Pour en finir avec le Modem
D'humeur badine ce matin, Nicolas a sorti son appeau à Gauchistes (*). A cette heure, ceux-ci ne semblent pas réveillés. En revanche les ségoboys ont rappliqué en remuant très fort le popotin, tout gais qu'ils étaient parce qu'ils croyaient tenir une éclatante victoire rhétorique.
Je vous explique : Nicolas décrit une situation électorale particulière dans laquelle au lendemain du premier tour la gauche pour l'emporter n'aurait qu'une solution possible : « Une seule. Regrouper les listes avec le Front de Gauche, Europe Ecologie et le Modem. »
Ha ha ! se sont empressés de clamer les ségoboys : On vous l'avait bien dit qu'il n'y avait pas d'autres solutions qu'une alliance avec le Modem. Et on vous l'avait bien dit que tous ceux qui disaient le contraire vous mentaient et en vérité ne sont que des fourbes qui veulent rien qu'à détruire Ségolène qui nous sauvera tous.
Le truc c'est qu'ils ne veulent pas assumer une bonne fois pour toutes qu'il y a deux stratégies électorales possibles qui produit un vrai désaccord de fond - lequel a été tranché voilà maintenant plus d'un an.
Pour les derniers mal-comprenants, résumons une dernière fois mais très rapidement ce désaccord de fond (et c'est pas grave) :
D'un côté, certains veulent parler d'alliances a priori, notamment avec le Modem, ce qui conduirait nécessairement d'une part à déplacer le centre de gravité du Parti Socialiste sur sa droite, d'autre part à faire cadeau au Modem d'une importance qu'il n'a pas - ou plus ou pas encore de nouveau...
Les autres défendent simplement l'idée que si toute alliance est une possibilité a posteriori (c'est une évidence politique), celle-ci ne saurait avoir lieu que sur la base d'un rapport de force créé par les urnes, fruit donc de la décision souveraine d'électeurs éclairés par une campagne électorale où des projets concurrents leur sont présentés. Ici, naturellement, il s'agit d'abord d'ancrer le PS à gauche et d'y créer une alternative ambitieuse, crédible et convaincante.
Heureusement - de mon point de vue -, c'est cette ligne à gauche qui est majoritaire au Parti Socialiste, à 70% !
On peut passer à autre chose ?
(*) Gauchistes : avec un G majuscule qui désigne les partisans du Front de Gauche, à ne pas confondre avec les gauchistes, terme qui englobe toute personne viscéralement et radicalement de gauche, comme moi. On peut être l'un ou l'autre, ou encore les deux... Et puis il y a aussi les illuminés du NPA, mais eux on comprend pas bien ce qu'ils veulent : ils veulent pas et puis c'est tout.
Image : Je ne savais pas par quoi illustrer ce billet jusqu'à me souvenir qu'aujourd'hui Olivier Bonnet doit faire face à son accusateur et que c'était certainement une bonne journée pour lui exprimer ma solidarité de blogueur comme de citoyen.
Où l'on parle de : Pour en finir avec le Modem
|
|
Quand Sarkozy s'en prend au Parti Socialiste décomplexé
Hier soir, Nicolas Sarkozy, président sans envergure de tous les français d'un clan, a lancé la campage des élections régionales pour le compte de l'UMP.
Beaucoup parmi les dirigeants de l'UMP redoutent qu'une campagne axée autour du bilan gouvernemental ne se transforme en vote sanction. On connait ledit bilan, on comprend le désarroi des dirigeants de l'UMP. Mais le chef du clan c'est Sarkozy, qui a décidé que le slogan serait « La France change, ma région doit changer autour ! »
Ça fait mal, parce qu'il va falloir aux militants de l'UMP aller expliquer aux français qu'ils ont l'intention à l'échelon régional de baisser les impôts des plus riches et d'augmenter les taxes pour les autres, de laisser filer dramatiquement les déficits et de dégrader la qualité des services publics, de faire cadeau fiscal sur cadeau fiscal aux entreprises et d'assister sans broncher à une hausse continue du chômage, d'échouer sur la question de la sécurité pour tous comme sur celle du logement social, sans parler du pouvoir d'achat... Bref, prenant exemple sur le petit chef, il va leur falloir parler parler et parler pour tenter de faire oublier la réalité têtue des faits, dont la somme énonce de manière criante que le bilan du sarkozysme est au mieux désastreux et très certainement catastrophique.
Alors Nicolas Sarkozy, chef du clan UMP, a montrè à son clan la voie : au delà du slogan, passer rapidement sur le bilan et s'en aller taper sur la gauche et d'abord sur le Parti Socialiste. C'est que Sarkozy en fin politique qu'il est a compris ce que beaucoup à gauche n'ont toujours pas compris ou refuse de comprendre : le Parti Socialiste revient progressivement à lui, c'est-à-dire à la gauche - et ça ! ça représente un vrai danger pour Nicolas Sarkozy, qui sait bien que depuis maintenant plus d'une décennie la droite doit ses victoires au fait que le Parti Socialiste a quitté ses bases pour s'en venir chipoter sur le terrain de la droite.
Certes, le PS a connu et connait encore de sérieux problèmes à être audible. Mais à mesure que s'éloigne à la fois le traumatisme que fut le Congrès de Reims et l'hypothèse Royal, le brouillard s'estompe et l'on voit peu à peu se lever le voile sur un Parti qui travaille à ancrer son projet à gauche, en cohérence d'ailleurs avec ce que furent - au-delà de l'insignifiante question des personnes - les débats d'abord, et puis les résultats des votes, lors de ce fameux congrès de Reims.
Pour se convaincre de ce qui se passe au PS, il ne suffit que d'écouter attentivement sa première secrétaire, Martine Aubry, ou son porte-parole, Benoit Hamon. Cela faisait longtemps que l'on n'avait pas entendu venir de là un discours remettant clairement en cause le capitalisme financier et le credo libéral, ni même un si naturel appel à une régularisation massive de personnes sans papiers.
Dans son dernier communiqué portant sur la hausse dramatique du chômage, nous entendons un Parti Socialiste réclamer un plan de relance de l'économie par la consommation, ainsi que des mesures telles que la prolongation de 6 mois de la durée d'indemnisation sur la base de 80 % du salaire ou l'augmentation du coût des licenciements pour les entreprises qui versent des dividendes ou rachètent leurs propres actions...
Et si l'on s'intéresse aux cinq communiqués qui précèdent celui-ci : l'un dénonce la remise en cause par le gouvernement de la politique à l'égard des patients en Affection de Longue Durée pour des raisons purement comptables et préconise des réformes structurelles comme la mise en avant de la prévention ou la rémunération forfaitaire des médecins ; un autre concerne l'immigration et la situation des travailleurs sans-papiers et fait des propositions claires, détaillées et généreuses ; le suivant annonce que le Parti socialiste se joint à l'appel à manifester du collectif « Unis contre l'immigration jetable » ; celui d'après demande qu'un coup d'arrêt soit porté à la casse de l'école publique et le dernier s'en prend au bilan de Nicolas Sarkozy sur la question de la sécurité.
Alors, et en dépit du temps de retard médiatique et des derniers soubresauts de l'expérience Royal, Nicolas Sarkozy a compris qu'il était temps d'agresser le PS, et de le mordre fort là où c'est censé lui faire le plus mal : la question de l'immigration. Alors il y va de son petit couplet éculé : « Lorsque je vois, qu'une personne pour qui j'ai du respect appelle à la régularisation massive des sans-papiers, est-ce que vous croyez que je n'ai pas compris la manœuvre ? », demande-t-il afin de mieux accuser Martine Aubry « d'agiter le chiffon rouge, à trois mois des élections régionales, pour faire remonter le Front national »
Mais voilà, simultanément nous prenons connaissance d'un sondage Ifop à paraître dans le Journal du Dimanche, où est révélé que pour 72% des Français le débat sur l'identité nationale lancé par Eric Besson et justifié par Nicolas Sarkozy est avant tout une stratégie pour gagner les élections régionales. Mais on la leur a tant fait qu'il n'est finalement guère étonnant que les français ne se laissent plus si facilement prendre au coup de la question de l'immigration et de l'insécurité qui surgit très opportunément à l'approche d'une élection. C'est tant mieux et le petit président risque d'en être pour ses frais.
Le fait est, donc, que le Parti Socialiste est de retour à gauche et que si c'est une mauvaise nouvelle pour Nicolas Sarkozy, c'est une excellente nouvelle pour l'ensemble de la gauche et d'abord pour les français qui ont le plus besoin d'elle. Il est seulement regrettable que les Verts via Europe Ecologie se précipite pour s'en aller occuper une place devenue vacante auprès du Modem. Quoi qu'il est sans doute préférable que ce soit les Verts qui s'occupent en définitive d'aller achever de siphoner le Modem, plutôt qu'un Parti Socialiste encore convalescent sur ses valeurs. Même si de toute évidence la question du Modem a en une année radicalement changé de nature, puisque c'est désormais sans ambiguïté à gauche que penche la balance et se situent les débats.
Où l'on parle de : Parti Socialiste décomplexé
|
|
Réinventons le socialisme
Dans un courrier adressé à l'ensemble des militants socialistes, Martine Aubry écrit en particulier ceci :
« Chacun le sait, nous devrons répondre aux enjeux qui sont devant nous : l'explosion de la précarité et des injustices de toutes sortes entre individus et entre territoires, l'économie affaiblie par la concurrence mondialisée et la finance, l'école et l'ascenseur social en panne, les chocs écologiques, les déséquilibres du monde... C'est le modèle de société dans son entier qui doit être refondé.
« Nous devons d'abord nous poser la question essentielle de la société du bien-être. Faut-il continuer à accumuler des biens, lesquels, et pour quelle utilité ? Comment construire un système innovant, assurant l'emploi, préparant l'avenir et à même de distribuer justement les richesses ? Avec quelles conditions de travail et de respect de la planète et de ses ressources ? Quels services créer pour que la qualité de vie de chacun soit réelle ? Comment mieux vivre, échanger et travailler dans la société numérique ? Voilà des questions majeures qui s'inscrivent dans notre travail sur le nouveau modèle de développement économique, social et durable que nous préparons, et qui fera l'objet de notre première grande convention début 2010. »
Je veux comprendre que la Parti Socialiste est disposé à prendre le virage de la Sociale Ecologie.
Ce serait de bon augure...
Enfin !
Pendant ce temps, là d'autres socialistes en sont encore à rédiger et faire signer des pétitions, parce qu'ils ne sont pas d'accord avec les décisions prises par la direction actuelle du Parti Socialiste. La dernière en date propose de réinventer le PS. Outre qu'il est impossible de trouver quels sont les instigateurs de la chose - ce qui en dit assez long sur l'existence d'objectifs non avoués -, le texte proposé à la signature ne suggère en réalité qu'une et une seule chose : « faire de l’élection de notre leader, puis de celle de notre candidat à l’élection présidentielle, l’acte 1 de nos cycles politiques. »
D'abord se choisir un chef, celui qui sera le candidat ? Il est certain que c'est précisément cela que les français attendent des socialistes. Non ?... C'est pourtant et apparemment ce que certains ont crû comprendre. A moins qu'il ne s'agisse encore et toujours de se préoccuper surtout de comment choisir le candidat de sorte que le candidat soit mon favori pour la candidature, et donc soit... une candidate.
J'ai la faiblesse d'être convaincu pour ma part que les français attendent des socialistes qu'ils puissent d'abord leur proposer une politique alternative, nouvelle et ambitieuse, conforme aux valeurs de la gauche. Et je prétends qu'il est plus urgent de réinventer le socialisme que le Parti Socialiste - surtout s'il ne s'agit que de le caporaliser...
D'ailleurs Martine Aubry propose une méthode :
« C’est tout l’enjeu du travail que nous avons entrepris, que nous devons approfondir avec les intellectuels, les acteurs de la société mais aussi avec les Français. Je veux leur donner la parole à chaque étape. C’est ma conviction mais aussi la vôtre, je le sais : on n’élabore plus un projet en circuit fermé.
« Nous voulons une démarche innovante, énergique et féconde, hors les murs de Solférino. Pour discuter de l’ensemble de ces questions, mais aussi pour entendre les Français et débattre avec eux, nous organiserons dans chacune de nos fédérations des rencontres associant, au-delà des militants de notre parti et de nos élus, l’ensemble des forces de la transformation : les associations, les syndicats, les intellectuels, les citoyens engagés. Des camarades de la direction et moi-même serons à vos côtés dans un tour de France que nous entreprendrons à l’automne. »
Au boulot ! disions-nous au lendemain du Congrès de Reims. Au boulot ! avons-nous répété au lendemain des élections européennes. Aux militants socialistes, aux sympathisants de gauche, à chacun de se saisir de cette parole qu'on dit vouloir donner aux citoyens.
Il ne s'agit pas d'accorder une confiance aveugle à la direction du Parti Socialiste, il s'agit de reconnaître qu'elle est en place et de faire avec et au mieux. Il ne s'agit plus de dire qu'il faudrait ou aurait fallu faire autrement, il ne s'agit plus maintenant que de faire.
Bâtir ensemble un projet pour une société du bien-être via un nouveau modèle de développement économique, social et durable, voilà une ambition que nous partageons et qui devrait nous enthousiasmer. Non ? Faut d'abord se choisir un candidat ? Une candidate ? Vôtre candidate ? Ha bon...
Où l'on parle de : Réinventons le socialisme
|
|
En finir avec les divisions, combattre ensemble à gauche
En novembre dernier, alors que la bataille du congrès socialiste faisait rage, j'avais écrit cela sur ce blog :
« Une certitude que nous pouvons avoir est que si le prochain premier secrétaire du Parti Socialiste est Ségolène Royal ou Martine Aubry, la guerre des socialistes se poursuivra. Dans un cas comme dans l'autre, les perdants chercheront à obtenir leur revanche sur les gagnants en les faisant trébucher et ces derniers imputeront leurs difficultés et éventuellement leurs échecs aux divisions dont les premiers seront tenus pour responsables. Dans un cas comme dans l'autre, il nous faut en être bien conscient, nous n'en aurons pas fini avec la division. Tout au plus, cette guerre qui était ouverte ces derniers mois se transformera en une guerre de positions, une guerre de tranchées et menée largement dans l'ombre, par les uns comme par les autres.
En finir avec une querelle interminable, née de la guerre de succession post-mitterrandienne, c'est tout l'intérêt du saut générationnel en faveur duquel je plaide depuis plusieurs semaines sur ce blog - et en réalité depuis le lendemain des élections présidentielles et législatives de 2007. J'avais estimé pour ma part que la plus grande chance de parvenir à ce changement de génération résidait en Vincent Peillon. Malheureusement, celui-ci n'a pas souhaité assumer toutes ses responsabilités, cédant à la volonté intransigeante d'une Ségolène Royal incapable de s'effacer - de même qu'après avoir été tentée, Martine Aubry n'a pas non plus consenti à s'effacer derrière Benoit Hamon. »
Je continue de penser que les défaites du PS de 2002, 2007 et 2009 s'expliquent toutes par l'effet conjugué des divisions et d'un positionnement politique trop timidement à gauche.
Je continue de penser qu'il aurait mieux valu que ce ne soit pas Martine qui obtienne les rennes du PS - pas plus que Ségolène. Le fait est aujourd'hui que c'est elle et que les français se fichent que ce soit elle ou une autre : ils veulent du boulot, de l'unité et de la gauche.
Tenez, je vais même vous dire : les français se contrefichent de la rénovation structurelle du Parti Socialiste et des états d'âme de ses militants : du boulot, de l'unité et de la gauche.
Bien sûr, pour faire du bon boulot il faut une meilleure organisation ; pour s'irriguer de gauche il faut s'ouvrir à la société civile ; pour être uni il faut embarquer tout le monde. Mais les français se moquent bien du comment, il veulent entendre parler de résultats. Il est donc inutile, et en réalité destructeur, que chacun y aille de son petit couplet sur la rénovation du PS, il faut se taire et faire.
C'est Martine Aubry qui est à la tête du PS ?
Alors il faut faire avec Martine Aubry et non contre elle. Que ça plaise ou non !
Car ce dont les socialistes ont besoin, c'est avant tout d'un projet alternatif, ambitieux, crédibles et mobilisateurs, ainsi que la capacité de le donner à entendre aux français. Alors, la seule question qui se pose réellement, la seule qui intéresse véritablement les français, est la suivante : Le Parti Socialiste va-t-il ou non revisiter de fond en comble son offre politique en ancrant son projet à gauche ou bien va-t-il une nouvelle fois se contenter d'un replâtrage de son modèle social-démocrate ?
A ce titre, l'intervention de Vincent Peillon, via un entretien accordé hier au journal Le Monde, est très éclairante quant à ce qui se joue autour de cette question centrale et qui coupe le Parti Socialiste en deux parties probablement pas si égale qu'on voudrait nous le laisser entendre. Le Parti Socialiste et Martine Aubry ont et auront à faire face à de très fortes résistances dans sa volonté de ré-ancrer solidement le projet socialiste dans la gauche, résistances de la part de tous ceux qui se refusent à prendre le risque de se couper de l'électorat centriste, tous ceux qui n'ont pas retenu la double leçon de 2002 (avec un Jospin dont le projet n'était pas socialiste) et de 2007 (avec Royal qui chassait en terre de droite) : ce n'est que par la gauche que la gauche reviendra au pouvoir, parce que c'est d'une immense attente à gauche que désespère l'électorat, là que ce créera un véritable espoir de changement et donc une dynamique électorale.
Ce matin, petits et grands, tous les commentateurs de la vie politique française s'en donnent à coeur joie pour crier à la tartufferie d'un Parti Socialiste qui serait mort, qui serait autiste, qui aurait choisi de ne pas changer une équipe qui perd... Mais pour qui roulent-ils ? Qu'ont-ils à vendre ? Ceux-là ont-ils un profond désir de gauche ?
Qui a relevé qu'hier soir, lors du Conseil National du Parti Socialiste, Martine Aubry a prononcé un discours, que je trouve pour ma part chargé de bonnes questions... et de réponses qui invitent à l'espoir ? Oui, combien d'entre ses tant pertinents commentateurs ont même pris la peine de le lire ? Ou se sont contenter de lire le titre, Six mois pour changer de cap, pour en tirer les conclusions qu'ils leur plaisaient de faire ?
Je vous invite à cette lecture, et me contente ici de n'en retenir que quelques extraits clés :
[...]Nous avons le devoir de regarder en face la signification des résultats du scrutin de dimanche. Nous devons le faire avec lucidité et sang froid. Rien ne servirait de minimiser l’ampleur de notre défaite en se référant à d’autres périodes plus douloureuses de notre histoire. Rien ne servirait d’en relativiser l’importance. [...] Non, rien ne servirait de chercher ailleurs qu’en nous-mêmes. [...] Oui, nous avons un devoir d’analyser les vraies raisons de l’échec - mais je crois que nous les connaissons, nous les devinions, nous les vivions - et de réagir immédiatement pour entraîner un sursaut collectif.
Crise de la construction européenne, tout d’abord. [...] Crise de la sociale démocratie, ensuite. [...] Crise de notre Parti, enfin.
[...]
Notre prochain rendez-vous, c’est celui des régionales. Je le dis simplement, si certains ont l’intention de se replier sur leur terrain, en espérant ainsi se démarquer de notre Parti, ils se trompent. Certes, tel ou tel pourra sauver son siège au regard de ce qu’il a apporté à la population, mais soyons en sûrs, à moyen terme, tout cela ne sera que vain, si notre Parti n’est pas à la hauteur des enjeux.
Aussi, c’est à une profonde refondation de notre parti que j’appelle, refondation des idées, refondation à gauche, mais aussi profonde refondation de nos pratiques, de nos démarches personnelles et collectives. Ce sont trois refondations qui doivent répondre aux trois crises que je viens de rappeler.
Oui, je vous le dis, chers camarades, nous ne sortirons pas de cette situation par quelques replâtrages, par je ne sais quel recentrage ou réorientation ou par quelques artifices de communication. La ligne politique a été définie par les militants lors de notre Congrès, elle doit être suivie.
[...]
Ce dont nous avons besoin aujourd’hui, je vous le dis très solennellement, c’est d’un véritable sursaut de nature à refonder profondément notre Parti. C’est un état d’esprit. C’est une conviction profonde. Je vous ferai ce soir quelques propositions, nous en débattrons dans les jours qui viennent.
[...]
1- La refondation de nos idées
[...]
On n’élabore pas, on n’écrit plus un projet dans le huit-clos d’un parti, en circuit fermé. Bâtir un projet de société, c’est mettre en débat les questions qui se posent à nous. C’est le faire bien sûr avec notre cœur, avec la mémoire de nos luttes sociales, féministes, écologistes et avec la sincérité de nos valeurs de socialistes, à l’écoute de ce que nous disent les français. Pour notre parti, il y a urgence et obligation à entendre ce qui vient de toutes parts, non pas depuis hier, mais depuis trop longtemps. Les Français veulent être écoutés, et ils considèrent que les grands partis ne les écoutent plus. Les Français attendent du Parti socialiste un projet crédible, inscrit dans les valeurs de la gauche et adapté aux temps nouveaux. Ils sont lucides sur la panne que connait la France, mais ils ne nous font pas encore confiance pour conduire l’alternance.
[...]
C’est pourquoi nous écrirons ce projet de société en donnant à chaque étape la parole aux Français. Nous en débattrons, étape après étape, avec vous et avec eux et avec les intellectuels, les hommes et les femmes engagées dans la société qui nous ont rejoints notamment dans le Laboratoire des idées. J’en suis convaincue, c’est par un dialogue fécond entre les Français qui disent leurs difficultés et leurs attentes, les experts qui sont là pour les analyser et tracer chacun dans leur domaine les chemins du possible, et les politiques que nous réussirons.
Nous nous sommes déjà mis au travail en ce sens depuis plusieurs mois. Avec la création et la mise en route du Laboratoire des idées. Un premier travail a été fait également auprès des français pour mettre en exergue non pas leurs attentes à court terme, mais leurs aspirations les plus fondamentales à partir desquels nous devons je le crois déterminer les modes d’entrée, innovants, dans notre projet. Nous en débattrons le 7 juillet avec l’ensemble des membres du Bureau et du Secrétariat National.
Mais surtout, après ce cadre de juillet, je veux que nous engagions une démarche hors-les-murs de Solférino, innovante, enthousiaste et féconde. Nous irons, dans chaque fédération, avec les militants, et je le souhaite, ceux des autres partis de gauche, à la rencontre des Français. Nous devons nous démultiplier.
[...]
A chacune de ces étapes, notre projet s’enrichira des propositions des Français, s’approfondira par le dialogue avec des citoyens volontaires. Il se nourrira de l’expérience vécue et réussie des « innovateurs du quotidien », qui transforment notre société là où ils sont, dans des associations et des entreprises, des hôpitaux ou des écoles.
[...]
Ainsi, sur tout le territoire, nous nous déploierons, démultipliant cette démarche, irrigant le pays et le Parti.
[...]
2- La refondation de la gauche
[...]
Aujourd’hui, faces aux grandes questions auxquelles nous avons à répondre, il faut une nouvelle démarche de rassemblement à gauche. Rassemblement des Partis politiques de gauche, mais aussi rassemblement de ceux qui, portant des valeurs démocrates et d’humanisme, je le sais, aspirent à nous retrouver. Car je vous le dis, il n’y aura pas de victoire à gauche sans une gauche solidaire et unie.
[...]
L’écologie, sans la gauche, restera une belle idée sans réalité.
L’écologie et le social iront de pair dans une gauche unie ou ne seront pas.
La gauche sera unie ou ne sera pas, qui peut aujourd’hui en douter ?
C’est la raison pour laquelle, je veux dès demain - j’ai déjà pris des contacts hier et aujourd’hui -, engager des discussions avec tous ceux qui à gauche, sans exclusive, veulent porter un autre modèle de société pour la France, battre Sarkozy en 2012 et gouverner ensemble ensuite. Je vous en demande le mandat ce soir.
Et je le dis clairement, il ne s’agit pas de retomber à nouveau dans les accords d’appareils que nous concoctons habituellement à la veille des élections. Nous devons bâtir une Maison commune fondée sur :
- un projet commun ;
- et une stratégie de candidatures la plus efficace possible pour porter ces idées au pouvoir, partout où nous le pouvons.
Je le dis dès maintenant aux partis de gauche : nous voulons rentrer dans cette démarche sans préalable, sans a priori et sans volonté hégémonique. La réussite nécessite que chacun trouve sa place, que nous soyons capables d’être ouverts aux idées des autres et que nous fassions ce travail avec les Français.
C’est dans cette démarche d’ouverture aux Français de nos Partis pour préparer le projet, et de rassemblement à gauche, que doit être portée la réflexion sur les primaires pour le choix de notre candidat à à l’élection présidentielle de 2012. Ce sujet ne peut être traité à la légère comme un gadget pour masquer nos insuffisances. Il doit être réfléchi et pensé dans une démarche politique et collective.
[...]
3- La refondation de notre Parti
[...]
Ne nous racontons pas d’histoires. Nous donnons l’impression et c’est parfois une réalité, de ne plus être heureux de vivre et travailler ensemble. De nous situer en concurrence et non en complémentarité. L’unité, ce n’est pas penser tous pareil ; c’est avoir le courage de porter à l’interne les débats nécessaires puis de défendre collectivement nos positions.
[...]
Je souhaite ce soir et dans les jours qui viennent que le mode de gouvernance que nous allons mettre en place nous assure une solidarité totale et une réaction immédiate en cas de non respect de nos règles communes.
[...]
Je vous appelle ce soir à des changements profonds de nos comportements mais aussi de nos règles internes.
[...]
Maintenant que l’ensemble des sensibilités est représenté au Secrétariat National, le Bureau National doit redevenir l’instance du débat politique où nous forgeons notre réflexion et nos décisions communes. J’y veillerai absolument.
[...]
Face à l’ampleur de la tâche qui est devant nous, il nous faut à la fois serrer les coudes, amplifier le mouvement de refondation et être à la hauteur des attentes sur le projet. C’est la raison pour laquelle il nous faut changer notre mode de gouvernance. Un Parti est un lieu de débat. Ces débats doivent avoir lieu en son sein et les positions prises défendues par tous.
[...]
Dans le contexte actuel, il est hautement souhaitable que tous les talents politiques soient présents dans nos instances de gouvernance. J’ai rencontré beaucoup de camarades ces dernières heures. Je continuerai dans les jours qui viennent pour annoncer le plus tôt possible ce nouveau dispositif.
Mes camarades, il s’agit d’une nouvelle étape. Non pas d’un rassemblement factice ou d’une unité de façade. Il s’agit pour chacun de prendre la responsabilité de mettre sa force politique, son imagination, ses propositions au service de tous.
Nous devons enfin [...] faire émerger la génération qui demain nous remplacera en veillant au respect des objectifs fondamentaux de diversité, de parité, d’égalité des chances pour faire un Parti qui ressemble à ceux qu’il veut représenter.
[...]
Avant de conclure, je vous propose d’inscrire notre feuille de route dans un calendrier que je vous soumets ce soir à grands traits :
- annonce de la nouvelle gouvernance dans les prochains jours,
- dans les jours qui viennent, engagement des discussions avec l’ensemble de la gauche,
- fin août, la Rochelle sera le premier élément du lancement de notre projet. Nous avons une université d’été conçue ouvert sur la société et les autres partis de gauche,
- dès le lendemain, lancement du tour de France du projet,
- avant la fin de l’année, les Assises, les Forums, Etats Généraux et les Conventions déjà envisagées sur la culture, l’éducation, la sécurité seront réunis et se tiendra la grande convention sur le nouveau modèle de développement social, économique et écologique.
Nous avons six mois pour changer de cap.
[...]
On pleurniche sur nos manquements, on se flagelle en se répétant combien nous sommes nuls, on assiste impuissant au triomphe d'une droite qui se marre des cadeaux qu'on lui fait... ou bien on relève un peu la tête et on se met au boulot, ensemble ?
Où l'on parle de : En finir avec les divisions
|
|
Européennes : un mal pour un bien ?
Au commencement est une lecture des résultats assez simple : l'UMP est le premier parti de France, la droite pèse moins de 40% des voix, le Modem moins de 10% et l'hégémonie du PS sur la gauche a pris fin, au profit d'un rééquilibrage avec les Verts.
Si l'on veut affiner un peu, il est possible d'ajouter que la gauche radicale est à son niveau habituel d'une dizaine de % et que l'extrême droite pointe tout juste au-dessus des 5%.
Abstention de contestation... et piège à cons
On ne peut cependant s'affranchir, en premier lieu, de constater le niveau record de l'abstention (60%), ce qui devient une très mauvaise habitude lors des élections européennes - le score était assez similaire en 2004 et pas si éloigné en 1999...
Sur ce sujet, on a coutume d'épargner le bon peuple en pointant du doigt l'incapacité des hommes politiques à intéresser les citoyens à la chose politique. Je crois qu'on n'a pas raison. Certes, le personnel politique n'est pas toujours enthousiasmant, certes les médias ont pour fâcheuse tendance à considérer qu'il est plus vendeur d'insister sur la forme et les petites phrases assassines, plutôt que sur le fond. Mais les citoyens ne sont pas des enfants et ils sont pleinement responsables de leurs manquements . Ils sont nombreux à choisir la facilité, à se gargariser d'un "tous des incapables, tous des pourris, élections pièges à cons"... Ils ont tort - et au final ce sont eux d'ailleurs qui en paient les frais.
Il reste que cette abstention est en soi une contestation. C'est l'Europe qui est perçue comme trop peu démocratique - et le contournement du peuple français sur la question du Traité Constitutionnel a ici pesé lourd. C'est la manifestation d'un rejet du sarkozysme et d'une droite dure spécialisée dans la casse sociale, enfermée dans un dogme libéral agonisant. C'est le désespoir d'une gauche divisée, jusqu'au Parti Socialiste lui-même, incapable d'offrir une offre politique alternative. C'est la sanction d'un Modem sans autre projet que la contestation populiste de l'establishment et la stratégie personnelle de son président. Et c'est même la lassitude des électeurs d'un vote extrême trop évidemment stérile.
L'abstention est tout cela à la fois. Au résultat, de cette volonté de renvoyer tout ce monde dos à dos, de ce refus de choisir, il reste que les urnes ont choisi pour le peuple abstentionniste et ont donné la victoire... à Sarkozy. Le piège s'est refermé et nous voici collectivement les pauvres cons d'un petit président qui se marre et qui nous en remercie.
Mais aucun piège ne se referme définitivement, bien au contraire...
Victoire de l'UMP et défaite cinglante de la droite
Mais le rire sarkozyste est jaune. Car si l'UMP obtient 28% des suffrages qui se sont malgré tout exprimés, plaçant cette formation très largement en tête de ce scrutin, c'est une victoire en trompe-l'oeil. Le parti du président a si bien siphonné la droite qu'il se retrouve parfaitement isolé, sans recours, un peu merdeux pour tout dire.
Dans la meilleure hypothèse, on pourra vouloir lui agréger le score de Libertas et mesuer une droite dépouillée à 33%, flanqué d'un Front National exsangue à 6,5%. Mais c'est pis que cela. : Il n'a échappé à personne que l'ensemble des listes qui se sont présentées lors de ce scrutin se sont unanimement positionnées, exceptées donc celle de l'UMP, en opposition frontale à Nicolas Sarkozy et à sa politique. Lequel Nicolas sarkozy, deux après son élection, se retrouve à ne pouvoir compté sur le soutien que d'un tout petit 28% des suffrages exprimés... c'est-à-dire 11% du corps électoral.
Autre manière de regarder le résultat de l'UMP, soi-disant fort de ses 28% : en Angleterre comme en Italie, la droite obtient 36% des suffrages ; en Espagne, elle flirte avec les 45% ; et en Allemagne, le parti de la Chancelière, Angela Merckel, manque de peu la barre des 50%...
Sarkozy a finalement bien travaillé, parvenant en deux ans à mettre la droite à son plus bas niveau jamais atteint. Ce n'est en aucun cas une victoire pour la gauche française, mais ça ouvre des perspectives.
La baudruche dégonflée du Modem
Des perspectives d'autant plus intéressante que le Modem se retrouve aujourd'hui à 8,5%, quatrième force politique en France, très loin derrière les listes du Parti Socialiste et d'Europe Ecologie, qui pèse chacun près de deux fois plus lourd. Le constat est simple, un parti qui a pour ambition de se positionner sur l'électorat de centre gauche ne peut y parvenir avec un leader de droite.
Depuis hier soir jusqu'à ce matin, l'ensemble des personnalités du Modem qui se sont exprimées font porter le chapeau de la défaite au seul François Bayrou. Mais voilà, jusqu'à preuve du contraire, le Modem c'est François Bayrou et son obsession présidentielle : ils ne voudront ou ne pourront faire sans lui - et c'est regrettable car il y a très certainement un espace politique à occuper au centre gauche, un espace politique qui néanmoins ne saurait s'incarner en un homme de droite, libéral, autoritaire et dévoré par son ambition.
Les électeurs du Modem se sont détournés de François Bayrou, le Modem saura-t-il se détourner de son président pour se mettre en phase avec son électorat ? On peut en douter et le constat demeure d'un Modem isolé et à bout de force, sans autre perspective que le désastreux cavalier solitaire d'un homme qui ne saurait cesser de croire en son destin - car il ne faut pas s'y tromper, pour François Bayrou, après 2012, il y aura encore 2017...
La fin de l'hégémonie du Parti Socialiste sur la gauche
Si le Modem s'effondre de ne s'incarner qu'en un seul, le Parti Socialiste subit une autre sorte de revers, tout aussi cinglant, et qui est la rançon méritée de ses divisions internes. Pas plus qu'en 2007 Ségolène Royal n'avait été en mesure d'unir le Parti Socialiste derrière sa candidature, Martine Aubry n'a été de le faire à l'occasion de ce scrutin européen. Et de même qu'en 2007, il s'agissait d'une responsabilité collective que se devait d'assumer la candidate, il s'agit aujourd'hui encore d'une défaite collective dont Martine Aubry a la charge de tirer toutes les conséquences.
Il ne s'agit pas de donner dans le lynchage et de faire tomber dans les têtes, ainsi qu'en appellent ici ou là quelques rares enragés revanchards. Il s'agit bien au contraire d'en appeler à la responsabilité de chacun et de faire en sorte que le Parti Socialiste dans son ensemble se refuse à jouer la belle. C'est à cette condition unique que le Parti Socialiste deviendra audible, et utile à la gauche en portant haut et fort un projet alternatif ambitieux.
Il est plus que temps que le Parti Socialiste se réinvente. Plus que temps que le Parti Socialiste occupe toute sa place à gauche, ancré au coeur même de la gauche.... et en finisse avec une sociale-démocratie trop timide et à bout de souffle partout en Europe. Plus que temps que la gauche s'ouvre à l'écologie politique, c'est-à-dire prenne le temps de comprendre de quoi il s'agit.
L'écologie politique, deuxième pilier de la gauche
Pour les Verts français, c'est la fin de la clarification : c'est en s'ancrant résolument dans la gauche qu'Europe Ecologie est parvenu à devenir cette seconde jambe dont la gauche à tant besoin - et il est important de noter à ce titre que le score désastreux de Modem est aussi l'échec cuisant de Corinne Lepage et de la tentation aberrante de promouvoir une écologie qui ne serait ni de droite ni de gauche, une écologie qui ne serait pas politique.
Les Verts sont aujourd'hui face à leur responsabilité. Et celle-ci est double. D'abord, responsabilité d'assumer enfin d'être une composante à part entière de la gauche, ce qui signifie d'accepter le Parti Socialiste comme son premier partenaire plutôt que de contribuer à une division qui n'a jamais fait le jeu que de la droite. Ensuite, responsabilité d'explication d'un projet assumé dans toutes ses dimensions et dans toute sa complexité - même si parler d'un amour partagé pour les petites fleurs, et qu'on peut mieux voir du ciel quand il n'est pas pollué, est électoralement plus porteur.
Pour l'écologie politique, urgence sociale et urgence écologique ne se distinguent pas, sont un seul et même cri qui s'oppose à un libéralisme économique structurellement incapable d'intégrer à la prise de décision, aussi bien micro que macro-économique, les coûts des externalités et les coûts de long terme, c'est-à-dire spécifiquement les coûts qui affectent directement ou indirectement l'humain : le social est un environnement, comme l'environnement est social. L'écologie est de gauche ou bien n'est pas !
De la même manière, il faut admettre que si les socialistes doivent réviser très profondément leur credo d'une croissance économiquement et socialement porteuse, les écologistes ne sont pas mieux inspirés lorsqu'ils parlent de décroissance. La réalité est que la croissance du PIB - ou sa décroissance - est un très mauvais instrument de mesure en ce qu'il ne nous dit rien de l'humain et de ses conditions de vie. C'est à cela, entre autres petites choses, qu'il nous faut désormais apprendre à travailler ensemble.
Aujourd'hui, socialistes et écologistes pèsent 33%, ce qui en fait potentiellement la première force politique française, pour peu qu'ils apprennent à se parler, qu'ils admettent avoir pour ambition commune l'invention de la gauche du XXIème siècle et de son projet.
Oui, il est plus que temps de réaliser qu'il ne saurait y avoir de socialisme moderne hors l'écologie politique ni d'écologie politique hors le socialisme. Plus que temps qu'émerge une gauche qui aurait enfin intégré dans sa pensée politique que l'urgence écologique et l'urgence sociale sont les deux faces de la même pièce ; que cette pièce a pour nom économie de marché régulée - parce que le libéralisme n'aura jamais d'autre vision que celle du profit à court terme ; qu'il s'agit donc pour la puissance publique - l'Etat mais pas seulement - d'internaliser dans les transactions marchandes et les investissements publics et privés le coût des externalités de moyen et long terme que sont les dégradations du tissu social et les dégâts causés à l'environnement ; que l'ambition d'une gauche moderne sera de rééquilibrer le marché - qui n'est qu'un instrument à façonner - au profit d'une meilleure prise en compte du bien-être des hommes dans leur environnement, c'est-à-dire de chaque homme et femme sur l'ensemble d'une planète qui est notre unique capital.
Alors, je veux me joindre à cet unique slogan : Au boulot, bordel !
Où l'on parle de : Un mal pour un bien ?
|
|
Martine Aubry par K.O. technique
C'est donc par 102 voix d'avance que Martine Aubry devient première secrétaire du Parti Socialiste, après validation des résultats du scrutin par le Conseil National qui s'est prononcé à 159 voix (67,5%) pour et 76 (32,5%) contre.
67.451 voix pour Aubry et 67.349 pour Royal. Soit un score de 50,04% contre 49,96% !
102 voix d'écart. Soit moins de 0,1% des suffrages !
Le bon sens politique aurait voulu qu'on les donne à égalité. D'ailleurs, le bon sens politique aurait voulu en réalité qu'elles commencent, Martine et Ségolène, par accepter de se parler - ce qu'elles n'ont pas fait depuis quatre jours que le scrutin est clos. Mais elles ont préféré jouer le "match" à quitte ou double et s'engager dans une interminable et irresponsable partie de poker menteur.
Martine Aubry et Ségolène Royal sont les premières responsables de l'épilogue de ce "combat" qu'elles ont voulu "à mort", où il leur fallait une vainqueur et une vaincue, parce qu'à la radicalité du Tout Sauf Royal de l'une s'opposait sans concession possible le non moins radical Ségolène Sinon Rien de l'autre. Camp contre camp, elles ne pouvaient ni d'ailleurs n'auraient voulu voir ce que tout le monde voyait comme une évidence : le vote des militants les avait placées à égalité et c'était une situation qui imposait d'être prise en compte avec sérieux et sens des responsabilités. Elles ont préféré dans leur affrontement aller jusqu'au K.O.
Dans un camp, on a choisi de se satisfaire d'une poignée de voix d'avance... et faire l'autruche quant au reste.
Dans un autre, on a choisi de jeter l'opprobre sur l'ensemble du Parti Socialiste : sur la régularité du scrutin (comme si la triche était généralisée, comme si cela portait sur des milliers de voix, comme si même cela changeait quelque chose à un résultat d'égalité de fait), sur la commission de récolement, sur le Conseil National (qui vient pourtant d'être élu par les militants eux-mêmes).
Et dans les deux camps, on n'a à aucun moment souhaité évoquer le fait majeur que constituait ce résultat de quasi égalité et de ses conséquences. A commencer par la nécessité de se parler et d'envisager ensemble la question de l'intérêt supérieur du parti et de son unité. Envisager des solutions à une situation largement bloquée, dangereuse pour la nécessaire cohésion des militants. Cela pouvait éventuellement passer par l'organisation d'un nouveau vote, voire d'un nouveau congrès, ou pas. Il ne suffisait en tout cas que d'en discuter et de négocier les modalités d'une solution de sortie de crise.
Vincent Peillon avait déclaré ce matin-même qu'il fallait préférer une solution politique à une solution arithmétique ou juridique. Il avait raison. Tout était là : faire de la politique. Encore fallait-il que les deux camps acceptent de se parler, encore fallait-il que les deux candidates se montrent à la hauteur de leur commune prétention à diriger un parti politique, c'est-à-dire d'abord à assurer sa cohésion, à surmonter les clivages qui le traversent, à transcender les questions de personnes et leurs éventuelles inimitiés, et à faire travailler chacun avec chacune, ensemble.
Ce ne fut donc le cas ni pour l'une ni pour l'autre : autruche contre bluff et intox, c'est la stratégie de l'autruche qui l'emporte et c'est Ségolène Royal qui se retrouve à terre - et ce sentiment d'humiliation et d'injustice qui accompagne de tels dénouements, lorsque pour sortir d'un conflit on a préféré la brutalité sans retenue et la mise à mort de l'autre à la solution négociée où un compromis raisonnable est recherché.
Il est évident que cela laissera des traces, profondes dans le camp des vainqueurs, béantes et douloureuses dans celui des vaincus. Et les derniers voudront leur revanche sur les premiers. Mais ils sont tous responsables de leurs propres blessures, car c'est à eux-mêmes, largement, qu'ils se les sont infligées, et c'est pour les uns comme pour les autres à leur propre leader, à son irresponsabilité, qu'ils devraient surtout s'en prendre.
Martine Aubry aura désormais le beau rôle, puisque de fait elle à la main pour rassembler ce qui peut encore l'être et relever un Parti Socialiste qui de toutes les façons ne pourra guère se trouver plus mal.
Plus difficile sera celui de Ségolène Royal, dont on devine déjà la stratégie - on commence à bien la connaître. Elle-même se posera en rassembleuse pleine de bonne volonté, plus unitaire que jamais, drapée dans cette posture de victime magnanime qui lui est tant chère et qui lui a tant servie, tandis que ses fidèles lieutenants se chargeront de faire le sale boulot, non pas tant pour reconquérir une victoire qu'ils prétendront volée - ils savent qu'elle leur a définitivement échappée - que pour entretenir le ressentiment des troupes, ancrer en eux le sentiment d'injustice et aiguiser leur soif de revanche. 2012 et le Graal de la présidentielle demeurent pour Ségolène Royal et ses partisans l'objectif majeur, celui qu'il faudra à n'importe quel prix atteindre. Une bataille qu'il s'agit dès à présent de préparer.
Et c'est bien ainsi qu'il faut comprendre, d'un côté ce très louable et humble appel à l'unité des socialistes que Ségolène Royal à ce soir lancé, comme on dresse un paravent... devant un Manuel Valls, toujours en première ligne, jouant à merveille sa partition de marionnette, et qui clame partout qu'on lui a volé sa cassette et que l'affaire sera bel et bien portée devant les tribunaux. Derrière le paravent, une talentueuse marionnettiste drapée de blanc.
Les jours prochains donneront une bonne indication quant à la capacité de Martine Aubry à faire face à une situation largement explosive, à prendre enfin toute la mesure de sa non-victoire et procéder au nécessaire rassemblement de tous les socialistes, par-delà donc tous les ressentiments qu'on se chargera dans l'ombre d'aviver sans relâche.
Je suis un garçon têtu, aussi je le dis encore : il faudrait à Martine pouvoir se rallier les bonnes volontés à la fois de Benoit Hamon - ce qui devrait être envisageable - et de Vincent Peillon - ce qui désormais risque d'être bien plus compliqué. Mais pour peu qu'elle veuille bien mettre dans la balance certaines garanties politiques de poids...
Où l'on parle de : Martine Aubry par K.O. technique
|
|
Tuer n'est pas négocier
Ce matin, le camp Royal a continué son occupation médiatique. On a entendu Manuel Valls parler d'hypocrisie, Julien Dray remettre en cause l'impartialité du Conseil National, François Rebsamen poser un ultimatum à la commission de récolement, Jean-Pierre Mignard menacer de porter l'affaire en justice, et même Vincent Peillon, très silencieux jusque là, y est allé de son "malfaisants.
Mais ce dernier a également ouvert un peu le jeu en évoquant une "solution politique" qui se substituerait à la "solution arithmétique". On est tenté de dire : Enfin ! Enfin quelque chose de constructif. Enfin le retour du politique. Enfin une base à la discussion.
Pour lui, cette solution politique serait de désigner une "direction collégiale" en attendant la nomination d'un Premier Secrétaire, désigné par un nouveau vote dans des conditions qui assureront la légitimité de celle qui sera élue. Ajoutant que cela implique de "se donner un peu de temps"... et c'est bien là que réside toute la différence avec ce que l'on entendait jusque là depuis le camp royaliste et pour lequel il ne s'agissait que de revoter "rapidement", "la semaine prochaine", "jeudi prochain"....
Un re-vote n'aurait en effet une chance d'aboutir à un résultat différent, c'est à dire cette fois-ci incontestable, que si l'on prend le temps de réformer en profondeur et très sérieusement les conditions des opérations de vote, conditions qui sont à l'origine des doutes quant à la sincérité du vote de la semaine dernière. C'est là sans doute le travail de plusieurs mois.
D'où la nécessité de nommer en attendant une direction collégiale - par exemple mais il y a d'autres solutions, des variantes possibles autour du même thème, un secrétariat national bicéphale ou tricéphale... l'essentiel étant dans le caractère transitoire de la solution qu'il s'agit donc pour les deux camps de négocier. Et tout est dans cette exigence d'une solution négociée. Car lorsque l'on a dit solution transitoire en attendant un re-vote qui puisse se dérouler dans des conditions de parfaite transparence, on n'a encore rien dit et un certain nombre de questions demeurent à résoudre qui exigent des réponses négociées.
Peut-on se contenter de figer le Parti Socialiste au milieu du processus de congrès et simplement se contenter dans six mois d'un vote entre Royal et Aubry ? Sachant qu'en droit un scrutin est composé des deux tours qui le composent, ne faut-il pas au minimum repasser par les deux tours de scrutin ? Et du coup, ne s'agit-il pas en réalité d'en revenir à la phase de dépot des candidatures ? Et du coup encore, si l'on veut qu'il y ait un sens politique à tout cela, que ce ne soit pas juste un affrontement de personnalités, ne s'agit-il pas en réalité d'en passer par l'organisation d'un congrès exceptionnel ?
Et puis quel délai se laisse-t-on ? Combien de temps est nécessaire pour s'assurer d'une refonte sérieuse des opérations de vote et la mise en place de nouvelles procédures ? Un mois ou plutôt six mois ? Et que se passe-t-il alors politiquement pendant ces six mois ? Le PS peut-il se contenter de ne s'occuper que de lui-même pendant tout ce temps ? Sachant que les élections européennes surviennent en juin prochain, comment cela s'articule-t-il : un re-vote juste avant ou bien après cette échéance politique importante ?
Et l'oposition à Sarkozy ? Et le mouvement social ? Et le projet politique qu'il s'agit encore de refonder ? Qui s'occupe de tout ça durant ce délai et dans quel cadre ? On remet à plus tard ?
Et tout cela sans même évoquer les questions de personnes - car même une direction collégiale est composée de personnes qu'il s'agira aussi de désigner...
On voit bien qu'il s'agit de négocier, et donc d'abord de parvenir à se parler, ce que très visiblement ni Martine Aubry ni Ségolène Royal n'ont encore consenti à faire. Et les deux camps qui savent bien qu'il s'agira in fine de négocier en sont de fait toujours à croiser le fer afin de créer le rapport de force qui leur sera nécessaire à la négociation à venir. Le camp Aubry en se déclarant vainqueur et en refusant de reconnaître un résultat d'égalité, le camp Royal en faisant peser la suspicion d'une triche généralisée sur le camp adverse, en menaçant d'aller en justice, en appelant ses partisans à manifester pendant le Conseil National, en remettant en cause sa légitimité, en occupant avec force propos déplacés tout l'espace médiatique...
Le camp Royal, sans doute parce qu'il est dans une position plus inconfortable, va plus loin - et sans doute trop loin - dans cette volonté de créer un rapport de force propice à la négociation et, ce faisant, contribue largement à radicaliser les positions. Et même si je suis bien persuadé que dans une situation inverse, le camp Aubry en ferait au moins autant, il se trouve que dans ce cas précis c'est bien le camp Royal qui en flirtant avec le point de non-retour prend le risque qu'au final de négociations il ne puisse y avoir.
Mais la responsabilité de ce qui découlerait d'une impossibilité à négocier incomberait d'abord et à part égale à Martine Aubry et Ségolène Royal qui viennent déjà de laisser passer trois jours entiers durant lesquels elles ne se sont pas mise autour de la table, laissant champ libre à l'escalade verbale entre leurs lieutenants respectifs. L'une et l'autre prétendent, paraît-il, concourir pour la présidence de la République, mais l'une comme l'autre apportent ces jours-ci la preuve qu'elles sont incapables de transcender leur propre personne, leur propre intérêt, dans le but de privilégier l'intérêt général.
Pour l'une comme pour l'autre, il faudrait bien alors savoir s'en souvenir : se souvenir que face à une petite crise interne au Parti Socialiste, elles n'auraient pas même été en mesure de présenter autre chose que les visages de deux petites filles orgueilleuses, renfrognées chacune dans un coin de la cour d'école et occupées seulement à se tirer la langue par-dessus la tête de leurs petits camarades respectifs.
Où l'on parle de : Tuer n'est pas négocier
|
|
Ségolène Royal à la manoeuvre : opération intox
Donc il suffirait de dire : "Allez, on revote et cette fois-ci, soyez tous bien sages : pas de triche hein !" ?
Mais oui, il suffisait de le dire ! On avait simplement oublié, c'est balot. N'est-ce pas ?
Donc voilà, on re-vote mais on dit avant "Hey les gars, cette fois pas le droit de tricher, hein !" Et hop ça change tout, les tricheurs ne trichent plus - la première fois, ils ne le savaient pas qu'on avait pas le droit - et cette fois, donc, le résultat du re-vote est irréprochable.
C'est tellement simple la démocratie, il suffit de bien énoncer les règles du jeu. On se demande bien comment on n'y avait pas pensé avant...
Dites, Ségolène Royal et sa petite équipe ne seraient pas plutôt en train de nous mijoter une petite entourloupette là ?...
Allez, je vous explique la grosse manoeuvre :
Etape 1 - S'apercevoir très tôt dans la soirée de vendredi que le résultat sera très serré, de l'ordre de la centaine de voix sans doute et en tout cas en-dessous du 1%. Lancer immédiatement la première salve d'intox : laisser filtrer dès la clôture du vote que Ségolène Royal est largement en tête, avancer tout haut des 52 et des 53% en sa faveur. Puis faire confirmer le tout par François Rebsamen - numéro deux du parti, tout de même.
Les autres, du coup, avec leur « bah non, pour nous c'est du 50/50 et sans doute Aubry devant », ils ont vraiment pas l'air malin. Personne ne prend garde à ce qu'ils disent, sont pas crédibles. Et les médias, qui ne sont pas nés de la dernière pluie, d'annoncer la victoire de Ségolène Royal avec 52 ou 53% des suffrages.
C'est que 52 ou 53% des suffrages, ça ne se remonte pas. C'est tout de même plus de 5000 voix d'écart !
Alors forcément, quand on apprend que c'est du 50/50... Il ne suffit plus que de laisser fleurir le doute. L'y aider même un peu en laissant entendre que,, par exemple, dans le Nord aubryiste, il y a des sections qui ont participé à 95% - qu'importe si les sections en question comptent moins de 50 adhérents, qu'importe si ailleurs en France, sur des terres royalistes, on trouve facilement des sections qui sont dans le même cas -, puis de comptabiliser des "erreurs" (avec guillemets apparents) en faveur de Martine Aubry - qu'importe si ce ne sont éventuellement que des erreurs, qu'importe s'il y a des erreurs qui vont dans l'autre sens, qu'importe surtout que ça ne concerne chaque fois qu'une dizaine de voix.
Oui qu'importe, les 5000 voix dont on a parlé au début, et que rien de tangible ne vient étayer, font tout de même effet dans les esprits : le soupçon d'une fraude massive est non seulement distillé, mais on a également très fortement laissé entendre qu'il serait à sens unique. CQFD : les bons / les méchants, la victime/ les bourreaux... Un grand classique de la ségolénie qui a également permis, déjà depuis longtemps, de faire oublier que Ségolène Royal a longuement fréquenté les allées du pouvoir mitterrandien, a été cinq fois ministre et est de toute les majorités internes du Parti Socialiste depuis une bonne vingtaine d'années.
Etape 2 - Envoyer ses lieutenants au charbon - Ségolène est oecuménique, elle ne peut tout de même pas faire le sale boulot . A charge pour eux (on nommera Manuel Valls et Julien Dray) d'en faire des tonnes sur tous les plateaux de radio et de télévision, à charge pour eux d'user de tous les moyens pour bien donner à entendre que les autres sont rien que des vilains tricheurs.
Qu'importe donc que la réalité soit toute autre, que chaque camp possède ses petits barons locaux tripatouilleurs d'urnes. Et qu'importe aussi que dans chaque camp, disons-le tout de même, il ne s'agisse que d'un comportement ultra minoritaire - qui ne saurait par exemple réduire à néant plusieurs milliers de bulletins. Qu'importe même que l'ensemble des procès verbaux dans chaque section et dans chaque fédération aient été signés par des scrutateurs de chaque camp. Qu'importe enfin que le Parti Socialiste soit tout de même le parti de France où la démocratie se porte encore le mieux - et ce n'est en tout cas pas de la droite que pourrait venir un contre-exemple de cette réalité là.
Et c'est ainsi - je le signale en passant - que fleurissent aujourd'hui sur les blogs ségolénistes des vignettes "Martine change les résultats", accréditant l'idée fausse que seul un camp serait en cause dans les dysfonctionnements de la démocratie au PS, accréditant par là même l'idée toute aussi fausse que sans de tels dysfonctionnement Ségolène l'aurait emporté largement.
Qu'importe donc puisqu'il s'agit de bien donner à penser que Ségolène Royal serait une fois encore la victime d'un Parti pourri jusqu'à la moelle, tous ses opposants n'étant qu'une cohorte d'ogres qui n'ont d'autres ambitions que de dévorer une innocente dont la blancheur par contraste étincelle plus mille étoiles dans le ciel. Faire oublier aussi qu'en tout état de cause, aucune erreur ou fraude n'est d'ampleur suffisante pour qu'on s'écarte de la situation d'égalité dans laquelle les militants ont placé non seulement Martine Aubry mais aussi, voyez comme c'est étrange, Ségolène Royal. Faire oublier qu'en tout état de cause elle ne l'a pas emporter - et on se souviendra là que pour elle les présidentielles ne s'étaient déjà pas soldé par une défaite, mais bien par ce qu'elle appela « une non- victoire »...
Etape 3 - Nier donc la réalité démocratique de ce match nul [sic...] et demander un re-vote au prétexte d'irrégularités qui ne remettent pourtant pas en cause la situation d'égalité..
Et là c'est Ségolène Royal qui s'en charge. Réclamer plus de démocratie c'est son job. Et puis, sachant bien qu'elle sera derrière, se permettre de se montrer magnanime : « Mais oui ! re-vote même si c'est moi qui obtiens dix voix d'avance voyez comme je suis la très très gentille de toute cette histoire ».
Si alors revote il y avait - mais il n'y aura pas -, il s'agirait d'oublier définitivement la politique, le débat d'idées, la question de la ligne politique et de celles des alliances, pour demander aux militants une opération mains-propres et donc un plebiscite en faveur de la très innocente victime de l'insupportable acharnement des méchants méchants qui veulent rien qu'à éliminer la très très gentille Ségolène Royal et par tous les moyens même les plus vils.
De cette manière, l'espoir serait dans le fait qu'un tel re-vote ne produirait pas une nouvelle égalité, laquelle serait en ce cas tout aussi contestable que la première fois, puisqu'il y aurait de part et d'autres de nouvelles irrégularités - c'est que, voyez-vous, les tricheurs ne sont malheureusement pas toujours très obéissants. Il s'agit en réalité, vous l'aurez compris, de ce fameux Rien Sauf Royal qu'une égalité ne saurait satisfaire.
Et s'il n'y avait pas re-vote, il suffirait alors de passer les prochains mois, voire les prochaines années, à prétendre que Ségolène la tant gentille démocrate avait en réalité gagné - rassurez-vous, les mythiques 5000 voix d'avance saurait à force devenir réalité - et que les autres sont en vérité illégitimes - en sus bien sûr d'être toujours très très méchants méchants.
Et pourtant, quelque soient les irrégularités - lesquelles se répartissent sur chaque camp et ne sauraient concerner plus d'un demi pourcent des suffrages exprimés -, le résultat du vote des militants est limpide : E-GA-LI-TE E-GA-LI-TE E-GA-LI-TE ! Et l'erreur magistrale du camp Martine Aubry aura été de n'avoir pas su le reconnaître - tant de ce côté là le Tout Sauf Royal est tout aussi puissamment à l'oeuvre - Monumentale erreur tactique que de vouloir s'accrocher à ces 42 voix d'écart qui n'ont aucun sens, qui n'a fait que renforcer le camp Royal dans sa propre stratégie.
Ségolène Royal comme Martine Aubry, l'une et l'autre ont la responsabilité de faire avec ce résultat. Il ne s'agit ni de revendiquer pour l'une la victoire, ni pour l'autre de réclamer un nouveau vote, mais d'assumer une situation imposée par l'expression démocratique de la volonté partagée des militants. J'ai pour ma par ma petite idée de comment cela pourrait se faire, mais c'est d'abord à elles d'en décider : elles se mettent autour d'une table, discutent, éventuellement en viennent aux mains, se rassoient, se recoiffent, discutent encore, négocient le temps qu'il faut et trouvent une solution !
Et pour ceux qui n'auraient pas tout à fait perdu le goût de la politique par les idées, je signale cette excellente analyse de Gérard Filoche de la mutation qui est à l'oeuvre au Parti Socialiste et dont le noeud gordien s'est noué à l'occasion du congrès de Reims et qu'il s'agira bien de trancher.
Où l'on parle de : Opération intox
|
|
Ségolène Sinon Rien contre Tout Sauf Royal : ils sont devenus fous
« Manuel Valls, lieutenant de Ségolène Royal, a annoncé dimanche sur Canal + qu'une plainte serait déposée pour "faux en écriture" contre un décompte de voix de militants socialistes à Lille, bastion de Martine Aubry, arrivée en tête du second tour du vote PS vendredi. » - AFP
« Le premier secrétaire de la fédération PS du Nord, Gilles Pargneaux, proche de Martine Aubry, a annoncé qu'il porterait plainte pour diffamation contre Manuel Valls, après son annonce d'une plainte pour faux en écriture à propos d'un décompte de voix d'une section PS à Lille. » - AFP
Voilà où nous en sommes ! Deux extraits d'une même dépêche AFP qui illustrent tout le délire qui s'empare actuellement de quelques dirigeants socialistes - et je fais là bien attention à ne pas dire les dirigeants socialistes, tant il me semble crucial de ne pas sombrer dans un tous pourris qui serait tout aussi délirant...
Il y a d'abord le fait que Martine Aubry serait arrivée en tête, ce qui à ce stade n'est qu'une hypothèse, hypothèse non avérée et qui le restera tant que le Conseil National du Parti Socialiste n'aura pas statué sur les résultats définitifs, lesquels devraient être annoncés par François Hollande dans les 36 prochaines heures.
Tout a commencé là, dans cette bataille d'intoxication de l'opinion où l'on a d'abord vu les partisans de Ségolène Royal annoncer très prématurément, à peine le scrutin était-il clos, la victoire de leur championne, avançant un résultat de 52% contre 48% (et sur 135 000 voix exprimées, cela représenterait plus de 5000 voix d'avance !). Aussitôt, les partisans de Martine Aubry ont contesté ces chiffres, affirmant que les résultats restaient pour eux très serrés, très proche du 50/50.
Force est de constater que ces derniers avaient raison et que, toutes irrégularités prises en compte, l'écart entre les deux candidates, qu'il soit dans un sens ou dans l'autre, est d'avantage de l'ordre de quelques centaines, voire même de quelques dizaines de voix, que des quelques milliers de voix dont les ségolénistes s'étaient targués. Cette réalité d'un 50/50 était alors une raison supplémentaire pour que Martine Aubry ne s'en aille pas à son tour revendiquer une victoire qui ne lui est pour l'heure en rien acquise.
Il se serait agi plutôt, pour les uns comme pour les autres, pour le moins de se taire et d'attendre les résultats, que d'aller se répandre dans les médias, aussi bien en personne que par lieutenants interposés, afin de poursuivre la grande opération d'intox au travers de laquelle il s'agit surtout de faire peser toutes les suspicions sur l'autre camp. Et s'ils ne savaient pas se taire, du moins pouvaient-ils simplement reconnaître que le seul résultat tangible du scrutin est qu'il place les deux candidates à égalité.
Et ce constat pouvait même - mais ce serait là sans doute un peu trop demander - amener les uns et les autres à se remettre en question. Car pour l'une comme pour l'autre, 50% des voix exprimées - un peu plus pour l'une et un peu moins pour l'autre, qu'importe en réalité - avec 40% d'abstention est d'abord le constat d'un rejet majoritaire de l'une et de l'autre. Sans aucun doute le constat que ni l'une ni l'autre n'est à même d'incarner l'unité des socialistes et cette volonté sur laquelle tout le monde s'accorde d'un renouvellement des responsables.
Je reste d'ailleurs pour ma part persuadé que si Ségolène Royal avait daigné s'effacer en faveur de Vincent Peillon à la suite du vote sur les motions, la synthèse aurait été trouvé et aujourd'hui Vincent Peillon serait le premier secrétaire d'un PS largement rassemblé. Ne le faisant pas, il fallait d'évidence comprendre que pour Ségolène Royal il s'agissait de mettre en place ce credo qui est toute sa motivation : Rien Sauf Elle-même.
Martine Aubry eut alors la même opportunité, s'effacer au profit de Benoit Hamon. Là encore une synthèse majoritaire devenait possible et là encore, assez probablement, Benoit Hamon aurait été porté par les militants à la tête du Parti Socialiste. Mais pour Martine Aubry, visiblement, il s'agissait avant toute autre considération de tuer politiquement Ségolène Royal.
Quoi qu'il en soit, au final, la stratégie de l'une et de l'autre aura échoué : les militants socialistes - et ce n'est pas tellement surprenant - ne sont pas davantage guidés par un Ségolène Sinon Rien que par un Tout Sauf Royal.
Mais cela ne pouvait satisfaire aucun des deux camps. Le jeu de massacre ne s'arrête donc pas et plutôt que de convenir à minima d'un constat d'égalité, chacune préfère l'emporter sur l'autre, à n'importe quel prix et en portant tous les coups jusqu'aux plus irresponsables. On compte une dizaine de voix oubliée ici, quelques autres rajoutées par là - comme si cela pouvait changer quelque chose à la réalité - ; on crie à la fraude - comme si les uns étaient parfaitement blancs et les autres d'une noirceur totale - ; on demande de re-voter - comme si prolonger encore ce cirque était une bonne idée, comme si le résultat pouvait n'être pas une nouvelle égalité - ; on en appelle aux militants, on leur demande de manifester devant le siège du Parti Socialiste - comme s'ils ne venaient pas de s'exprimer, comme si les uns valaient mieux que les autres, comme s'il fallait en sus déclencher une bataille de rue entre les uns et les autres - ; ... et voilà donc maintenant qu'on menace de porter tout cela en justice - comme si on avait le temps d'attendre une décision de justice, comme si une telle décision allait permettre de rassembler les socialistes, comme si on ignorait que l'immense majorité des militants n'attend que cela, qu'on se rassemble et qu'on se mette au boulot : rénover le parti, élaborer un projet, s'opposer à Sarkozy.
STOP ! ... et puis donc faire baisser la température, comme nous y invite Nicolas J.
Martine Aubry, Ségolène Royal, le résultat du vote des militants est que vous êtes à égalité. La conséquence est que ni l'une ni l'autre ne saurait être tout à fait légitime. L'exigence qui en découle est que dans l'intérêt supérieur du Parti Socialiste, c'est-à-dire de ce combat qui nous est commun, est que vous vous mettiez l'une et l'autre au travail. Et si vous faites le constat que cela vous serait impossible de travailler en toute intelligence - ce qui est en effet plus que probable - que l'une et l'autre se désistent en faveur d'un doublon qui saura faire le boulot.
Compte tenu du déroulement de ce congrès, il me semblerait à moi raisonnable que Ségolène Royal consente cette fois à s'effacer derrière Vincent Peillon et que Martine Aubry en face de même au profit de Benoit Hamon. Benoit Hamon, Vincent Peillon : voilà un tandem qui donnerait au Parti Socialiste une autre image de lui-même, et qui lui ressemblerait sans doute davantage. Un bon début pour une rénovation, non ?
Mais en effet, on se moque bien de ce qui me semble. On se moque cependant beaucoup moins que ni l'une ni l'autre n'assume un résultat et ne prenne ses responsabilités...
(je l'ai déjà dit, mais si l'on pouvait au moins commencer par faire taire Manuel Valls et Julien Dray...)
Crédit dessin : © SaT sur La République des Fourmis - Reproduction interdite sans autorisation de l'auteur
Où l'on parle de : Ils sont devenus fous
|
|
Martine Aubry ou Ségolène Royal : entre ancrage à gauche et rénovation du PS
Le second tour de l'élection du premier secrétaire du Parti Socialiste opposera donc Martine Aubry et Ségolène Royal, deux femmes - et c'est la seule bonne nouvelle de ce premier tour de scrutin - qui se disputeront dès ce soir les suffrages des militants.
Et pour les partisans de Benoit Hamon, il s’agira de choisir entre l’exigence de l’ancrage politique à gauche et la nécessité de la rénovation interne du Parti Socialiste.
Résultats
Au terme de ce premier tour de scrutin (chiffres AFP 1h du matin), Ségolène Royal a obtenu 57.424 voix, soit 42,45%, devant Martine Aubry (46.979 voix, soit 34,73%) et Benoît Hamon (30.880, soit 22,83%).
La participation a été de 59,9% des adhérents socialistes, soit 137.741 voix, un chiffre d'autant plus faible qu'il concerne un parti politique. Cette participation a néanmoins été légèrement supérieure à celle du vote sur les motions le 6 novembre (56,6%) d'un peu plus de 3 points.
Près de 2.500 bulletins blancs ou nuls ont été répertoriés, c'est à dire près de 2% des suffrages exprimés - chiffre cette fois plutôt important.
Benoît Hamon, arrivé en troisième position, a immédiatement appelé les militants socialistes ayant voté pour lui à se reporter "massivement" vendredi sur la candidature de Martine Aubry : «Pour avoir un parti ancré à gauche, attaché au rassemblement de la gauche, moi, j'ai fait le choix de demander aux 30.000 militants, dont les voix ne m'appartiennent pas, de se reporter massivement vers le vote en faveur de Martine Aubry», a-t-il déclaré, ajoutant qu'il s'agissait d'«un choix de culture et d'un choix politique éminent» (la totalité de sa déclaration en video à la fin de l'article).
Prospectives
10 000 voix séparent les deux candidates, quand Benoit Hamon en a recueillies 30 000. La bascule de la victoire devrait donc se faire au deux tiers : si l'appel de Benoit Hamon en faveur de Martine Aubry est suivi par les deux tiers des militants qui ont voté pour lui, c'est cette dernière qui deviendra première secrétaire.
A noter que que si on compare ces résultats avec celui du vote sur les motions, les 25% de Bertrand Delanoë se sont répartis de la manière suivante et à la louche : 10 points sur Ségolène Royal, 10 autres sur Martine Aubry et les 5 derniers sur Benoit Hamon. C'est un échec pour Bertrand Delanoë qui avait appelé ses partisans à voter pour Martine Aubry et certainement une indication quant au choix opéré par la tendance François Hollande, sans doute très majoritairement en faveur de Ségolène Royal.
On peut néanmoins faire l'hypothèse que les partisans de Benoit Hamon seront plus susceptibles, non pas de suivre les consignes de ce dernier, mais de partager un avis qui les conduira à faire le même arbitrage en faveur de Martine Aubry.
Le second tour pourrait néanmoins bien se jouer à quelques centaine de voix près...
Analyse
Ceux qui me lisent régulièrement savent déjà que je suis déçu de l'élimination de Benoit Hamon, comme ils savent que mon engagement en sa faveur était le fruit d'un constat somme toute assez simple : Benoit Hamon incarnait à la fois l'ancrage à gauche, la volonté de rénover le vieux Parti Socialiste et l'exigence d'un changement de génération.
Pour le changement de génération, l'occasion est manquée. Et même si Ségolène Royal met en avant une équipe largement rajeunie, il demeure qu'elle comme Martine Aubry appartiennent à cette génération qui apparaît particulièrement incapable d'en finir avec une vieille, stérile et destructrice querelle qui repose avant tout sur des inimitiés personnelles. Laquelle querelle se poursuivra donc et ce quelque soit le résultat de ce soir, et d'autant plus violemment que le résultat sera serré. Et je dirais même plus, de manière plus destructrice encore si c'est Ségolène Royal qui l'emporte, tant celle-ci aurait alors à cohabiter avec des instances dirigeantes qui lui seront majoritairement hostiles, puisqu'elles seront ici d'une répartition à la proportionnelle du vote sur les motions. Tant pis donc, ainsi en ont décidé les militants.
Il est tant vrai que Martine Aubry a le soutien de tout ce que le Parti Socialiste compte encore d'éléphants, que la nécessaire rénovation du parti semblerait en des mains plus sûres si celle-ci était confiée à Ségolène Royal tant cette dernière s'est engagé derrière cette volonté d'ouvrir portes et fenêtres aux citoyens comme au mouvement social, et de démocratiser les pratiques, participativement bien entendu.
A ceci près, cependant, que l'on sait que la première volonté de Ségolène Royal est de présidentialiser un parti afin d'en faire sa machine de guerre électorale personnelle en prévision de cette candidature en 2012 qui lui tient plus que toute autre chose à coeur. Je n'oublie pas en effet que nous aurions pu éviter de nous retrouver dans la situation actuelle où l'unité du Parti Socialiste est gravement en péril, pour peu qu'elle ait consenti à laisser sa candidature au frigidaire et de s'effacer devant un Vincent Peillon derrière lequel un large rassemblement semblait pouvoir s'opérer au soir du vote sur les motions, tant il semblait en mesure d'incarner mieux qu'elle le désir qui s'était alors déjà exprimer en faveur de la rénovation du parti, du changement de génération et d'un ancrage à gauche.
Il reste que la politique est d'abord affaire de ligne politique. Or en ce domaine, je l'ai déjà écrit, Ségolène Royal est prisonnière de sa stratégie d'alliance in fine avec les libéraux du centre droit, stratégie qui n'aura de cesse de la contraindre à veiller à être modemo-compatible - car comment sinon espérer rallier cet électorat, sans même parler contrat de gouvernement avec l'appareil - et on sait qu'il s'agit également de cela.
En ce domaine - la ligne politique - Martine Aubry offre incomparablement plus de garanties non seulement de l'ancrage à gauche du Parti Socialiste, mais également du projet politique qu'il s'agira pour lui de débattre et de définir dans les mois à venir, chantier qui se devra d'ailleurs de débuter dès la semaine prochaine - en sus du travail d'opposition au sarkozysme qui n'a été ces dernières semaines que trop délaissé.
C'est pourquoi il ne devrait surprendre personne que Benoit Hamon ait sans hésitation appelé à voter pour Martine Aubry, comme il ne devra surprendre personne qu'une large majorité de ceux qui ont voté pour lui hier soir apporte en effet ses suffrages à la Maire de Lille. Ce sera en tout cas, avec un enthousiasme plus que modéré mais sans la moindre hésitation non plus, le choix que je ferai - et sans rien renier dès demain de ma volonté exigeante d'une profonde rénovation du Parti Socialiste.
Oui, décidément, une bien belle occasion de manquée...
... mais la politique à également cela de grand que jamais rien n'y est acquis, où même la défaite n'est jamais qu'une étape !
Où l'on parle de : Entre ancrage à gauche et rénovation du PS
|
|
Congrès de Reims : ma synthèse
Un congrès désespérant. Deux candidates désespérantes. Et Benoit Hamon pour ce qui reste d’espérance en un Parti Socialiste rénové et ancré à gauche. Les socialistes sauront-ils se souvenir enfin qu’être de gauche c’est d’abord oser aller de l’avant, oser renverser l’ordre établi ?…
Lamentable !
Le visage qu'a présenté le Parti Socialiste aux français, et même à ses militants, est lamentable. Je ne vais pas jouer au petit jeu des responsabilités, simplement dire que le résultat est désastreux... et ne pas épiloguer. Ne pas épiloguer, aller de l'avant, continuer quand même, se tourner déjà vers les lendemains, et feindre de ne pas être trop pessimiste, ni trop amer.
Non, tout de même. D'abord me souvenir une dernière fois qu'il y a une semaine encore, après que les militants avaient voté sur les motions, on parlait d'ancrage à gauche, de rénovation du parti, de changement de génération... et de Vincent Peillon. Et puis Ségolène Royal a voulu être que la candidate ce soit elle. Personne d'autre qu'elle et son ambition. Et alors Martine Aubry n'a pas voulu que ce soit Ségolène Royal. Benoit Hamon non plus. Il y eut aussi Bertrand Delanoë qui ne voulait ni de Ségolène Royal ni de Benoit Hamon. Et Martine Aubry qui ne voulait pas de Bertrand Delanoë. Et Benoit Hamon qui estimait être le meilleur candidat pour la gauche. Et Ségolène Royal qui continuait à ne voir qu'elle-même et son destin présidentiel. Ce qui inquiète tous les autres. Et puis rien.
Me souvenir aussi qu'hier soir, pourtant, tout semblait s'être clarifié, sur le fond. Un clivage politique s'était révélé entre les partisans de la motion E et les autres, sur la question cruciale, essentielle, de l'ancrage à gauche. On semblait avoir enfin compris que la question des alliances n'était pas un prétexte, mais bien une problématique indissociable de celle de la ligne politique. La motion E apparaissait enfin pour ce qu'elle était, c'est-à-dire minoritaire. Il y avait la place pour une majorité, pour bâtir une synthèse majoritaire autour d'une ligne politique cohérente et à gauche. Un Parti Socialiste qui choisirait la gauche, c'était une perspective alléchante. Mais l'inertie de l'appareil et le conflit des egos eurent raison d'une espérance qui fût tué dans l'oeuf. Opportunité rare, occasion manquée et on pourrait bien avoir longtemps pour s'en mordre les doigts.
Tant pis. Prendre acte, donc. Recommencer à partir de là. Comprendre la situation. Ne pas oublier que si les français n'ont certainement pas besoin de ce parti socialiste là, ils ont besoin de l'alternative socialiste, besoin de gauche. La responsabilité des militants socialistes demeure immense, dès la semaine prochaine et dès ce vote sur le premier secrétaire qui sera donc déterminant pour l'avenir.
Trois candidats, deux lignes politiques. D'un côté Ségolène Royal, de l'autre Martne Aubry et Benoit Hamon.
Ségolène Royal : Sa ligne politique est celle inscrite dans la motion E, issue de l'alliance avec Gérard Collomb, Jean-Noël Guérini et Manuel Valls, barons de la vieille social-démocratie tendance libérale et Modem-compatible.
Mais il ne s'agit pas seulement de cela. Et même si la ligne politique demeure essentielle dans ce choix, la crise financière est passée par là qui semble avoir ouverts bien des yeux sur la nécessité d'un réancrage à gauche. On notera à ce sujet que Ségolène Royal dans son discours, ce dimanche matin à Reims, a parlé de radicalité crédible à gauche. Radicalité, un terme dont elle se servait jusqu'à présent pour renvoyer Benoit Hamon à de supposés archaïsmes. Mais on le sait, la stratégie électorale de Ségolène Royal est toujours la même qui consiste à s'en aller surenchérir sur le terrain de l'adversaire - qu'il s'agisse de Nicolas Sarkozy lors des dernières présidentielles ou de Benoit Hamon cette fois-ci - au point qu'on en finit toujours pas se demander où se trouvent ses convictions à elle, sinon dans l'ambition qu'elle a chevillée au corps de l'emporter coûte que coûte.
Il ne s'agit donc pas seulement de cela, disais-je. Ségolène Royal incarne également une autre manière de faire de la politique. C'est indéniable. Pourtant, de la même manière qu'il faut répondre à la droite qu'il ne s'agit pas que de réformer mais de réformer dans la bonne direction, il faut avoir à l'esprit que faire de la politique autrement n'est pas un objectif en soi : ce qui importe est dans la manière. Ségolène Royal joue de la proximité sentimentale, sait plus que tout autre faire vibrer la corde sensible, elle parle d'amour et de fraternité, d'offenses et de pardon des offenses, et recherche la popularité par la mise en scène d'elle-même.
Cela provoque enthousiasmes, mais aussi rejets, l'un et l'autre étant finalement plus politique qu'irrationnel, tant cette manière de moderniser la gauche peut être perçu comme ayant en réalité plus à voir avec la modernité qu'avec la gauche. Parce que la gauche s'occupe d'avantage de solidarité que de compassion, d'avantage de la mobilisation du collectif que de la personnalisation à outrance, d'avantage de faire appel à l'intelligence qu'à l'émotion. Parce qu'être de gauche c'est aussi, en politique, une manière de faire.
Et là est bien le plus grand danger de Ségolène Royal, ce divorce d'avec le peuple de gauche dont une partie non négligeable la rejette, refuse de se reconnaître dans cette pseudo-modernité qui est en réalité un renoncement. Et l'on revient là très directement au fond de la question des alliances et à la problématique Modem. Pour Ségolène Royal, la gauche n'est pas majoritaire et ne le sera jamais seule : pour l'emporter, elle aura besoin de s'allier avec le centre-droit, rassembler tous les républicains. C'est un renoncement, le plus grand des renoncements : c'est partir battu dans la bataille des idées qu'il s'agit pourtant plus que jamais de mener avec force, c'est renoncer a priori d'être jamais en mesure de mener une politique de gauche, réellement alternative, que, tout républicains qu'ils soient, les libéraux du Modem récuseront toujours.
Enfin, on l'a désormais bien compris, placer demain Ségolène Royal à la tête du Parti Socialiste sera de facto en avoir fait la candidate pour 2012. De facto, le PS serait d'abord et avant tout devenu sa machine à la faire candidate. Or il faudrait être fou ou bien sourd pour ne pas entendre de partout ce peuple de gauche qui avertit : nous ne voterons pas une seconde fois pour Ségolène Royal dès le premier tour. Le rejet est réel dont il nous faut impérativement tenir compte, sauf à d'ores et déjà envisager la défaite en 2012, défaite promise pour une gauche qui, autiste, n'aurait changé ni de projet ni même de candidate.
Martine Aubry ou Benoit Hamon : Sur le fond, le congrès a entériné l'adhésion à la ligne politique de Benoit Hamon, une ligne marquée à gauche, sans ambiguïté sur son positionnement, cohérente, moderne et ambitieuse sur ses propositions. Il ne s'agit maintenant, et plus que jamais, que d'oser franchir le dernier pas, gravir la dernière marche, réaliser ce que n'ont su réaliser les congressistes.
Avant ce week-end, l'image du Parti Socialiste dans l'opinion n'était pas enviable. Elle est désormais tout à fait désastreuse et les militants doivent adresser aux français un message d'autant plus fort qu'il nous faut revenir de loin. Répétons-le donc, il s'agit aujourd'hui d'ancrage résolument à gauche, de rénovation du Parti Socialiste et de changement de génération. Il s'agit à présent de ne plus tergiverser et faire enfin ce saut générationnel qui plus que jamais nous est devenu nécessaire. La politique est aussi affaire de symboles et, quoi qu'on en veuille et en le disant sans offense, dans ce "duel" à la gauche du parti, Martine Aubry symbolise le passé et Benoit Hamon l'avenir. C'est là, précisément, qu'il nous faut trancher et, j'ose le dire ainsi, et pas tout à fait naïvement, trancher avec audace et courage, mais aussi créativité, trancher ici et maintenant pour changer à gauche, trancher radicalement et choisir sans complexe d'avoir un monde d'avance.
Cela fait désormais trop longtemps que les socialistes à ne plus oser ont fini par s'immobiliser : camarades, décomplexons-nous, soyons audacieux, osons Hamon !
Je vais parler de Barack Obama et je m'en excuse tant cela devient convenu. Et loin de moi est l'idée de comparer Benoit Hamon à Barack Obama - je ne suis pas certain d'ailleurs que cela serait lui rendre service. Juste dire ceci cependant : c'est parce que depuis trop longtemps nous, socialistes français, sommes incapables d'oser des Benoit Hamon que nous avons perdu l'espoir de voir émerger de nos rangs des Barack Obama. On peut même aller plus loin : c'est parce que nous avons perdu le goût d'oser que des Vincent Peillon n'osent plus eux-mêmes prendre leurs responsabilités pour sortir de leurs abris tutélaires. Et c'est bien parce que nous sommes socialistes que nous avons le devoir collectif de réapprendre à contester les leaderships, tous les leaderships, plutôt que de toujours très sagement nous y soumettre.
Osons nous réinventer ! Osons le mouvement ! Osons nous bousculer nous-même pour nous remettre en mouvement !
Lire aussi le texte de conclusion de Benoit Hamon : Un projet, une stratégie, une conception de la politique.
Où l'on parle de : Ma Synthèse
|
|
Ségolène aura la place qu'elle souhaite avoir dans le Parti socialiste
Invitée du «Grand Rendez-Vous» d'Europe-1/Le Parisien/Aujourd'hui en France, Martine Aubry a déclaré que Ségolène Royal « aura la place qu'elle souhaite avoir dans le Parti socialiste ».
La question est de savoir si Ségolène Royal souhaite avoir une place dans le Parti Socialiste. A en croire Vincent Peillon, premier lieutenant de cette dernière, ceci ne semble pas évident : « Si elle veut un statut, elle aura un statut. Ça lui a été proposé dix fois, j'ai participé moi-même aux discussions avec Martine Aubry et elle ».
Dix fois ?!...
Martine Aubry s'est d'ailleurs félicitée de la présence de Ségolène Royal à ses côtés fin mai, lors du meeting du PS qui se tiendra a Rézé dans le cadre de la campagne des élections européennes. «Personne n'aurait compris qu'elle ne soit pas là», a commenté la première secrétaire du Parti Socialiste, alors que la présidente de la région Poitou-Charentes avait menacé de ne pas venir.
Je crois que Martine Aubry a tort. On aurait très bien compris pourquoi elle n'aurait pas été là... Trop bien compris en réalité, et c'est d'ailleurs bien ce qui explique que finalement elle ira. C'est qu'à l'image d'un François Bayrou, Ségolène Royal, le regard obsessionnellement fixé sur 2012, se contrefiche de ces élections européennes comme de sa première petite culotte... défaite aux présidentielles... elle s'en contrefiche. A la limite, le Parti Socialiste se retrouverait derrière l'UMP, elle ne manquerait pas de s'en réjouir, tant cela représenterait pour elle un pas supplémentaire vers la possibilité d'une nouvelle défaite candidature.
De là à penser que Ségolène Royal se contrefiche du fait qu'une telle éventualité serait aussi l'occasion pour l'UMP de crier victoire, pour Sarkozy de tirer une nouvelle légitimité à poursuivre une politique qui fait tant de mal à une majorité de français - et ils ne savent pas encore qu'ils n'ont pas fini de payer pour toutes les erreurs qui, par pure idéologie, sont commises actuellement. Bon, le penser... mais le dire serait sans doute par trop verser dans la caricature.
Cela étant dit, je prends date ici que le passage de Ségolène Royal au meeting socialiste de Rézé se fera au mieux en mode service minimum, afin de donner toute la matière aux journaux du lendemain de titrer sur une unité de façade. Elle évitera par exemple bien soigneusement de se prêter au petit jeu de la photo symbole façon main dans la main. Et une petite phrase bien placée sera en outre l'occasion pour les journalistes d'un travail prémâché : Ségolène : solidaire... mais du bout des lèvres, auront-ils écrit à l'avance. Gageons même que Ségolène arrivera en retard et/ou partira en avance : Un petit tour et puis s'en va, le titre est tout trouvé.
Où l'on parle de : Ségolène
|
|







