de fondamentalisme et d’intégrisme ». Ha bon ? aurait pu se contenter de répondre le journaliste qui conduisait l’entretien. Mais comme nous sommes dans le Figaro, celui-ci entre complaisamment dans le jeu avec une question dont on admirera l’objectivité : 

« Nient-ils ce danger par naïveté ou par électoralisme ? » demande le « journaliste » – on croit rêver !

« Tout le monde reconnaît aujourd’hui que le fondamentalisme est un danger pour la République. Pourquoi le PS et les Verts, jusqu’à récemment, nous ont-ils si souvent reproché de mener le combat contre ceux qui instrumentalisent la religion pour justifier des actes injustifiables ? » répond Copé, interrogeant donc à son tour.

Outre que l’on aimerait savoir un peu plus précisément d’une part ce qu’il entend par fondamentalisme, et d’autre part à quel danger pour la République il fait référence, on se demande surtout à quel moment et de quelle manière le PS et les Verts auraient fait ce reproche. Plus encore, où exactement et comment s’est déroulé ce combat ? De quels actes injustifiables parle-t-on. La réponse ne tarde pas à venir : « Ils ont refusé de voter notre loi d’interdiction de la burqa » et « ils ont stigmatisé le débat [sur l’identité nationale] ».

Ou comment en quelques phrase glisser du terrorisme au fondamentalisme, puis  à l’identité nationale, et donc au voile islamique. Amalgame, disait-il ? A ce compte-là, on pourrait aussi bien glisser du terrorisme au rite d’abattage halal.

Car enfin, si on peut en effet discuter de la compatibilité du port de la burqa avec les valeurs républicaines, et en particulier avec celles de laïcité – mais pas seulement, la condition de la femme en est une autre -, arguer même que la burqa mettrait en danger la République en faisant reculer la laïcité – mais il ne faudrait alors pas là oublier qu’on parle de quelques centaines de cas et qu’il faudrait hésiter entre réalité du danger et son fantasme -, il est pour le moins détestable de vouloir à toute force nouer un lien qui unirait très étroitement ce fondamentalisme ou cet intégrisme religieux avec le terrorisme, se réclamât-il lui-même également – et abusivement – de l’Islam. 

Et en tout état de cause, on ne voit pas bien en quoi mener un débat sur l’identité nationale, qui a lui-même généré à flot les amalgames les plus délétères et dont les musulmans furent la principale cible, et faire voter une loi d’interdiction du port de la burqa qui ne concerne qu’une poignée d’individus, constituerait un combat contre la menace terroriste.

Amalgame, disait-il !

Ce soir, Nicolas Sarkozy tient un meeting électoral à Strasbourg. Gageons qu’après le discours du candidat il ne restera plus rien du discours rassembleur et républicain du président de la République.

Il est impératif de lutter avec la plus extrême vigueur contre la menace terroriste, en fournissant aux services de renseignements, aux services de police et à la justice tous les moyens républicains nécessaires – républicains c’est-à-dire garantissant les libertés publiques et à chacun ses droits, parce que la République ne saurait se sauver en se reniant -, en réprimant avec la plus extrême sévérité les discours appelant à la haine et/ou à la violence et en faisant un peu plus que dire que tous les enfants de France sont les enfants de la République, c’est-à-dire en faisant en sorte qu’aucun ne puisse s’en sentir exclu en raison de son origine et/ou de sa religion.

Dit autrement, à moyen terme, la meilleure arme de défense de la République c’est l’intégration républicaine. C’est donc d’abord l’école de la République, qui a pour vocation de tire vers le haut chacun de ses enfants, plutôt que de les abandonner faute de moyens. Car c’est des enfants abandonnés que le terrorisme nourrit sa folie et fabrique ses monstres.

La droite évoque avec constance l’angélisme de la gauche sur les questions de sécurité. Mais il n’y a aucun angélisme a chercher à comprendre et à expliquer afin de mettre en place des solutions préventives qui seront efficaces. Et il y a, à l’inverse, beaucoup de simplisme à prétendre qu’il suffirait de faire sa grosse voix et montrer ses muscles, qu’il suffirait de réprimer – et dire cela n’est pas dire qu’il ne faudrait pas réprimer, c’est dire que cela ne suffira pas. Penser n’est que très rarement une mauvaise idée.

Je n’ai aucune complaisance pour Mohamed Merah, ce qui lui arrivera m’est désormais absolument indifférent, si ce n’est qu’il faut à la République faire justice (*). En revanche, ce qui lui est arrivé pour qu’il devienne ce qu’il est aujourd’hui importe beaucoup. Comprendre son cheminement est même essentiel si l’on veut autant que faire se peut éviter que cela n’arrive à un autre, c’est-à-dire que l’horreur ne nous arrive encore et nous meurtrisse.

L’échec de la droite, l’échec de Nicolas Sarkozy et de sa politique sécuritaire est là également, dans cette facilité démagogique qu’il y a à se contenter d’amalgames et de simplismes.

 

(*) A l’instant même où je publie ce billet, on apprend l’assaut final du RAID et la mort de Mohamed Merah. Justice ne sera donc pas rendue. C’est regrettable.

Mar 202012
 

Sarkozy anxiogèneAu coeur de la tragédie, la dignité est de mise. Et chacun a raison de se garder de toute récupération politique. Cependant, la dignité, le respect dû aux morts et à la douleur des familles n’imposent pas le silence. Bien au contraire, il est essentiel de dire. Dire posément, avec mesure et retenue, mais dire.

Il ne s’agit pas de récupérer politiquement un évènement qui ne le serait en aucune manière, il s’agit de reconnaître en lui sa dimension politique et ce que celle-ci nous dit de l’état de la cité dans laquelle nous vivons, de son organisation. Il ne s’agit pas d’être politicien mais d’accepter d’être politique, de parler politique, c’est-à-dire des choix que nous avons à faire en commun et qui concernent chacun d’entre nous.

Qu’est-ce que le sarkozysme ?

L’affrontement politique entre la droite et la gauche n’est pas nouveau. Il est et a toujours été, depuis que le débat démocratique existe, le reflet de deux conceptions divergentes de l’organisation économique et sociale de la cité. Ce qui est nouveau, et qui dépasse assez largement l’affrontement traditionnel entre la droite et la gauche, c’est le sarkozysme, une conception de la politique et de l’exercice du pouvoir qui repose sur la mise en tension systématique de tous les liens sociétaux, quand toute parole prononcée a pour vocation à faire naître ou entretenir une situation conflictuelle, entretenir une situation sinon de peur, du moins de suspicion généralisée à l’égard de l’autre. Susciter l’angoisse et, simultanément, dessiner de soi et en creux le portrait de l’homme fort qui saura protéger.

Le sarkozysme est un anxiogène qui se propose comme anxiolytique. 

Mais voyez plutôt comme Nicolas Sarkozy s’est adressé cet après-midi même aux enfants après qu’il avait observé en leur compagnie une minute de silence à la mémoire des trois enfants et du professeur tués hier à Toulouse, parce qu’ils étaient juifs – et observez d’abord comme il réclame le micro après que la directrice avait remercié tout le monde :

Ça s’est passé à Toulouse, dans une école confessionnelle, avec des enfants de famille juive, mais ça aurait pu se passer ici. Il y aurait pu avoir le même assassin. Ces enfants sont exactement comme vous. La victime n’y est pour rien. Et c’est très important de penser à ces enfants, à leurs familles. Et c’est très important de réfléchir au monde tel qu’il est, tous ensemble, dans l’école de la République. Voilà.. Ces enfants avaient 3 ans 6 ans et 8 ans. Et l’assassin s’est acharné sur une petite fille. Il faut réfléchir à ça.

Il ne pouvait seulement s’agir pour lui de se recueillir, de penser aux victimes et à leurs proches, il fallait générer un sentiment d’insécurité – et tant pis si pour atteindre les parents-électeurs, il fallait en passer d’abord par leurs enfants. Faire peur, susciter l’angoisse, et puis se poser en protecteur.

Et au passage, comment ne pas noter dans la psychologie de cet homme une incapacité à la solidarité, comme s’il n’était pas possible de penser aux victimes pour ce qu’elles ont vécu et qui est leur tragédie autrement qu’en imaginant que celle-ci aurait pu nous arriver, à nous plutôt qu’à elles. Voilà un homme qui se rendant à un enterrement pleure à chaudes larmes parce qu’il prend conscience que lui aussi va mourir. C’est pathétique.

Faire peur, susciter l’angoisse, et puis se poser en protecteur. Faire peur, diviser, opposer, stigmatiser. Jouer avec le feu xénophobe. Feindre d’ignorer que les sentiments racistes et antisémites sont en France, certes minoritaires, mais encore bien vivaces. Et puis en tirer profit.

Et il faudrait se taire, ne pas dire combien ce jeu est dangereux ? Se taire, c’est pourtant le début d’une complicité.

Peut-on au moins s’interroger ?

Pourra-t-on à l’occasion de cette campagne électorale, sans se faire taxer de procéder à la récupération politique d’une tragédie, dire que le choix auxquels les Français ont à faire face est aussi celui qui se situe entre une politique de la tension et une politique de l’apaisement ? Entre un candidat qui joue la stigmatisation et un candidat qui mise sur le rassemblement ? Entre un homme qui est dans l’outrance et un homme qui est dans la mesure et la pondération ?

Pourra-t-on à la fin rappeler que c’est en semant le vent qu’on récolte la tempête ?! Car le sarkozysme, ça n’est finalement que cela, une machine à entretenir les vents mauvais. Une machine particulièrement dangereuse et qu’il est plus que temps de mettre au rebut. Avant que pire ne survienne.

 

 

Mar 172012
 

Hier soir, Nicolas Sarkozy était l’invité du Grand Journal de Canal +. Je ne vais pas revenir sur l’impression de connivence qui nous a saisi tout au long d’une émission qui il fut un temps se voulait impertinente, sinon subversive. Cela est très bien raconté dans cet excellent article paru sur le Plus, du Nouvel Observateur.

Je veux seulement revenir sur un moment précis de l’émission de ce vendredi 16 mars. Et d’abord sur le début de l’interview de Jean-Michel Aphatie. Après avoir rappelé à Nicolas Sarkozy sa déclaration de la semaine passé, introduisant sa proposition de taxe sur les grandes entreprises – « J’ai découvert que ces grands groupes ne paient pas du tout d’impôt sur les bénéfices » -, Aphatie interroge : « J’ai découvert ! Mais nous ça faisait longtemps qu’on savait. Il aurait fallu nous le demander, on vous l’aurait dit. »

Dans un premier temps le visage de Sarkozy se ferme, il semble vaciller sous la rudesse du coup. Et puis vient la réponse :

Bon… Pourquoi… Vous… Vous pensez qu’il faut que je fasse semblant d’être omniscient. Oui j’ai découvert que la moitié des entreprises du CAC 40 se débrouillaient pour pas payer d’impôt sur les bénéfices. Mais est-ce que vous croyez que je sais tout ? Est-ce que vous pensez vraiment… Est-ce que vous voyez dans une émission le nombre de dossiers sur lequel on m’interroge, le nombre de chiffres que je dois avoir en tête ? Je ne m’en plains pas, je ne dis pas ça. Oui, je l’ai découvert. C’est une réalité.

Ce n’est tout de même pas comme s’il avait révélé qu’il ignorait le prix du ticket de métro ! Ou même qu’il se soit trompé sur le taux moyen d’imposition sur les bénéfices des grandes entreprises françaises.

Cet homme, qui est président de la République depuis cinq ans, qui avant cela a été ministre du Budget, puis ministre de l’Economie et des Finances, qui est un ami proche de nombre de grands patrons de ces mêmes grandes entreprises, vient prétendre qu’il a découvert il y a trois jours qu’elles se débrouillaient pour échapper à l’impôt. Si ce n’était de toute évidence un mensonge, ce serait l’aveu d’une incompétence crasse.

La réalité – c’est-à-dire pas celle que s’invente complaisamment le candidat à sa propre succession – est que :

  • l’impunité fiscale des grands groupes français est connue de longue date, faisant l’objet de multiples rapports officiels du Conseil des Prélèvements Obligatoires (CPO), de la Cour des Comptes, du Trésor et même de la Commission des Finances de l’Assemblée Nationale (UMP), tous transmis au président de la République, Nicolas Sarkozy ;
  • les privilèges fiscaux des grands groupes français sont le fruit d’une politique de dérogation fiscale activement défendue par l’UMP depuis 10 ans, au cours desquels Nicolas Sarkozy a été successivement ministre du Budget, ministre de l’Economie et des Finances, et président de la République ;
  • la réforme de l’impôt sur les sociétés, déjà promise par le candidat Sarkozy en 2007, aura été repoussée par ce dernier tout au long de son mandat ;
  • la proposition que Nicolas Sarkozy a formulée, suite à sa « découverte », laissera inchangé le système en place et ne compensera que marginalement la somme des dérogations accordées aux grands groupes, donc leur impunité fiscale.

(source : Les Echos)

C’est ainsi un double mensonge que fait Nicolas Sarkozy. Non seulement il n’a rien découvert, bien au contraire il savait très précisément ce qu’il en était de l’impunité fiscale des entreprises du CAC 40, il est même celui qui l’a rendu possible. Mais en plus, la proposition qu’il fait là très opportunément, à l’occasion de cette campagne, ne changera rien à cette situation d’injustice fiscale qui favorisant les grandes, pénalisent les petites et moyennes entreprises qui non seulement n’ont pas accès à ce système dérogatoire mis en place par l’UMP, mais ont vu leur taux d’imposition majoré de 20% – selon les dires mêmes du rapporteur UMP de la Commission des Finances de l’Assemblée Nationale, Gilles Carrez.

On se prend alors à rêver que Nicolas Sarkozy, le candidat, fasse désormais bien d’autre découvertes à propos de Nicolas Sarkozy, le président. Aussi je propose à mes petits camarades de jeu de l’y aider – sur Twitter, on utiliserait par exemple le hashtag  : #Sarkodecouvresonbilan