Jean-Luc Mélenchon, un socialiste en colère
Grace aux bons office de Jacques Rosselin, homme de presse, patron de Vendredi.info et coach de blogueurs, Laure, Ronald, RichardTrois, David Doucet, Seb Musset, Vogelsong - et j'en oublie ! - et moi-même avons rencontré Jean-Luc Mélenchon.
Alors d'abord, un grand merci à Jacques Rosselin de nous avoir accueillis - surtout que moi-même je n'étais pas tout à fait invité... Ce fut une rencontre tout à fait intéressante. Bien davantage que, juste avant, le passage en coup de vent de Jean-François Kahn, avec lequel nous devions évoquer le No Sarkozy Day. Passage dont je retiens seulement que JFK, qui avait lui-même lancé il y a quelques jours un appel pour un grand rassemblement contre l'excès de pouvoir, adopte sur le sujet une position apparemment intéressée mais finalement très attentiste.
Revenons plutôt à Jean-Luc Mélenchon.
Il serait bien trop long de faire un compte-rendu exhaustif de tout ce qui a été dit au cours d'un entretien qui manqua de quelques minutes d'atteindre les deux heures et demi. Beaucoup de sujets furent abordés, je n'en retiendrai que quelques-uns - et comme je n'ai pris aucune note, je prends soin de dégager la responsabilité de Jean-Luc Mélenchon quant aux propos que je vais rapporter, qui relèveront probablement davantage de la compréhension que j'en ai eue, mais peut-être ne suis pas tout à fait idiot, que d'une retranscription parfaitement objective.
Une charge puissante contre le rouleau compresseur médiatique - Il n'est pas nouveau que pour espérer exister sur la scène politique, le chef d'un petit parti doive se plaindre des médias. Jean-Marie Lepen ou François Bayrou pour ne citer qu'eux surent tirer sur cette ficelle jusqu'à l'user.
La différence essentielle est que la charge de Jean-Luc Mélenchon ne repose pas sur une pleurnicherie - « Ouinnn ! Vous ne m'invitez jamais à la télé ! - mais sur une analyse solide d'un système médiatique à la fois servile et asservi. Servilité au pouvoir politique et financier des patrons de presse et des journalistes "institutionnels", d'un côté, et asservissement de journalistes trop peu nombreux, surchargés de travail et mal payés. .
Et Jean-Luc Mélenchon dé décrire un système médatique qui organise sa propre reproduction par la sacralisation d'une pensée vraie, qui implique, par exemple, l'impossibilité de remettre en cause la notion de marché - alors même que personne ne prendra jamais soin de définir précisément ce qu'économie "de marché" signifie : ce serait seulement une réalité immuable sauf dans l'esprit d'un fou ou d'un dangereux irresponsable.
Aussi juge-t-il tout à fait pertinente sur le fond et efficace sur la forme, la "rébellion" de Vincent Peillon contre France Télévision.
Parti Socialiste et stratégie politique - J'ai demandé à Jean-Luc Mélenchon si la stratégie politique qui est la sienne et qui constitue à se faire une place au soleil de la gauche en chargeant le PS de tous les maux et de tous les reniements, n'avait pas certaines limites, compte tenu du germe destructeur de la division qu'elle implique de semer et alors même qu'il assume par ailleurs pleinement la nécessité d'un rassemblement entre les deux tours. .
J'ai à ce sujet évoqué la trajectoire politique d'un Jean-Pierre Chevènement, qu'il s'était toujours refusé à suivre au temps de sa splendeur, trajectoire qu'il emprunte seulement maintenant que le champ politique du républicain de gauche se trouve vacant.
Il n'a pas aimé la question et l'animal politique expérimenté a aussitôt réagi avec force agressivité, ce qui était d'autant plus de bonne guerre qu'il ne s'est pas contenté d'en rester là, à me renvoyer l'image du vil social-démocrate mal comprenant et limite social-traître. Ce qui était assez savoureux, il faut bien le dire. Mais peu importe. Il n'en est donc pas resté à montrer les dents.
Sa réponse, à mon sens, est celle d'un homme en colère - et il est vital pour un homme de gauche de savoir garder vivace sa colère, son indignation. Jean-Luc Mélenchon est en colère contre une sociale-démocratie qui partout dans le monde a été de renoncements en reniements, et jusqu'à trahir le peuple dans nombre de pays d'Amérique du Sud - dont il semble particulièrement connaisseur. Alors, à cette sociale-démocratie, il a choisi de ne plus rien laisser passer.
Il pourra sembler un peu rapide, pour les mal-comprenants de mon espèce, d'établir un lien direct entre des sociaux-démocrates qui font tirer l'armée contre le peuple en Argentine ou au Venezuela, et Martine Aubry qui commet une faute politique en évoquant la possibilité d'un recul de l'âge légal de la retraite « à 61 ou 62 ans » - et pour peu, notamment, d'une plus grande prise en compte de la pénibilité du travail. Mais voilà, un homme en colère peut parfois en arriver à perdre le sens des nuances.
Restait alors la question de la stratégie politique. Pour Jean-Luc Mélenchon, deux options se présentent, prendre le pouvoir avec l'appui d'un Parti Socialiste reléguer en seconde force de la gauche grâce à un rassemblement de l'ensemble de la gauche non socialiste, soit bénéficier d'une situation de blocage de la société - et là encore il s'appuie sur des exemples historiques venus d'Amérique du Sud - blocage qui conduirait à l'émergence au sein du peuple d'un sentiment de rejet profond englobant aussi bien les droites conservatrices et réactionnaires que les sociaux-démocrates (que l'animal ne manque jamais de qualifier de sociaux-libéraux), au profit donc des "vrais" socialistes.
Les deux hypothèses impliquent, on le comprend bien, de ne jamais épargner le Parti Socialiste. Or si Jean-Luc Mélenchon admet volontiers ignorer quand se produirait le blocage propice, il fait l'impasse sur la question suivante, pourtant cruciale : « Et en attendant que le rapport de forces devienne favorable, faut-il pour en favoriser l'émergence, jouer de cette division de la gauche, dont il reconnait qu'elle demeure l'ultime carte de la droite pour conserver le pouvoir ? ».
Bref, après ce grand tour par sa grande intelligence (indéniable), nous étions rendu à la problématique initiale dont j'avais fait ma question. Et l'on se souvient que Jean-Pierre Chevènement ne parvint jamais à se remettre tout à fait du 21 avril 2002.
Les élections régionales - La nécessité du désistement à gauche entre les deux tours est affirmée avec force. Et Jean-Luc Mélenchon est bien convaincu que les listes socialistes arriveront largement en tête partout, tandis que celles du Front de Gauche auront à l'occasion du mal à dépasser la barre des 5% qui permet de fusionner.
Et même alors, le PS ne se laissera aller à aucun cadeau. Une attitude qu'il ne remet pas en cause : le jeu politique ne consiste pas à choyer un rival.
Reste le cas du Languedoc-Roussillon, seule région où l'ensemble de la gauche, écolos compris, est parvenue à s'unir, afin de s'opposer fortement à Georges Frêche. Pour Jean-Luc Mélenchon, il s'agit de faire de cette région une région test et c'est donc là-bas qu'il a décidé de concentrer tous ses efforts.
On notera que la dernière sortie de Georges Frêche – sur la « tronche pas catholique » de Laurent Fabius - est suffisamment exécrable pour lui laisser penser que cela puisse se révéler un pari gagnant.
La défense des années Mitterrand - Jean-Luc Mélenchon l'appelle affectueusement « le vieux » et récuse avec force que l'origine d'une dérive droitière de la gauche française soit à chercher de ce côté-ci. Il rappelle ce qu'était le Parti Socialiste des années 70 - un parti révolutionnaire - et quelles furent les conditions de son arrivée au pouvoir en 1981. Il rappelle comme les socialistes attendirent alors en vain que soient créés les conditions d'un front populaire, en réponse à la collusion des forces conservatrices et réactionnaires. Il rappelle la nationalisation du système bancaire et d'une bonne partie de l'industrie. Il rappelle les quatre dévaluations successives, qui conduisirent à la nécessité politique et stratégique du tournant de 83. Il rappelle que « le vieux », jusqu'à son dernier souffle, refusa de signer toute ordonnance de privatisation.
La droite, n'omet-il pas de préciser, n'en a toujours pas fini de cracher sur le cadavre de François Mitterrand. C'est qu'ils ne veulent surtout pas que cela puisse se reproduire. Et Jean-Luc Mélenchon de faire la leçon à cette gauche, socialiste ou non, qui a grand tort en effet de ne pas assumer ce qui demeure une remarquable filiation politique.
Et des années Jospin aussi ! - Elles ne se résument pas aux privatisations. Et les privatisations ne sauraient à elles seules justifier que la gauche se croit contrainte de renier en bloc les années Jospin. Ne serait-ce que pour les 35h qui ne sont pas pour une majorité de salariés cette catastrophe que la droite se plait à fantasmer.
Des années Jospin qui débutèrent alors que tous les voyants économiques étaient au rouge - situation économique qui contraignit Chirac à la dissolution - et se terminèrent avec des voyants passés au vert - situation qui ne cesse depuis de se dégrader sous les bons offices d'une droite dont l'arrogance ne semble pas avoir de limite.
Mélenchon, un socialiste en colère - Je l'ai dit plus haut, j'ai rencontré ce qui me semble être un homme en colère, un homme qui possède la gauche chevillée au corps et depuis longtemps, et qui ne décolère pas de voir le monde fuir ses idéaux, et qui ne décolère pas contre une gauche qui, à trop souvent renoncer, et céder devant les coups de boutoir du libéralisme, a contribué à favoriser cette dérive du monde vers des rivages où la seule règle est celle d'un règne du fort sur les faibles, toujours plus opprimés.
Il a raison dans sa colère, l'oppression est inadmissible et l'injustice sociale insupportable. Il a tort, cependant - et selon moi qui bien entendu n'y comprends rien - de la tourner avec tant de violence contre ceux qui, se trompant sans doute de chemin, ne partagent pas moins avec lui les mêmes indignations, la même révolte et la même aspiration à un monde de justice.
Je retiens pour terminer deux phrases qui sont pour moi source d'espoir quant à la capacité de la gauche à savoir sauvegarder l'essentiel de ce qui, par-delà toutes nos divergences - qui ne sont pas nécessairement anecdotiques - nous rassemble :
« Vous avez les méchants d'un côté et les gentils de l'autre. Qu'est-ce que l'on peut faire de mieux ?! La droite, la gauche. »
« La critique [du Parti Socialiste] doit continuer, elle va continuer, mais c'est la façon de la dire et de l'exprimer qui ne doit pas être contre performante. »
Où l'on parle de : Un socialiste en colère
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Pour en finir avec le Modem
D'humeur badine ce matin, Nicolas a sorti son appeau à Gauchistes (*). A cette heure, ceux-ci ne semblent pas réveillés. En revanche les ségoboys ont rappliqué en remuant très fort le popotin, tout gais qu'ils étaient parce qu'ils croyaient tenir une éclatante victoire rhétorique.
Je vous explique : Nicolas décrit une situation électorale particulière dans laquelle au lendemain du premier tour la gauche pour l'emporter n'aurait qu'une solution possible : « Une seule. Regrouper les listes avec le Front de Gauche, Europe Ecologie et le Modem. »
Ha ha ! se sont empressés de clamer les ségoboys : On vous l'avait bien dit qu'il n'y avait pas d'autres solutions qu'une alliance avec le Modem. Et on vous l'avait bien dit que tous ceux qui disaient le contraire vous mentaient et en vérité ne sont que des fourbes qui veulent rien qu'à détruire Ségolène qui nous sauvera tous.
Le truc c'est qu'ils ne veulent pas assumer une bonne fois pour toutes qu'il y a deux stratégies électorales possibles qui produit un vrai désaccord de fond - lequel a été tranché voilà maintenant plus d'un an.
Pour les derniers mal-comprenants, résumons une dernière fois mais très rapidement ce désaccord de fond (et c'est pas grave) :
D'un côté, certains veulent parler d'alliances a priori, notamment avec le Modem, ce qui conduirait nécessairement d'une part à déplacer le centre de gravité du Parti Socialiste sur sa droite, d'autre part à faire cadeau au Modem d'une importance qu'il n'a pas - ou plus ou pas encore de nouveau...
Les autres défendent simplement l'idée que si toute alliance est une possibilité a posteriori (c'est une évidence politique), celle-ci ne saurait avoir lieu que sur la base d'un rapport de force créé par les urnes, fruit donc de la décision souveraine d'électeurs éclairés par une campagne électorale où des projets concurrents leur sont présentés. Ici, naturellement, il s'agit d'abord d'ancrer le PS à gauche et d'y créer une alternative ambitieuse, crédible et convaincante.
Heureusement - de mon point de vue -, c'est cette ligne à gauche qui est majoritaire au Parti Socialiste, à 70% !
On peut passer à autre chose ?
(*) Gauchistes : avec un G majuscule qui désigne les partisans du Front de Gauche, à ne pas confondre avec les gauchistes, terme qui englobe toute personne viscéralement et radicalement de gauche, comme moi. On peut être l'un ou l'autre, ou encore les deux... Et puis il y a aussi les illuminés du NPA, mais eux on comprend pas bien ce qu'ils veulent : ils veulent pas et puis c'est tout.
Image : Je ne savais pas par quoi illustrer ce billet jusqu'à me souvenir qu'aujourd'hui Olivier Bonnet doit faire face à son accusateur et que c'était certainement une bonne journée pour lui exprimer ma solidarité de blogueur comme de citoyen.
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Des primaires à gauche ?
Afin de désigner le candidat de la gauche à l'élection présidentielle de 2012, il me semble évident qu'il faille en passer par des primaires ouvertes aux sympathisants. Evident parce qu'un candidat léfitimé par le vote d'une poignée de millions d'électeurs serait en meilleure position, mieux à même de créer une dynamique victorieuse, qu'un candidat désigné au sein de son propre parti par une ou deux centaines de milliers de militants.
Il est même évident qu'il devrait s'agir de désigner le candidat de la gauche, désignation à laquele serait convié l'ensemble du peuple gauche, plutôt que du seul candidat socialiste par les sympathisants socialistes, afin que la gauche se présente unie pour affronter le ou les candidats de la droite.
A ce stade, on peut toutefois fortement douter très fortement que les Verts et le Parti Communiste consentent à prendre part à cette aventure, ils considèreront avoir trop à perdre à n'être pas directement représentés à l'élection présidentielle - et je n'évoque pas même le cas Besancenot, dont le NPA n'a aucune intention de s'inscrire dans une démarche collective de toute la gauche et dont le seul objectif électoral est de scorer : à 10%, le facteur sera content et se contrefout de ce qu'il pourra advenir ensuite.
Il faudra pourtant essayer, tenter de convaincre l'ensemble des partis de la gauche de se mettre d'accord sur l'organisation de primaires ouvertes à tout le peuple de gauche et à l'issue desquelles un candidat unique serait désigné et une plateforme de gouvernement commune serait élaboré. On pourrait même imaginer que les résultats de telles primaires fourniraient une base pour la désignation des candidats aux législatives, qui suivront immédiatement les présidentielles.
Cependant, si une telle démarche collective s'avérait impossible - ce qui serait tout à fait regrettable - cela ne devra pas fournir prétexte aux socialistes à se replier sur eux-mêmes, et il faudra alors organiser des primaires ouvertes aux sympathisants socialistes pour la désignation du candidat socialiste - cela devrait d'ailleurs permettre à celui-ci de partir avec un surcroit de légitimité sur l'ensemble des autres candidats que les autres partis de gauche désigneront dans leur coin, et limiter donc la déperdition de voix lors du premier tour de la présidentielle.
Voilà pour le principe. Reste à déterminer quelques modalités, et en particulier ce qu'est un sympathisant socialiste. La réponse est là plutôt simple : il s'agit de toute personne de plus de 16 ans qui se déclarera comme tel, et à la seule condition qu'elle soit résidante en France depuis au moins cinq ans. 16 ans afin d'associer le plus largement possible une jeunesse à une campagne présidentielle qui la concerne et dont elle saurait être un moteur puissant. Résidant en France depuis au moins cinq ans parce que nous sommes de gauche.
Inutile de broder davantage. Ajouter seulement que sur ce point, comme sur tant d'autres, les socialistes auraient grand tort de se montrer frileux et timorés, recroquevillés autour d'eux-mêmes.
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Le centre est-il soluble dans la gauche ?
De la mort prématurée de LCC (Left & Center Citizens)
Tout récemment, Dagrouick (blogueur socialiste, tendance ségolèniste) et Luc Mandret (blogueur du centre, tendance centriste) ont décidé de créer un machin 2.0 appelé Left & Center Citizens. Pour le premier, il s'agit de ceci :
Face au sectarisme d'une partie de la gauche, je propose donc de nous rassembler. De gauche, du centre-gauche, du centre. Construisons un véritable débat positif. Sujets après sujets, sur quoi nous retrouvons-nous ? Quelles sont nos valeurs communes ? Quelles lois pourrions-nous voter ensemble ? Dans nos programmes, quels sont les points de convergence ? La question n'est plus : comment travailler ensemble ; la question est : sur quels sujets ? Et je suis persuadé que les sujets sont nombreux.
Pour le second, c'est : Créer des espaces 2.0 de dialogue entre militants individus, blogeurs de gauche et de centre gauche. et on notera au passage - et, ainsi que le précise avec justesse l'ami Dagrouik, "Les mots ont un sens" - que si pour l'un l'initiative englobe le centre, pour l'autre elle s'arrête au centre gauche. Et justement ! toute la question est de savoir si le Modem est susceptible d'appartenir au centre gauche, zone politique qui dans sa définition appartiendrait encore à la gauche, ou bien si, situé exclusivement au centre, cet espace qui ne serait ni à droite ni à gauche, le Modem serait en réalité toujours, et comme il l'a toujours été,... à droite.
Pour la petite histoire : Il n'est pas anodin de rappeler dans quel contexte cette initiative a vu le jour - et ce même si elle était déjà en gestation depuis plusieurs semaines. Il se trouve qu'existe déjà un groupe de discussion sur Google, appelé Left_blogs et qui a son journal sur Cozop, dans lequel se retrouvent des blogueurs de gauche issus des Vigilants. Or Luc Mandret a souhaité entrer dans ce groupe, ce qui a donné lieu à un vote, lequel s'est soldé par un refus - à une très courte majorité et au motif qu'un militant du Modem ne pouvait être considéré comme un blogueur de gauche. Dans l'heure, LCC était créé - ce que d'aucuns prirent pour un insupportable contournement d'une décision prise démocratiquement (un peu comme un pseudo mini-traité est adopté par voie parlementaire après qu'un traité a été rejeté par voie référendaire...).
Remarque liminaire : Pour ma part, bien que viscéralement sceptique sur la compatibilité entre le Modem et la gauche, j'avais choisi de voter en faveur de l'entrée de Luc dans Left_blogs parce que "un groupe c'est ouvert ou sectaire". Et bien que passablement en désaccord avec la réponse LCC au vote négatif des Left_blogueurs, j'ai choisi de m'inscrire à LCC "en tant qu'observateur" et en n'omettant pas de remarquer que le logo LCC proposé par Luc était tout de même très très bleu dans sa dimension politique (Left & Center) et bien noir dans sa dimension citoyenne. Remarque qui n'est pas seulement anecdotique... tant au centre le rouge fait peur, le rose dégoute et le bleu est une référence. C'est d'ailleurs là sans doute une très bonne définition de ce qui caractérise le centre.
Convergences ? : Mais je n'ai pas su me contenter d'observer - d'ailleurs, il ne s'y passe rien - et j'ai tenté de lancer la quête de convergences à laquelle nous étions conviés, en rappelant quelques unes des propositions faites par Bayrou lors de la dernière campagne présidentielle :
- Temps de travail : « Permettre aux salariés qui le souhaitent d’améliorer leur revenu par le jeu libre des heures supplémentaires [...] Dans toutes les entreprises, le paiement des heures supplémentaires (entre 35 et 39 heures) sera majoré de 35 % pour récompenser le travail. Les cotisations sociales seront réduites en proportion afin que les entreprises ne supportent aucun coût supplémentaire » ;
- Contrat de travail : « Je propose donc un CDI universel à droits progressifs » ;
- Chômage : « En réduisant les charges qui pèsent sur le travail, on libérera l’emploi » ;
- Fiscalité des entreprises : « Il faut créer un environnement amical pour l’entreprise, y compris fiscal, particulièrement pour les PME. Tout contrôle devrait être précédé d’un conseil, d’un avis, comme on ferait pour un ami, au lieu de sacrifier à la culture d’inquisition et de suspicion » ;
- Famille : « Pour moi, un mariage, c’est l’union d’un homme et d’une femme. Je défends cette vision que certains disent traditionnelle, mais que je trouve être une vision d’avenir. L’altérité sexuelle est source de vie et d’équilibre » ;
- Immigration : « Dans un pays qui compte quatre millions de chômeurs, pourquoi aller chercher de la main-d’œuvre à l'extérieur ? » ;
- Retraites : « Je propose une refonte universelle, c'est-à-dire une réforme qui englobe tous les régimes, y compris les régimes spéciaux ;
- Droits de succession : exonération complète jusqu'à 200 000 euros ».
Et voilà aussitôt qu'un gentil centriste, sympathique mais se méprenant sur mes intentions véritables, me répond point par point pour globalement me dire qu'il était tout à fait en phase avec mes propositions. Il fallait bien alors que je lève ce lourd malentendu qui, cela étant, avait le mérite de nous faire comprendre jusqu'où les convergences entre la gauche et le centre sont parfaitement non envisageables.
C'est que ce petit aperçu des propositions "centristes" était directement prélevé d'un article que j'avais écrit en pleine campagne présidentielle, le 13 mars 2007 et intitulé L'autre homme de la droite, où il s'agissait de constater dans les faits la grande proximité politique et les convergences entre François Bayrou... et Nicolas Sarkozy.
Or voici ce que pour ma part, en homme de gauche, je pense de telles orientations politiques, outre d'ailleurs qu'elles sont pour nombre d'entre elles mises en oeuvre par l'actuel gouvernement :
- Sur le temps de travail et les 35h : Si la loi mérite quelques aménagements de mise en oeuvre - notamment à l'hopital -, en aucun cas il ne peut être question de revenir en arrière. La réduction du temps de travail participe du progrès social et de l'émancipation de l'homme par rapport au travail : plus qu'une diminution du temps de travail, c'est un accroissement du temps de loisir. S'il faut s'en préoccuper c'est sur la dimension pouvoir d'achat, tant les entreprises ont argué et arguent encore des 35h pour contraindre les salaires - alors même qu'aujourd'hui elles ont été digérées et sont, en sus, économiquement une réussite.
- Sur le travail le dimanche : La dissymétrie employés employeurs ne permet pas de se contenter d'un "sur la base du volontariat". C'est exactement la même chose que pour les heures supplémentaires : ce n'est pas le salarié qui choisit. Pour la gauche, le code du travail - si savamment et systématiquement détricoté par Sarkozy - est le levier principal d'un rééquilibrage du rapport de force entre le salarié et l'employeur, au bénéfice du premier. En caricaturant à peine, le libéralisme pèse exactement dans le sens inverse en privilégiant toujours la liberté... du plus fort.
- Idem sur le contrat de travail : Il a pour objet de protéger le salarié. Le contrat de travail unique à droit progressif est une précarisation du salarié en échange d'une souplesse pour l'employeur. Or, par ailleurs, la précarisation est à terme néfaste à la productivité et à l'efficacité économique des entreprises. Le libéralisme est une erreur économique également en ce qu'il privilégie la décision de court terme en faisant fi des externalités négatives.
- Sur le chômage : Depuis des décennies, la lutte contre le chômage par la réduction des charges patronales a échoué. C'est que la logique libérale est dans la maximisation des profits...
- Sur la fiscalité des entreprises : La loi doit s'appliquer fermement contre toutes les formes de délinquances. La loi est par essence impartiale : elle n'a pas d'amis...
- Sur la famille : Bayrou est un conservateur régressif qui oublie que la politique n'est pas une affaire de morale chrétienne.
- Sur l'immigration : La déclaration de Bayrou, pour le coup, fleure "bon" la droite nationaliste française - mais elle est son histoire et celle du centre en France.
- Sur les retraites : Réformer, oui. Comment ? est la vraie question. Pour ma part, il s'agit d'abord d'élargir l'assiette des cotisations au capital, alors qu'elles ne pèsent actuellement que sur les salaires. Je doute fort que ce soit une position que les centristes suivent volontiers.
- Sur les droits de succession : On aurait pu se limiter à ce seul sujet pour comprendre tout ce qui sépare la gauche du centre. Si pour un centriste il s'agit d'un "impôt injuste sur une vie passée, pour la gauche, l'héritage est un revenu pour l'héritier, qui plus est obtenu sans travail : à ce titre il doit être imposé et ce faisant participer à la redistribution des richesses et au rétablissement de l'égalité des chances. A ce sujet, je suggère cet autre article que j'avais commis l'an passé : la France qui travaille et la France qui hérite.
Or ce sont là des sujets majeurs, qui fondent une orientation et une action politique. Autant de sujets pourtant où aucune convergence n'est possible tant les options des uns et des autres, de la droite et de la gauche !, sont diamétralement opposées. Ainsi LCC pourrait-il avoir le mérite de clarifier les choses en mettant en exergue nos divergences de fond, par-delà le discours sur des pseudos convergences qui ne peuvent en réalité conduire qu'à des alliances contre-nature.
C'est qu'en vérité le Modem ne vient pas de nulle part et ses racines sont moins la solidarité que dans la charité, conception éminemment de droite façon libéralisme compassionnel et démocratie chrétienne. Ainsi, si je ne partage pas les options politiques des communistes, et si je pense que les Verts se sont définitivement enlisés dans leurs contradictions internes et leur fonctionnement groupusculaire, je sais partager avec eux une aspiration à plus de justice sociale, plus de solidarités, plus de prise en compte des externalités économiques sur l'homme et sur son environnement, une certaine vision d'une société tournée vers l'émancipation de l'individu, sa liberté fondamentale à être. Cette communauté de pensée c'est ce qui fonde la gauche et donne son existence à ce qu'on appelle le peuple de gauche, c'est ce qui permet les convergences politiques et autorise les alliances.
Mais il est vrai aussi que le Modem s'est peu à peu vidé de ses composantes les plus droitières : au final, reste là Bayrou qui n'a d'autre ambition que la sienne et d'autres qui, enfants politiques souvent incultes, pour les uns pensent que le clivage droite gauche est dépassé - ce qui en plus d'être faux (ce clivage n'avait pas été aussi actuel depuis longtemps) est ontologiquement une idée de droite (car c'est en réalité sa seule identité tangible) - et pour les autres se retrouvent au centre pour s'éloigner de ces gauchistes dont ils ont peur, comme on n'a peur souvent de ce qu'on ne connaît pas. On pourra d'ailleurs noter utilement que cette "haine" du gauchiste, qui est en réalité une crainte et surtout une incompréhension, est l'essentiel de ce qui rapprochent le Modem de certains ségolénistes (mais pas seulement eux !) qui ne parviennent pas à ne pas accoler le terme de sectarisme à celui de gauchiste...
Il reste que cette danse du ventre de nombre de socialistes autour d'un Modem politiquement inexistant est une erreur politique fondamentale en ce qu'elle ne repose sur rien, aucune convergence politique de fond. Il demeure aussi que les égarés du Modem sont des gens estimables qui ont pour beaucoup d'entre eux l'esprit (sinon le coeur) à gauche et que les socialistes ne doivent pas négliger. Pour autant, il ne s'agit pas de faire alliance, mais de leur parler et de les convaincre de venir à nous et nous enrichir d'eux-mêmes. C'est que faire de la politique c'est davantage convaincre que se perdre en compromis. Ce n'est jamais être sectaire que d'être avant tout fidèle à soi-même et ferme dans ses convictions.
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